Dans les coulisses, ils sont dix hommes, un enfant de treize ans, Chérif et une femme, Kahina formant la roupe théâtrale dirigée par Saïd Zamouche, président de l’Association. La mise en scène et la direction reviennent au romancier-poète Djamel Benaouf qui a écrit le texte de la pièce et en même temps interprète le rôle principal : le narrateur. Les comédiens ont les yeux cernés après une nuit blanche. Ils ont démarré la veille d’Oran, à 22h. Ils sont venus par route dans un fourgon. “Quand nous sommes arrivés à Tizi Ouzou à 5h du matin, tout était fermé, sauf un café maure au-dessous du stade du 1er-Novembre. C’est à l’intérieur que nous avons attendu le lever du jour”, explique Houari, N°2 de l’association Numidia, qui ne se départit pas de son sourire en dépit de la nuit sans sommeil. Quand le jour arrive, la troupe ne se repose toujours pas. Direction la maison de la culture pour les répétitions. Il faut faire connaissance avec la scène et la salle. Le temps de répéter, et l’heure du spectacle approche. Les comédiens revêtent leurs costumes et tentent de se concentrer, en combattant la fatigue avec l’amour du quatrième art. La jeune Zahia, animatrice d’Amezgun N Gerger et Mokrane Hammar de la même association sont dans les couloirs pour aider les éléments de la troupe dans leurs préparatifs. Le comédien le plus costaud de la troupe (et le plus comique aussi) n’arrête pas de plaisanter. Il est presque le seul à ne pas pâtir des effets de la nuit blanche. On lui rappelle que le spectacle n’a pas encore débuté. Avec un peu de retard. Saïd Zamouche effectue son entrée sur scène afin de présenter le contenu de la pièce, ainsi que les comédiens qui y jouent. Sans trop s’attarder sur ce prélude, Zamouche se retire pour laisser la place aux comédiens, qui seront longuement ovationnés, car l’association Numidia est connue à Tizi Ouzou pour son sérieux et la richesse de ses activités. Le spectacle commence : un hommage des artistes algériens des plus anciens comme Si Mohand Ou Mhand, jusqu’aux contemporains comme Matoub Lounès, dont des extraits de chansons sont intégrés dans le contenu de la pièce par l’auteur de la pièce, Djamel Benaouf. Ce dernier a repris un passage de la chanson “Kenza” ainsi que des chansons “El hif” et “Yemektad wul iw”. Un autre extrait de la pièce “Sinistré” de Mohia a été emprunté pour agrémenter la présentation. Le plus jeune participant du festival, Chérif, a impressionné le public par sa façon de jouer, particulièrement, lorsqu’il simulera le rôle du mort. Le public est sorti émerveillé et agréablement surpris par la qualité de la pièce. A la fin, les comédiens sont assaillis par les admirateurs. “Celle-là, c’est une pièce de théâtre”, chuchote une jeune fille à son copain au moment de sortir. Les comédiens sont tout aussi heureux et flattés de n’avoir pas déçu le public Tizi Ouzéen. Chérif (le comédien âgé de 13 ans) est épuisé mais résolu à ne pas fermer l’œil jusqu’à la fin de la deuxième représentation prévue à 20 heures à la cité universitaire. Le lendemain matin, les comédiens de Numidia sont toujours aussi motivés. Dans le bus qui les conduit à Bouzeguène, l’atmosphère est celle du divertissement, bien que le président Saïd Zamouche ait faussé compagnie à ses collègues. A Bouzeguène, le spectacle est prévu à 14 heures au Centre culturel. Dans cet attrayant grand village, ceint de montagnes enneigée, la chaleur humaine est, comme l’oxygène, présente partout. M. Slimane Acherar, maire de Bouerguène et Chérif Messaoudène, président de l’association Igelfan, accueillent chaleureusement les membres de la troupe qui se présentent pour la première fois ici. Le président d’APC invite ses hôtes à un déjeuner avant que la salle de spectacle, somme toute modeste, ne soit prête à abriter le spectacle. La scène est trop exiguë. Il faut d’énormes efforts des comédiens pour pouvoir s’y produire. Les accessoires ont été installés difficilement. Mais toutes ces insuffisances disparaissent devant l’ambiance de liesse ayant régné dans la salle remplie de centaines de spectateurs de 7 à 77 ans. Les enfants de Bouzeguène ont beaucoup ri surtout devant les grimaces et les tours joués par Abdellah, un vieux routier de la scène théâtrale. L’événement a brisé la monotonie prévalant dans cette région. L’association Igelfan est très dynamique. C’est la seule à l’échelle de la wilaya à organiser chaque mois une rencontre avec un écrivain. La romancière Maïssa Bey a été la dernière invitée. Chérif Messaoudène confie que prochainement, une autre rencontre est prévue avec un romancier qui viendra d’Alger pour parler littérature. Avant de quitter Bouzeguène, Houari de Numidia a filmé les témoignages et les impressions des gens de la région sur le spectacle. Numidia quitte Bouzeguène à 18h 30 dans la précipitation, car à 20h, un autre spectacle est prévu à la cité Bastos de Tizi Ouzou. Quand la troupe arrive à cette dernière, la salle est déjà à moitié pleine. La présentation s’annonce grandiose. Les onze comédiens dormiront tard et se lèveront tôt, car demain, il prendront la route vers Ighil Ali. Ils sont programmés à 14h dans le cadre de l’hommage rendu à Taos et Jean Amrouche. Un véritable périple ! Mais Numidia le fait avec un immense plaisir : Pour l’amour du théâtre et surtout pour l’amour de la Kabylie.
Aomar Mohellebi
