Là-haut, ce paradis … sur terre

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Au cœur de la Kabylie, un paradis nommé Tamda Ouguelmim ! à 1 700 m d’altitude, ce plus haut lac d’Afrique était considéré, il y a quelques années, pour des raisons de sécurité, comme étant une zone interdite, avant que des randonneurs aguerris ne reconquièrent ce lieu paradisiaque.

Pour y accéder, il faut s’armer d’une bonne dose de courage, d’un esprit aventureux et, bien sûr, de jambes solides. Rattachée administrativement à la commune d’Ath Bouadou, le lac Ouguelmim est bordé de la wilaya de Bouira au Sud, d’Ath Bougherdane à l’Ouest, d’Ath Argane à l’Est et d’Ath Bouadou au Nord. A l’origine de l’appelation, «Tamda Ouguelmim» et «Ath Bouadou», le mot «Tamda» est un toponyme courant et attesté dans plusieurs régions, il signifie «lac». Mais pour «Ouguelmim» qui est en état d’annexion, donc «Aguelmim» en état libre, on avance au moins deux hypothèses : d’après un vieux que nous avions rencontré sur place et interrogé la définition du mot «Aguelmim» serait le nom de l’herbe qui poussait en grande quantité dans ce lieu et que les animaux aimaient brouter. La végétation ressemblera, alors, à une peau (Aglim). La deuxième hypothèse, et elle est la plus répandue, se penche beaucoup plus sur le sens suivant : Aguelmim désigne un lac, d’autant plus que ce toponyme est confirmé par d’autres lieux, à savoir Tamda Taberkant (Lac noir). Il est, également, utilisé au Maroc dans ce sens. En ce qui concerne le toponyme «Ath Bouadou», tout le monde s’accorde à dire que c’est par rapport à la générosité et l’accueil qui caractérisent ces habitants, «Imbudduyen».

D’Ath Argane aux “Portes de la montagne”

Récit d’une virée : Le rendez-vous de départ est donné à 8 heures du matin à Ath Ouacif. En effet, nous avions décidé d’aborder l’ascension par l’Est et emprunter, par la suite, le chemin du retour par le Nord. Deux-en-un, comme dirait l’autre. Nous étions une cinquantaine de personnes à prendre part à cette aventure pédestre qui n’a pas été apparemment, prise au sérieux par quelques-uns. Vu leurs tenues vestimentaires, on dirait qu’ils ont un problème avec la sémantique en confondant «randonnée et promenade ou shopping en ville», commentait après coup Kamel, qui lui n’était pas à sa première. A l’arrivée des guides et autres randonneurs on se rendra compte qu’un équipement adéquat était une condition sine qua non pour effectuer une randonnée. Qu’à cela se tienne. Nous étions, pour la majorité que des bleus à la recherche de la sensation. Mais pour nous autres, l’essentiel était de participer et relever ce défi : voir Tamda Ouguelmim à tout prix. A 8h30 mn, le coup d’envoi fut donné par les guides pour parcourir en fourgons le dernier trajet carrossable, avant d’entamer la grande marche, d’une dizaine de kilomètres, qui sépare Ath Argane de Tamda Ouguelmim. La météo était de la partie, une belle journée printanière agrémente le décor de la nature habillée aux couleurs du genêt et du cèdre. Une occasion pour les nostalgiques de la verdure venus des grandes villes polluées de se ressourcer en oxygène, et une aubaine pour ces membres de l’association environnementale (AJIE) d’avoir des informations sur ces lieux paradisiaques et les intégrer dans leur programme de préservation et de protection de la nature. Arrivés au CEM d’Ath Argane vers 9h30mn, «les randonneurs» ne pouvaient compter, à partir de cet instant, que sur leurs jambes pour atteindre le lac Aguelmim. Après quelques règles et consignes basiques de la randonnée prodiguées par les guides, lesquelles ont trait à la préservation de la nature, à l’esprit de solidarité et à la progression en groupe entre autres, les choses sérieuses ont commencé. En file indienne, nous entamions l’escale sous l’œil attentif et vigilant des guides qui appréhendaient, déjà la suite de l’aventure. Comment ne pas l’être quand, à peine deux à trois kilomètres de marche, des participants à cette randonnée commencèrent à s’inquiéter du reste du trajet. «Nous ne sommes qu’au début. On vient juste de démarrer. On n’a pas encore abordé la montagne», rétorqua un guide. La piste étroite et rocailleuse influençait négativement sur la progression de ces «invités occasionnels» du massif du Djurdjura. Mais, la volonté et le défi de ces derniers à atteindre l’objectif à tout prix sont plus coriaces que n’importe quel autre obstacle. Et puis, il y avait ces collines qui offraient des vues panoramiques aussi magnifiques qu’extraordinaires les unes que les autres qui vous font fait oublier, un tant soit peu, les démêlés avec ces inaccessibles chemins.

