Dans les villages de la haute Kabylie, dont les villages de Ouadhias, Mechtras et Mâatkas, l’ambiance ramadhanèsque, même si elle est palpable, reste monotone et très réduite. Les activités nocturnes se limitent dans la plupart des cas aux veillées dans les cafés maures. Les jeux de hasard refont surface pendant tout un mois.
Les dominos, les cartes et les discussions entre amis jusqu’au Shour, sont souvent les seules occupations des jeunes et des plus vieux. Pour voir ce qui se passe vraiment au niveau des villages, nous avons fait une virée à Aït Abdelmoumène, dans la daïra des Ouadhias. A Tassoukit, les cafés maures sont pris d’assaut une demi-heure à peine après l’Iftar. Les jeunes et les moins jeunes s’attablent autour d’une glace, d’un jeu de domino, de cartes… Il y a aussi ceux qui préfèrent le loto, ce terrible jeu de hasard qui continue d’attirer de nombreux passionnés malgrès la cherté de la vie et le chômage galopant. 20 DA la partie, ce n’est pas rien. Si par hasard la chance ne vous sourit pas jusqu’au Shour et bien c’est beaucoup d’argent perdu. Bref, au niveau des cafés maures de Dda Chabane ou de Farid, les places sont déjà prises depuis longtemps. Les joueurs de dominos et de cartes font du vacarme, et les interpellations fusent : ‘’Tu avais donné cette carte’’, ‘’Il ne fallait pas fermer, tu devais garder la septième’’, ‘’20 pour moi’’… Un brouhaha qui garde néanmoins le village éveillé. Le jeu et l’ambiance se prolongent jusqu’aux environs de 2 heures du matin. A Tassoukit, le loto se fait discret, un local assez isolé fait office d’arène de jeu. Plus haut, dans le douar à Timrijt, toujours deux cafés maures et un lavage de voiture transformé en lieu de jeu, le loto encore. Nous sommes chez Athman. Le tireur, Da Chabane, se fait plaisir en énonçant haut et fort les numéros, et voilà enfin que Djab Ellah, un joueur passionné rafle la mise et crie Barakat. Plus haut encore, à Taddert Oufella, chez Rachid ou à Tighilt Oumezir, Chez Asmane et son frère, l’ambiance est présente. Les cartes, les dominos… et à un degré moindre le loto. «Nous n’avons d’autres amusements que les dominos, les cartes et le loto, ou bien rester sans rien faire et attendre le Shour. Nous n’avons ni maison de jeunes, ni salle de fête, ni salle de spectacle, rien ! C’est le vide culturel. On aimerait bien que la direction de la culture fasse un petit geste en direction de notre douar de 12 000 habitants. Un petit spectacle, une projection, un gala… Ne sommes-nous pas des Algériens», nous dira avec dépit un enseignant. Au village voisin de Cheurfa, le constat est le même, les activités aussi. A Tizi N Tléta, chef-lieu de commune, kif kif.
à Mechtras, la maison de jeunes prend le relai
A Mechtras, que ce soit au chef-lieu ou dans les villages Aït Imghour, Ihesnaouen, Bouaqala… les occupations sont les mêmes, les gens sortent de chez eux quelques instants après la rupture du jeûne. Le loto, les dominos et les jeux des cartes sont toujours de mise. Par ici, les gens sont un peu gâtés, car ils peuvent se rendre au cybercafé pour surfer sur le net. Ils peuvent également se rendre à la maison de jeunes qui a prévu un espace pour… les dominos, les scrabbles, les échecs et toutes sortes de jeux éducatifs. Bien sûr, le Qalb ellouz, les cacahuètes et le thé sont incontournables. Le directeur de l’établissement nous confiera : «En attendant la 10e édition du Festival de la chanson moderne, qui se tiendra du 23 au29 juin, nous essayons d’animer un peu les soirées avec de petits tournois, pour occuper nos jeunes et nos adhérents». A Aït Imghour, c’est comme partout dans tous les autres villages, les mêmes activités rythment les soirées des villageois. Poursuivant notre tournée, plus loin à 10 kilomètres, c’est Souk el Tenine, la ville ne dort pas encore à minuit passé. Abdenour, Aami Arezki ‘’Aboustaoui’’, Amar ‘’la santé’’, Djamel Alam et Minto sont toujours assis autour d’une chaise sur laquelle sont entreposés des qalb Ellouz, du thé des cacahuètes et de l’eau minérale. «Nous ne pouvons pas supporter l’ambiance des cafés maures, ni les jeux de dominos ou de cartes ni encore moins le loto. Nous préférons rester sur le trottoir au tour d’un thé et d’amuse-gueule à discuter jusque tard dans la nuit. Et c’est du copier coller pendant tout le mois de ramadhan», nous dira Aami Arezki ‘’Aboutaoui’’. Plus loin, à Mâatkas, c’est le même son de cloche. Les activités culturelles, scientifiques, ou sportives sont inexistantes. Au chef-lieu comme dans les 45 villages, le loto, les dominos et les cartes sont l’unique distraction. Les gens véhiculés préfèrent se rendre à Tizi-Ouzou ou à Ouadhias pour profiter de l’ambiance et des programmes culturels prévus. A signaler que dans toutes ces régions que nous avons visitées, hélas, nous n’avons vu aucune femme, elles ne sont apparemment pas concernées par les veillées ramadhanesques.
Hocine T

