Des figuiers assoiffés, aux charpentières partiellement dégarnies et aux baies clairsemées et rabougries, une image devenue coutumière au cours de ces dernières années, qui résume à elle seule l’état de déliquescence et le profond malaise qui rongent ce patrimoine économique et culturel local.
Même la région de Béni Maouche, immense figueraie s’il en est, et réputée pour la qualité de ce produit du terroir, n’échappe pas à cette tendance implacable. Les parcours verdoyants, peuplés de différentes variétés au goût suave, ont nettement marqué le pas. «La culture de la figue est victime à la fois des mauvaises conditions climatiques et d’une exploitation approximative, avec un déficit en travaux d’entretien», relève un paysan du village Aguemoune. Les maigres espoirs des fellahs, rapporte-t-on, ont été annihilés par un fort taux d’avortement qui a affecté les vergers avant le début de la campagne. Le défaut de pollinisation, lequel est rendu aléatoire par la rareté du caprifiguier (figuier mâle), a eu raison d’une production, laquelle était déjà sur une courbe de fluctuation baissière. Un exploitant de la commune de Timezrit nous fait part du même constat de désolation : «Nous sommes pris à la gorge par un déficit chronique en pluviométrie et handicapés par l’absence d’équipements adaptés au relief accidenté», se plaint-il, en assurant avoir perdu plus de 20% de sa production par rapport à la saison précédente. «Chaque année, confesse-t-il, je découvre, effaré que ma récolte est plus chiche que l’année d’avant».
Dans la haute vallée de la Soummam, la situation ne prête pas, non plus, à l’optimisme. En dehors de quelques périmètres irrigués, les vergers subissent les contrecoups d’une sécheresse sans précédent. L’apport hydrique issu des précipitations semble avoir atteint le seuil critique, ne permettant pas à l’arbre de prospérer, et encore moins de se régénérer. Facteur de production clef, l’alea climatique est d’autant plus inhospitalier qu’il est marqué par une hausse sensible des températures. «Les vergers s’amenuisent d’année en année. Des centaines de spécimens dépérissent régulièrement. La production chute désespérément pour atteindre des niveaux dérisoires. Si cette situation désastreuse persiste, c’est toute la filière qui risque de péricliter dans un proche avenir», conjecture un agriculteur de Tazmalt.
Le sort semble être ainsi jeté sur une saison ternie par une offre au bas des pâquerettes avec des prix culminant à près de 300 da le kilo. Ce serait dommage, en tout cas dommageable, de devoir se séparer d’un fruit qui doit, au contraire, faire office de plus-value, en sa qualité de chaînon indispensable de la chaîne alimentaire saine. «Les pouvoirs publics qui commencent à s’intéresser aux potentialités locales pour asseoir un développement durable, devraient mettre en place un véritable plan de sauvetage, pour tirer cette filière de l’ornière», plaide un fellah d’Ighram. Dans le monde rural, on appuie sans réserve le processus de labellisation de la figue de Béni Maouche, comme gage de traçabilité et de garantie d’authenticité du produit. D’aucuns voient, dans cette initiative de l’Etat, l’ébauche d’une politique de réhabilitation de cette culture ancestrale.
N. Maouche

