Coup de grisou dans la politique de prévention

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Les dizaines de milliers de ménages touchés par la rupture en gaz de ville suite à l’attentat terroriste qui a ébranlé pendant la nuit du lundi au mardi dernier, la localité d’Aomar et endommagé gravement le gazoduc Hassi R’Mel-Dellys, n’ont certainement pas le temps de s’interroger ni de s’indigner devant ce qui apparaît comme une faillite des pouvoirs publics dans la stratégie de prévention des ruptures d’alimentation en gaz de ville. Dans certaines villes où aucun dispositif particulier n’est venu suppléer au subit arrêt du gaz de ville, la bouteille de gaz butane déjà rare et fort convoitée par tous les foyers des villages de la montagne en cette saison hivernale a vu sa côte prendre des ailes au point de frôler les mille dinars. Dans un pays qui fournit une grande partie de l’Europe du sud en cette énergie directement par le moyen des deux grands gazoducs est et ouest, il est quand même aberrant que des villages et des villes entières demeurent à l’écart du développement, et particulièrement à l’un des facteurs les plus déterminants à côté des infrastructures routières, de l’eau et de l’électricité du progrès social.Le paradoxe est d’autant plus grave qu’une ville active et aussi stratégique sur le plan économique que Aïn Ouessara et qui, plus est, se situe sur le chemin de Hassi R’Mel n’est pas encore raccordée au réseau de gaz de ville.Pour en revenir à la rupture en énergie qui pénalise plusieurs agglomérations sur au moins quatre wilayas, l’”incident” doit être appréhendé par les autorités comme un problème majeur relevant à la fois de l’approvisionnement des populations en combustible, de l’ordre public et de la sécurité des biens et des personnes. Car, l’arrêt de l’alimentation en gaz de ville peut engendrer non seulement des tensions sur la bonbonne de gaz, mais aussi une sérieuse perturbation du fonctionnement de certains services névralgiques (hôpitaux, unités et ateliers de production, boulangeries…). Une pareille cessation pourrait même, dans des cas extrêmes, affecter le domaine de la sécurité nationale.Sur plusieurs aspects liés aux catastrophes naturelles et aux risques industriels, l’Algérie est encore au stade de l’apprentissage, un apprentissage qui ne veut pas prendre fin malgré le nombre considérable d’incidents et d’accidents qu’a eu à vivre notre pays au cours de ces dernières années : séisme de Boumerdès, explosion de la plate-forme pétrochimique de Skikda, incendie à la centrale électrique d’El Hamma, effondrement d’habitations suite à des inondations. Outre les catastrophes naturelles — dont la gravité des conséquences n’est pas toujours étrangère à la qualité de la gestion de l’espace par les pouvoirs publics —, le monde moderne est appelé à utiliser des moyens et des outils adaptés au confort des populations mais qui ne sont pas sans risque. L’un des risques majeurs, en sus de fâcheux dérèglements techniques, est l’absence momentanée d’un moyen de vie devenu trop familier puisqu’il conditionne tous nos actes quotidiens pour qu’on puisse s’en passer ou lui trouver sur le champ un substitut satisfaisant.Le rôle des pouvoirs publics est pleinement engagé dès lors qu’il s’agit de faire face à une défaillance technique majeure qui affecte des dizaines de communes et des dizaines de milliers de ménages. En attendant le rétablissement complet de l’alimentation en gaz sur l’ensemble des territoires qui sont affectés par cette crise qui dure depuis mardi matin, les autorités locales sont appelées à déployer tous les efforts nécessaires de façon à mieux faire approvisionner en bouteilles de gaz butane les villes et villages concernés quitte à recourir aux réquisitions de véhicules comme le recommande une clause du plan ORSEC. C’est une façon ponctuelle de répondre à un besoin pressant et imprévisible. Mais une véritable stratégie de prévention de tels désagréments qui peuvent s’avérer dangereux pour la paix sociale et l’ordre public reste à inventer.

Amar Naït Messaoud

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