Sous l’ombre protectrice des ancêtres

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A Seddouk Ouadda, village de la commune de Seddouk, habitent 1500 âmes environ dont la cohésion sociale se transmet de génération en génération. Il a de tout temps été géré par des notables désignés démocratiquement par la population, lesquels veillent sur le respect des us et coutumes légués par les ancêtres et qu’ils transmettent aux générations futures.Erigé sur un large plateau, entre deux rivières dont les eaux permettaient la pratique de l’agriculture seule ressource, jadis, des villageois et distant du chef-lieu communal de 8 km, l’ancien bâti propret est constitué d’un pâté de maisons agglutinées les unes aux autres et construites avec de la pierre locale et charpentées avec de la tuile rouge traditionnelle offrant aux visiteurs son charme légendaire.Seddouk Ouadda se distingue par les sources millénaires d’Ighzer Netsragoua jaillissant des entrailles du flanc abrupt d’El Koucha, en divers endroits et en grandes quantités, faisant de l’endroit un paradis de l’escapade offrant aux visiteurs une richesse typique et ardente. Il est la destination des amoureux de la nature grâce à sa végétation verdoyante, dont les senteurs enivrantes du parfum des roses montent jusqu’aux narines, à l’air pur dégagé par ses arbres que les habitués hument à pleins poumons et à ses eaux minérales limpides qui ruissellent même en été, faisant le bonheur des bergers qui s’y désaltèrent et y font boire le bétail, après une journée de transhumance dans les champs. Les moins jeunes aussi trouvent dans cet endroit un lieu d’évasion idéal pendant les grandes chaleurs. Un étang (thamda) datant de la nuit des temps servant pour la nage a été amélioré par la pose d’une digue faite à l’aide de sacs en jute remplis de terre et de gravas.Le nom de Seddouk, malgré le manque de transcription, selon l’histoire qui se transmettait de bouche à oreille et de génération en génération, dérive du nom d’un dignitaire sage et vénéré par la population qui s’appellait Seddok comme le laisse entendre certaines personnes âgées, ce personnage hors du commun avait le titre de roi et habitait une forteresse à côté de l’ancien village situé à Ighoudhane, lequel fut englouti par un cataclysme attribué vraisemblablement à un tremblement de terre en raison de la nature sismique de la région. Ces dernières années, des propriétaires terriens lors des travaux de réalisations de fouilles, pour les constructions de maisons, ont déterré de nombreux vestiges historiques que l’association socioculturelle Azar a récupéré et exposé dans son siège. Un chercheur en archéologie de passage dans la région, invité pour la circonstance a étudié les objets déterrés, après examen, il a situé les premiers peuplements qui ont constitué le noyau de ce âarch comme étant vraisemblablement des phéniciens. Ainsi, l’endroit maudit a été abandonné par ses habitants qui ont érigé alentour, le village de renaissance actuel. “Nous avons saisi en 1993 la Direction de la culture de Béjaïa aux fins de l’envoi d’une équipe de chercheurs pour élucider l’année de ce cataclysme, la population décimée. A ce jour, nous n’avons pas reçu de réponse”,dira Aït Radi Chaâbane, ex-membre de ladite association.Ce village d’une centaine de martyrs, très connu aussi pour l’organisation de ses membres, s’est assuré un développement grâce à sa population qui a toujours agi par solidarité. La cohésion de ses habitants a fait des miracles, de par les projets de grandes envergures, réalisés par leurs propres moyens et leur seule volonté. Juste après l’Indépendance, les villageois se sont attelés à créer des commodités leur permettant de mener une vie décente, saine et comparable à celle des citadins. Le premier projet réalisé fût l’acheminement des eaux usées dans des canalisations, puis le branchement de l’eau potable dans les habitations, ensuite le bitumage de toutes les artères du village et enfin la mise en valeur de la source d’Ighzer n’Tsergou en canalisant son eau vers un château d’eau, ce qui a atténué considérablement la crise de ce précieux liquide. Aussi, l’association socioculturelle locale créée par les jeunes de la localité a repris le flambeau en 1991, en se distinguant par des actes de générosité menés en faveur des démunis