Une catastrophe écologique en pleine montagne

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Une catastrophe écologique est en train de se tramer en pleine montagne à l’Akfadou. Les deux villages de Louta et Boumelal n’ont pas tardé à tirer la sonnette d’alarme quant au volume incommensurable de terres et déblais provoqués par les travaux de la future centrale électrique, implantée au cœur de ladite montagne. Cependant, les villages susvisés voient d’un mauvais œil le déversement de ces tonnes de déblais extraits des entrailles de la majestueuse forêt de l’Akfadou. Le hic est que les montagnes de terres, formées par les déblais, montrent des signes de glissement, selon le rapport d’expertise géologique du site en question sis au lieu-dit «Ahammam N’Ath Ugana». Le chantier, devant accueillir ladite centrale électrique, s’étale sur une surface de 12 hectares. Par ailleurs, l’entreprise, chargée des travaux, ne semble pas se soucier ces des tonnes de déblais, préférant ainsi les déverser au côté est dudit site. Résultat de la course : des coulées de boue et fluages sont constatées tout au long de la pente où sont déversés les déblais de terre et de roche issus du terrassement. «Des fissures accompagnées d’escarpement en marches d’escalier sont le signe de glissement de terrain à caractère rotationnel et complexe. Ces fissures sont visibles sur le côté sud du site», peut-on lire dans le rapport d’expertise qui nous est remis par les comités de villages de Boumelal et Louta. «Au termes de cette étude, il y a lieu de retenir que le sinistre, décrit dans notre rapport, s’est produit à la faveur du concours des facteurs géologiques, hydrogéologiques, hydrologique et anthropique. Le facteur déclenchant semble être le terrassement et le remblai de terrain au niveau de la zone d’étude et l’eau par suite de son infiltration à travers la surface de terrassement et du remblai», conclut le rapport d’expertise. Au vu de ce rapport accablant, les appréhensions des villageois n’ont pas tardé à se confirmer. Ainsi, de concert, les deux comités de villages de Louta et Boumelal ont pris attache avec les responsables locaux, en l’occurrence le chef de daïra de Chemini et l’édile communal qui ont été avisés par courrier afin de les interpeller sur le danger imminent d’une catastrophe écologique. «Le déversement des eaux usées, de la base de vie de l’entreprise KAHRAKIB, est une menace sérieuse sur notre source d’eau « Tulmut » qui risque de disparaitre à jamais», écrivent les rédacteurs de la lettre. Dans le même sillage, les deux comités de village ont pris aussi attache avec le P/APW et le chef de cabinet du wali qui leur ont promis de prendre les mesures nécessaires dans les meilleurs délais. «Nous avons sollicité, à moult reprises, le chef de daïra afin de mettre un terme à cette catastrophe écologique, mais en vain. Ledit responsable ne fait qu’atermoyer pour gagner du temps, au grand dam de nos villageois», tance vertement un membre du comité de village de Louta lors de la réunion qui s’est tenue au siège du comité de village de Boumelal. «Il nous a promis de mettre en demeure l’entreprise. Cependant, nous avons constaté, de visu, que l’entreprise continue bel et bien les travaux sans tenir compte de nos doléances», enchaine un autre membre. Au demeurant, les deux comités de village se sont mis d’accord sur l’urgence de prendre des mesures radicales, dans le cas où rien n’est entrepris par les autorités locales «Si nos doléances ne sont pas satisfaites, des actions seront entreprises par les citoyens des deux villages dans un délai de dix jours!», avertissent ces habitants dans ladite correspondance. Au moment où l’Algérie annonce sa ferme conviction de mettre les bouchées doubles pour la préservation de la nature et l’utilisation rationnelle de toutes les ressources naturelles, il se trouve que des responsables n’en font qu’à leur tête en optant pour la solution facile. Pis, le patrimoine forestier est mis à rude épreuve par l’insouciance et l’inconscience de certains responsables qui n’ont cure des dégâts générés par leur gestion. Ce cas de figure est monnaie courante dans la daïra de Chemini, où dans un passé récent des centaines de sacs-poubelle, remplis d’amiante, ont été déversés en montagne. Sans le forcing d’une association écologique locale appuyée par des villageois, ces déchets auraient pris retraite en pleine montagne. Mais force est de constater que la protection de l’environnement semble ne pas être inscrite dans l’agenda desdits responsables locaux. Ainsi, des milliers de citoyens des villages de Louta et de Boumelal risquent d’être privés, voire sevrés, d’une source d’eau puisée du mont de la montagne de l’Akfadou d’où jaillit depuis des millénaires une eau dite «aman tulmut». Une source minérale qui a toujours servi à l’alimentation de ces centaines de familles, mais surtout une source qui a toujours assuré un équilibre écologique et un biotope propre à la région. Pour rappel, le vaste massif forestier de l’Akfadou, jouissant d’un écosystème inénarrable, constitue un véritable lieu de détente pour des milliers de promeneurs et amoureux de la nature.

Bachir Djaider

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