De Copenhague à Ighil Ali

Partager

Par Mohamed Bessa

Jean El-Mouhoub Amrouche était un exceptionnel phénotype minoritaire. Un homme dans « une situation de contradictions », disait Senghor. Chrétien en terre d’Islam, Kabyle en pays arabe, francophone, berbérophone et Algérien dans une Algérie française. Et de tout cela, il avait tiré les motifs d’un grand patriotisme. Selon Abdenour Abdeslam, citant Rédha Malek, Abane Ramdane avait chargé Jean Amrouche de préparer les conditions de l’ouverture de négociations entre le GPRA et la France. Il s’en est acquitté avec patience et brio en suscitant, de quoi faire rêver tous les diplomates de la paix, les hommages des deux bords. « Jean Amrouche fut une valeur et un talent. Par dessus tout il fut une âme. Il a été mon compagnon », dixit le général De Gaule. « Jean Amrouche demeurera dans notre mémoire. Il est l’exemple de ce que notre peuple recèle comme génie et comme possibilité, si des conditions de vie normales lui sont faites, et la voie du développement ouverte », dira Krim Belkacem, chef de la délégation algérienne aux pourparlers d’Evian. Un hommage qui, soi-dit en passant, résonne au présent avec la polémique sur la loi du 23 février. C’est beaucoup mais Jean Amrouche était déjà beaucoup plus que tout cela : poète, il fut « à lui seul la première génération des poètes algériens contemporains », selon les mots de Tahar Djaout. Journaliste à la radio, il est sans doute le pionnier de la critique littéraire, déterreur de la culture berbère, il fut l’auteur d’un recueil de poèmes anciens auxquels sa sœur, Marguerite-Taos allait redonner souffle et vie de sa voix de diva. Conscient de lui-même et de sa complexité, Jean Amrouche s’est fixé une ligne d’action et un cap moral qui n’ont rien concédé à nul doute. Avec lucidité, il s’est défini ainsi, dans une lettre à un ami, écrite le 03 mai 1961 : « Je suis le pont, l’arche, qui fait communiquer deux mondes, mais sur lesquels on marche, et que l’on piétine, que l’on foule. Je le resterai jusqu’à la fin des fins. C’est mon destin. Le subissant, je suis plus fort que lui, mettant ma satisfaction, ma consolation dans l’effort que je fais pour ressembler chaque jour davantage au roseau de Pascal. Il me suffit de la connivence d’amis fraternels tels que toi pour me sentir justifié. J’ai engagé toutes mes forces au service du peuple algérien : non pour des raisons proprement politiques, mais pour une raison d’honneur et des raisons d’ordre spirituel. » Ighil Ali a inauguré, mercredi, un cycle de célébration du centenaire de la naissance de cet homme complexe et simple à la fois et qui demeure seulement une des multiples facettes de la saga des Amrouche.

L’affaire des caricatures, on y revient, on n’ y peut rien. Il manquait quelque chose à la bonne intelligence du feuilleton qui se déroule au Moyen-Orient, Arezki Metref, du Soir d’Algérie, vient d’y remédier.Le 17 octobre 2005, une publication égyptienne, El Fadjar, avait repris les caricatures danoises dont une à la « une ».Sans, que cela, précise-t-il, mais sinon tout le monde l’aurait su, ne suscite la moindre réaction. Pour rappel, l’Egypte est ce pays situé juste à côté d’El-Azhar. Voilà on n’est plus dans la conjecture ou le commentaire plus ou moins bien intentionné, c’est de l’info. Vérifiable et vérifiée. Votre serviteur vous épargne la gymnastique de la barre Google et vous donne en mille l’URL qui conduit pile sur ce qui n’était pas encore une vision de délit et de délire. Tapez : http:// freedomforegyptians.blogspot.com/2006/02/egyptian-newspaper-pictures-that.html. Qu’ajouter de plus sur la pente instrumentale imprimée par les régimes arabes à l’affaire des caricatures de Jylands Posten ? Dans l’affaire de l’emprisonnement des responsables des hebdomadaires Iqra et El-Safir, il y a quand même quelque chose qui gêne aux entournures. « La publication de ces caricatures a été faite dans le seul but de montrer aux musulmans comment le journal a représenté le prophète Mohamed », explique le rédacteur en chef d’Essafir. Bien. Il ne s’agit donc ni d’une révolte contre la « bien-pensence » ambiante ni, que Dieu en préserve notre presse, d’une transcendance intellectuelle de type laïciste. Les journaux islamistes voulaient tout bonnement produire des pièces à conviction pour fouetter l’ardeur combative des preux défenseurs de l’icône du Prophète. Mieux, selon notre collègue d’“Archem” – les commentateurs ont tendance à supplanter les reporters sur l’info- des appels ont même été lancés au boycottage des produis danois. Il convient donc de prendre nos confrères pour ce qu’ils se revendiquent eux-mêmes. Il faut absolument laisser tomber toutes les charges retenues contre eux, les libérer sans délai. Et ne les retenir, s’il se trouve ce chef d’inculpation, que pour bêtise. Car, soyons sérieux, le dernier des mômes sait qu’il faut tout simplement dire : « Papa, il m’a dit de gros mots » et non pas : « Papa, il m’a dit je vais mettre ma b… dans le c… de ta mère ». Karl Marx disait que les événements se répètent une fois comme tragédie et la deuxième comme farce. On nageait déjà dans les deux avant qu’une publication iranienne ne vienne nous y enfoncer davantage. Elle entend organiser une contre-offensive contre les caricatures danoises en lançant un concours de dessins sur l’Holocauste dotée de douze pièces d’or. « Nous voulons tester les limites qu’assigne l’Occident à l’idée de la liberté d’expression qu’il invoque à tout bout de champ », explique son red’chef.Pourtant, loin de ce sujet pipé et biseauté, c’est plutôt dans l’affaire des vidéos de News of The World que le respect sourcilleux par l’Occident de ses valeurs va, à ne pas douter, vite s’exprimer. Tout un chacun a eu d’ailleurs à l’apprécier dans l’affaire de la prison d’Abou Ghraïb. Mais, voilà, ni les régimes arabes de la trique ni les Mollahs ne sont intéressés par de tels enseignements …

M. B.

Partager