du village en particulier et de ceux des localités avoisinantes en général. Travaillant en collaboration avec des associations d’émigrés basées en France, qui lui envoient des vêtements, qu’elle distribue aux personnes démunies, à l’occasion des fêtes religieuses, elle a organisé aussi, avant la création du CR-A dans la commune, des campagnes de circoncisions au bénéfice des enfants des nécessiteux, sans oublier les innombrables tournois de football et de galas artistiques organisés pour sortir un tant soit peu, la frange juvénile de la monotonie, la farniente et la routine. Après une éclipse qui a duré presque une décennie, où tout le monde la croyait morte et enterrée, l’année écoulée, avec la fameuse loi obligeant les associations à renouveler les agréments, un groupe de jeunes sur les traces de leurs aînés, composé en majorité d’étudiants universitaires l’ont ressuscitée.Fidèles aux principes directeurs de l’association, ces membres ont organisé et participé durant l’été passé à plusieurs tournois de football et récemment ils ont distribué des jus de fruits, gracieusement offerts par un producteur de Béjaïa, à toutes les familles du village.Cependant, au-delà de toutes ces satisfactions qui font la fierté de ce village, le désarroi gagne de plus en plus les habitants qui font face à d’innombrables difficultés leur empoisonnant la vie au quotidien et qu’ils ne peuvent résoudre que par leurs propres moyens. A commencer par la pollution de l’environnement induite par le déversement anarchique des eaux usées dans ses illustres rivières qui étaient autrefois des viviers pour toute la communauté, notamment celle d’Irmane de par le nombre de moulins à grains installés sur ses rives et fonctionnant avec le débit puissant de ses eaux, qui sont utilisées aussi pour l’irrigation des cultures maraîchères et des vergers. Les riverains, pendant la période estivale ont du mal à supporter les puanteurs nauséabondes qui se dégagent et la prolifération des mouches et moustiques. A cela s’ajoute aussi un autre problème qui n’est pas des moindres. Il s’agit des pannes et des chutes de tension récurrentes de l’électricité, qui exaspèrent le quotidien des citoyens. Le transformateur alimentant les deux villages (Seddouk Ouadda et Tibouamouchine), n’arrive plus à subvenir à la demande en énergie électrique qui va crescendo, induite par l’ascension fulgurante des populations. Après de multiples requêtes formulées à qui de droit, il a été question par Sonelgaz de la dotation d’un transformateur propre au village Seddouk Ouadda. “Une équipe technique de cet organisme s’est déplacée sur les lieux et le choix de terrain effectué. Il ne manquait plus que la concrétisation du projet. Deux ans déjà se sont écoulés et tout semble laisse croire que le projet est renvoyé aux calendes grecques”, dira un habitant tourmenté par cette affaire. Et il continue : “Il y a environ six mois, Sonelgaz a opté pour une autre solution, l’agrandissement de la niche abritant le transformateur actuel pour permettre sa substitution par un autre plus puissant ou l’installation d’un deuxième transformateur. Nous avons engagé des dépenses en réalisant les travaux exigés et Sonelgaz ne s’empresse pas de faire le nécessaire pour alléger notre souffrance”. Par ailleurs, un parent d’élève évoque la scolarité difficile de leurs enfants. Scolarisés au gré des parents dans deux écoles primaires, selon lui “L’une est éloignée et les risques sont énormes pour les potaches qui empruntent pour s’y rendre une route à grande circulation dépourvue de plaques de signalisation routière avertissant les automobilistes de la présence des moutonnières d’écoliers et l’autres desservie par une piste non aménagée, caillouteuse et boueuse en hiver, et ne possédant pas une cantine scolaire”.Ce village a connu des périodes fastes grâce aux efforts conjugués entre la population locale et la communauté émigrée établie en France, en lui assurant un développement digne de ce nom et qui lui a donné le label d’un village modèle qui s’est illustré par les commodités que se sont offerts ses habitants.Ces derniers, attendent toujours des pouvoirs publics le parachèvement du processus de modernisation enclenché depuis l’Indépendance par les villageois.

L. Beddar

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