Sur place on saisit mieux le sens du repos de l’esprit

Ces endroits de verdure sont, aussi, les lieux privilégiés des bergers d’Ath Argane. «Nos troupeaux de bovins sont ici pour tout l’été. Ils broutent de l’herbe à longueur de journée. On les surveille à tour de rôle, une semaine pour chaque équipe», nous dira un berger que nous avions interrogé sur la situation des animaux qui sont pratiquement à l’état sauvage. Par ailleurs, des flancs de montagne dénudés nous ont fait plonger, pour un moment, dans ces films de science-fiction qui nous font voyager dans le futur et les galaxies… Après une heure d’escalade, nous atteignions le lieu-dit Tiwwura n udrar (les portes de la montagne) qui culmine à 1 500m d’altitude. Le lieu est appelé également, Tamestaâfout (lieu de repos). Que demander de plus en ce moment, si ce n’est un repos bien mérité et désiré depuis déjà «belle lurette». Une occasion pour nous de se rafraichir et de se désaltérer tout en immortalisant ces lieux paradisiaques avec nos appareils photos. Le repos ne durera pas longtemps, «la route est encore longue», nous rappellera ce vaillant guide. Chose dite, chose exécutée. Cette fois, l’ascension nous paraissait plus rude et plus rocailleuse. Les guides nous proposaient, alors, deux choix : pour les non-initiés, ils peuvent, eux, contourner l’ascension en prenant une piste moins difficile, pour les autres, ils accéderont au sommet en prenant un raccourci qui est, quand même, difficile et dangereux. C’était le col le plus pénible à grimper pour atteindre ces 1 900 m d’altitude qui nous libérera de cette interminable escalade. Après une éprouvante expérience, la mission sera accomplie par la totalité des participants à cette rude randonnée mais ô combien intéressante et bénéfique sur plusieurs plans ! De ces 1 900m d’altitude, il ne nous restait que quelques petits kilomètres à parcourir pour atteindre ce lac tant désiré. Nous y voilà enfin, à Tamda Ouguelmim. Même avec une fatigue visible sur la majorité d’entre nous, un sentiment de fierté et d’un défi gagné se lisait, pratiquement, sur tous les visages des participants. Tamda Ouguelmim est d’une superficie de 3 hectares. Ce Lac qui est classé zone humide, est d’une forme presque circulaire. Ce jour-là le lieu grouillait de monde. Ils étaient venus de partout : de Bouira, de Béjaïa, de Tizi-Ouzou, d’Alger, encadrés, pour la plupart, par des associations écologiques.

Le chemin du retour

Tamda Ouguelmim est, ces dernières années, la destination privilégiée des familles, des jeunes et des moins jeunes pour se détendre et se rafraîchir en ces temps des grandes chaleurs. Sur place c’est la fraicheur au naturel, on saisi mieux le sens d’un repos physique et d’esprit. Mais, le temps passe très vite. Nous avions à peine commencé à prendre goût à ce paradis terrestre que nos ‘’vilains’’ guides nous rappellent le chemin du retour. Nous étions restés une heure dans ce lieu, juste le temps de contempler ce bijou au cœur du Djurdjura. Nous étions conditionnés par le temps, et puis, il faisait un peu tard. Le chemin du retour sera une autre expérience pour nous. Cette fois-ci, nous aborderons une descente du côté Nord de Tamda Ouguelmim. Le trajet du retour était moins long que celui de l’aller, mais les risques étaient plus élevés, surtout pour la gent féminine, avec des caillasses tout au long de la piste. La déscente fut beaucoup plus lente vu l’état de la piste et la fatigue des randonneurs. Nous avions pris la peine de placer les plus vulnérables au-devant de la file et de les encadrer convenablement pour pallier à toute éventuelle surprise de chute. Nous avions suivi, tout au long de notre chemin, ces ruisseaux et cascades qui dégoulinaient de ce massif montagneux en entamant leur processus de descente sous un air musical synchronisé avec les chants des oiseaux. A mi-chemin, une fontaine fraîche nous rappelle l’existence, à un moment donné d’habitants dans cette bourgade. D’après Dda Mohamed Achour, que nous avions rencontré sur le lieu, cette fontaine porte le nom de Sidi Amar, elle est fraîche en été et tiède pendant la période hivernale. Il a saisi cette occasion pour nous relater un conte se rapportant à cette source, il dira : «de loin et à la tombée de la nuit, quand tu regardes vers cette fontaine, tu verras des bougies vertes». Il y avait, aussi, sa petite fille Dihya, lycéenne, qui nous a longuement parlé des vertus des plantes. Des remèdes, d’après elle, pour le diabète, l’anémie, etc. La randonnée s’est terminée à 20h au pied de la montagne.

H. Moula

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