Le conflit d’Illilten qui retient l’attention et qui a surtout fait couler beaucoup d’encre ces derniers jours semble avoir suscité l’intérêt de tous en Kabylie.
Tout le monde veut faire quelque chose, les élus locaux, l’administration locale et régionale, les élus nationaux de la région, l’APW, la wilaya… Mais jusque-là sans parvenir à mettre en place une solution qui contenterait toutes les parties en conflit, à savoir d’un côté les villages d’Azrou et d’Iguefilen et de l’autre Tifilkout et Taghzout qui, pour rappel, se livre une bataille pour une histoire d’eau captée des sources de la région à répartir équitablement. Et bien entendu, chacun pense avoir raison et de plus campe sur sa position, d’où la complexité du conflit. Et ces tentatives avortées répétées des différentes délégations dépêchées sur place qui n’ont pu mettre en place un deal qui serait accepté par tous. Ainsi, après les deux déplacements successifs du secrétaire général de la wilaya qui s’est fait accompagné par les directeurs de wilaya des secteurs concernés, avant-hier c’était autour de l’APW de dépêcher une commission sur place. En effet, une forte délégation de l’assemblée de wilaya a été dépêchée sur les lieux par le président de l’APW, pour prendre attache avec les différents acteurs en litige, et surtout tenter d’amorcer un dialogue à même de trouver une solution à ce bras de fer qui risque de déboucher sur l’irréparable. Cependant, la délégation en question s’est rendue au village Tifilkout, concerné directement par ce conflit. La délégation a été reçue par les représentants des villageois, le comité de village ayant été dissout la veille en assemblée générale, a-t-on appris des villageois. Une réunion a été tenue alors sur place pour entendre les doléances des représentants des villageois. Le chef de la délégation, M. Kamal Ougmat, a ouvert les débats en annonçant : «Nous sommes venus pour vous écouter et comprendre exactement vos préoccupations. Notre rôle est de contribuer à dénouer la crise sans parti pris et en toute transparence, et surtout contribuer à trouver une solution qui sera acceptée par toutes les parties en conflit». Les représentants des villageois ont, tour à tour, expliqué la situation et relaté l’histoire de ce conflit. Il en ressort que les villageois de Tifilkout se disent privés d’eau par les villageois d’Iguefilen, qui auraient saboté leur conduite au niveau de la montagne, depuis le premier jour du mois de Ramadhan. Ils réclament aussi la propriété exclusive des 13 sources de captage d’eau qui ont été réalisées par leurs propres moyens depuis les premières années de l’indépendance, ont-ils dit. Ils exigent également un quota du répartiteur réalisé par les services de l’hydraulique. Après avoir longuement écouté les représentants des villageois, la commission a décidé de se rendre à Iguefilen pour rencontrer les habitants et se rendre sur les lieux où se trouvent les sources et le répartiteur.
La délégation de l’APW confirme la tension palpable sur place
Une fois au niveau de l’APC d’Illilten, la délégation de l’avis d’un accompagnateur s’est sentie comme livrée à elle-même puisque personne parmi les présents n’avait consenti à accompagner le groupe ou tout au moins lui indiquer le chemin vers la montagne. Le vice-président de l’APC qui assurait en l’absence du maire en déplacement sur Tizi-Ouzou dira «ne pas connaître le lieu où se trouve les répartiteurs d’eau saccagés» avait d’évoquer pour ne pas dire prétexter une maladie. Le secrétaire général de la municipalité n’a pas fait mieux en tournant en rond au lieu de désigner un accompagnateur, comme le sollicitait la délégation. Cette dernière décidera alors d’entamer l’ascension seule. Sur la route, des jeunes des villages environnants, en véritables collaborateurs, ont accompagné la délégation vers toutes les destinations demandées. Sur place, il a été constaté que beaucoup d’eau se perd dans la nature, et que le répartiteur et plusieurs conduites sont sabotés, raconte un des membres de la délégation. «Nous ne voulons qu’un partage équitable entre nos villages. Les villageois de Tifilkout ont, eux aussi, le droit de boire. Nous n’avons saboté aucune de leurs sources et nous n’avons pas l’intention de les empêcher de les réparer. Nous exigeons juste un partage équitable entre nous. Nous n’occupons pas les lieux et nous ne sommes pas armés comme certains le prétendent. D’ailleurs, nous sommes prêts à accepter toutes les solutions que nous proposeront les secteurs concernés et l’administration. Quant à la hogra, la politique de deux poids deux mesures et la part du lion pour un seul village, c’est fini», clament des jeunes d’Iguefilen. Voilà une déclaration, même si elle est empreinte d’un ton ferme et déterminé pour ne pas dire violent et tranchant, qui laisse entrevoir une issue puisque le principe de se mettre à table est semble t-il accepté par les deux parties. Ce qui permettra sans doute aux élus de l’APW comme à l’administration d’engager des tractations de fonds pour faire sauter les verrous du conflit.
Quel écho pour la solution proposée par l’administration ?
Alors que les élus de l’APW étaient sur le terrain, le secrétaire général de la wilaya, M. Tibourtine Abdenacer, s’était, lui, réuni au siège de la wilaya avec des représentants des villages concernés (Azrou, Iguefilen, Taghzout), le P/APC d’Illilten, le directeur de l’hydraulique, M. Hameg, et le directeur de l’algérienne des eaux, M. Berzoug. A signaler que le comité de village de Tifilkout était absent à ce conclave. Ledit comité a, d’ailleurs, été dissout la veille lors d’une assemblée générale des villageois (une copie du PV nous a été remise). Après débat, il a été convenu de rétablir l’ancienne répartition comme solution urgente et immédiate. Ensuite, un bureau d’étude sera désigné rapidement pour établir toutes les variantes et solutions possibles pour garantir une distribution équitable à l’ensemble des villageois. Le service de l’hydraulique et celui de l’algérienne des eaux se chargeront de l’application des nouvelles mesures et s’occuperont de la gestion de l’eau au niveau de la commune d’Illilten, selon une déclaration d’une source sûre et proche du dossier. Mais cela reste pour l’heure des alternatives théoriques, reste à savoir la réaction de chacun sur le terrain. Car sur place la tension est toujours palpable, et il faudra sans doute beaucoup de prudence et de finesse pour convaincre toutes les parties. La situation peut virer à tout moment surtout que les parties en conflit campent sur leurs positions et ne semblent pas toutes disposer à accepter la solution mise sur la table. Les habitants de Tifilkout tiennent à préserver toutes leurs sources et bénéficier d’une part du répartiteur, mais ceux d’Azrou et d’Iguefilen ne l’entendent pas de cette oreille.
Compte-rendu par Hocine T.

