Le temps du sérieux

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Par Mohamed Bessa

Profitons de ce que l’actualité nous en offre encore le loisir pour en dire encore quelques mots. Les images en provenance du Moyen-Orient sentent trop les manipulations pour continuer d’être casées sous la rubrique « Islam ». S’agissant d’un pays autoritaire et policé à souhait, et d’un autre duquel il a fait un espace satellite réglé par les coups tordus de ses services secrets, on ne peut, en s’en tenant étroitement au registre religieux, comprendre le caillassage puis le débordement d’une haie d’agents de l’ordre et enfin l’incendie du bâtiment d’une représentation consulaire étrangère. La crédibilité commande que les foules continuent dans la même énergie et abattent les palais de la dynastie au pouvoir qui inflige au pays l’affront, le vrai, de le maintenir dans la glaciation autoritaire depuis des décennies.Pour comprendre ce feuilleton qui déroule ses parties à n’en plus savoir où l’intrigue veut nous traîner, il faudra tout recadrer à la lumière des grands enjeux stratégiques qui se déploient dans cette sensible région du monde : crise irakienne, assassinat de Rafic Hariri et rapport Mehlis, victoire du Hamas en Palestine, dossier nucléaire Iranien, etc. Et il faut toujours garder à l’esprit que ce déferlement de violence est d’autant plus suspect qu’il survient quatre mois après l’acte qui l’a officiellement engendré. A l’ère de l’Internet et de tout ce qu’on voudra, cela fait vraiment long à la détente. « Vous pourriez lire dix gros volumes sur l’histoire de l’Islam depuis les origines, vous ne comprendrez rien à ce qui se passe en Algérie, écrit Amine Maalouf dans Les identités meurtrières. Lisez trente pages sur la colonisation et la décolonisation, vous comprendrez beaucoup mieux ».Un homme comme Soheib Benchikh pourrait le dire ainsi : De l’Islam, on peut tirer autant de justifications à être un pacifiste apaisé, un condottieri de l’AIS, un vociférateur de manifestation MSP, ou un tenace défenseur de la liberté d’expression. Le soufiste El-Ghazali soutenait déjà que « ceux qui n’aiment pas le vin et les femmes n’ont rien compris à l’Islam ». Ici comme dans tout autre système de représentation ou de pensée d’ailleurs, tout est question d’angle de vue, de cadrage, de sensibilité, de vocation et plus encore d’intérêts, de vécu et de formation. Amar Imache, dont l’anniversaire vient d’être célébré du côté de son Béni Douala natal, auquel certains historiens assez volontaristes rattachent la naissance de la sensibilité berbère dans le mouvement national,était d’abord un détracteur de prophètes. Le 5 février 1947, rentrant définitivement au pays, il rédigea une « Lettre d’adieu aux Algériens résidant en France ». »Peuple Algérien, on t’a réveillé de l’idolâtrie, on t’a conseillé de tout voir, tout comprendre, tout contrôler et tu tombes à genoux en extase devant de nouvelles idoles ! Tu oses prêter une vertu divine même aux poils de barbe ? », s’emporte-t-il dans une allusion à la barbe de Messali.Or, à cette époque-là, « critiquer Messali, c’est presque critiquer le Prophète », écrit Ali Guenoune à propos de Benaï Ouali entré bien plus tard en compétition avec le zaïm charismatique du PPA-MTLD. Aujourd’hui encore ces paroles tonitruantes résonnent comme un écho précurseur de certaines phrases qui figurent en bonne place dans le bétisier de notre histoire politique récente. Véritablement, le même tempo que le prétentieux « je-me-suis- trompé- de-société » de Saïd Sadi ou le dédaigneux « Ghachi » de Boukrouh. Le premier a couru se réfugier sous l’aile protectrice de l’Armée avant de la trouver trop étouffante, le second se délecte au petit lait du système vache à traire pendant que tout le monde attend avec curiosité son prochain rot.Amar Imache a cheminé lui aussi sur la pente d’une pathétique régression politique. De son verbe haut, il a paradoxalement tiré la conclusion de la révision à la baisse de son engagement nationaliste. De l’ENA, dont il était cofondateur pour ensuite en devenir le N° 1-bis et qui allait enfanter le PPA, il passe lamentablement aux réformistes de l’UDMA pour enfin se contenter de distiller quelques conseils d’Amghar aux baroudeurs de Novembre.Il ne faut décidément jamais se prendre au sérieux. Et surtout se méfier de ceux qui le font.

M. B.

PS : Dites à nos frères boycotteurs, ceux de l’UGCAA et les autres, de ne pas trop se mettre martel en tête. L’Algérie n’entretient qu’un faible commerce avec les pays scandinaves car la corruption n’y est malheureusement pas assez répandue. Lire avec profit, si ça fait pas trop mal à la tête, Corruption et démocratie de Djillali Hadjadj ou les rapports de Transparency International.

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