«C’est un manuel militant et didactique»

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Farid Rabia, l’un des militants de la cause amazighe et professeur de mathématiques, vient de signer un autre livre, de mathématiques cette fois, un manuel didactique relatif à l’apprentissage de la numération amazighe dont il parle dans cet entretien.

La Dépêche de Kabylie : Pour commencer, présentez-vous à nos lecteurs ?

M. Farid Rabia : Je suis un jeune militant de la cause amazighe originaire de Tizi Oumalou, dans la commune d’Aïn El Hammam. Je suis professeur de mathématiques dans un collège et lauréat du prix de la meilleure œuvre pédagogique, décerné par l’Institut pédagogique national (IPN) relevant du ministère de l’Education, en avril 1996, après publication d’un livre de mathématiques intitulé «Dalil ettilmidh», aux éditions El Mourchid, concepteur du premier logiciel des maths sur les constructions géométriques en 2008 chez les Ed. Baghdadi. Je suis ancien membre de l’association IDLES, ancien responsable de la commission d’enseignement de tamazight de 1990 au 1999. Auteur de «Tutlayt idles tummast» en 1993, «Lakul uzekka» un documentaire de 52mn sur la question identitaire, publié récemment chez les Ed. Baghdadi, j’ai publié un manuel de mathématiques en tamazight intitulé «Tussnakt i yemghurbizen».

Vous venez d’éditer votre premier livre de mathématiques en langue amazighe. Pourquoi cette langue spécialement ?

Le projet date de 1993. Avec l’aide de Ramdane Achab, nous avons finalisé les trois premiers chapitres, puis un travail de recherche a été fait avec la contribution d’autres militants. Il y avait même la participation de nos frères militants et enseignants de tamazight de l’IRCAM (Maroc). Le livre est préfacé par l’une des personnalités très connue dans le combat identitaire, en l’occurrence le Dr Mouloud Lounaouci, qui était l’un des acteurs de concrétisation de l’enseignement de tamazight dans l’association Idles, parrainée par l’association Imedyazen d’Alger, édité chez les Ed. Baghdadi. Le livre est dédié à feu Hocine Aït Ahmed, chef historique de la révolution, et aux militants de la cause amazighe, K. Amzal, Haroun, Ahcène Taleb et d’autres.

Pourquoi les mathématiques en tamazight ?

Pour deux raisons. La première c’est la généralisation de l’utilisation du chiffre amazigh en Algérie et au Maroc, la seconde c’est de lancer une perspective de tamazight langue d’enseignement, récemment dans la revue Nature publiée par le New-York Times. Des linguistes préparent une langue universelle qui sera utilisée à travers le monde. Quelle langue utilisée ? Des paramètres bien déterminés ont été fixés pour un classement des langues susceptibles d’être des langues universelles. Et tamazight est classé au 8ème rang. Ainsi donc, les locuteurs de la langue amazighe s’adaptent et apprennent facilement les langues étrangères, telle la langue nipponne, chinoise&hellip,; mieux que les autres.

Le manuel est destiné à quelle catégorie d’élèves ?

Ce manuel n’est pas un manuel parascolaire dans le cadre de l’apprentissage des maths. D’abord, c’est un manuel militant dans le contexte cité ci-dessus et c’est un manuel didactique relatif à l’apprentissage de la numération amazighe, comment compter en tamazight. Car dans certaines écoles, on compte en tamazight : yiwen, sin puis… le reste en arabe. Le manuel est destiné aux collégiens et lycéens.

Quel est son contenu ?

Pour le contenu, à commencer par l’histoire des mathématiques au Maghreb, les théorèmes des mathématiciens de Béjaïa, à l’image de Chikh Omar et Abdelhak Amcheddal. Chikh Omar était le professeur du grand mathématicien italien, Fibonacci, le chiffre universel est inventé à Béjaïa en 1115. Au volet histoire, on trouve des cours et exercices sur la numération amazighe, puis des cours d’algèbre et de géométrie, cours de calcul rapide tout en donnant le classement mondial des calculs rapides ou notre géni Med-Sghir est classé champion du monde. Enfin, un lexique maths est présenté à l’élève pour des travaux de recherches.

Un autre manuel en projet ?

Oui ! c’est un manuel accompagné d’un DVD pour l’apprentissage de tamazight au primaire, tout en utilisant des dessins animés et des séquences vidéo car l’enfant au primaire retient 10% de ce qu’il lit, 15% de ce qu’il écrit, 25% de ce qu’il peut expliquer mais il retient 65% de ce qu’il retient comme image et son d’autant plus que nous avons en face de nous une génération numérique entourée de tous les moyens de multimédias, à savoir la tablette, le portable, le PC et autres. Ce projet sera réalisé avec l’aimable collaboration des enseignants et des conseillers dans l’éducation, car dans le manuel on retrouve trois compétences (communicative, linguistique et culturelle).

Un mot pour conclure…

Les pédagogues ainsi que les psychologues mettent l’accent sur l’importance de l’introduction de tamazight en tant que langue maternelle à l’école, pour assurer la continuité du développement affectif, cognitif et psychomoteur de l’enfant, car la langue maternelle est celle dont il maîtrise à la fois la compétence linguistique et la compétence communicative. Elle contribue au renforcement du sentiment identitaire. L’Etat est appelé à engager des mesures politiques très fortes pour la protection de la langue amazighe. Ces mesures consisteront, entre autres, à la mise en place d’institutions qui vont prendre en charge cette langue en termes d’aménagement, de promotion, d’enseignement, de manière plus efficace que ce qui se fait actuellement.

Entretien réalisé par M.A.Tadjer

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