La très attendue rencontre entre le roi du Maroc et le président de la République a eu lieu finalement jeudi dernier à Zeralda. Les deux hommes ont discuté durant deux heures dans la matinée mais rien de concret n’a filtré sur cette rencontre en tête à tête. A sa sortie, Abdelaziz Bouteflika a eu juste le temps d’accompagner son invité à l’aéroport international. Puis, plus rien.Ni la télévision nationale, ni même l’agence officielle APS n’ont pu donner de détails sur l’entrevue. L’ENTV s’est contentée de quelques images protocolaires à la résidence d’Etat et puis sur le tarmac de l’aéroport. Au même moment, les chefs de la diplomatie des deux pays ont tenu une autre rencontre en tête à tête. Abdelaziz Belkhadem et Mohamed Benaïssa n’ont fait aucune déclaration. Le ministre marocain des affaires étrangères s’est contenté mercredi d’une plaisanterie au sujet de la réunion des deux chefs d’Etat en déclarant que les deux parties n’ont fait aucune révélation « pour éviter le mauvais oeil ».Mais que s’était-il dit au juste entre Abdelaziz Bouteflika et Mohammed VI ? Des médias algériens et marocains parlent de « dégel » dans les relations bilatérales. Le terme est utilisé en effet par le ministre algérien des affaires étrangères qui avait déclaré mardi soir, à l’issue d’une réunion entre les cinq ministres des affaires étrangères, que l’heure est au réchauffement sinon au dégel des relations entre les deux Etats du Maghreb. Dégel parce que même si les relations diplomatiques entre Rabat et Alger n’ont jamais été rompues, il reste que la situation est tendue, notamment sur le plan politique. La preuve en est que c’est la première fois que le souverain marocain effectue une visite dans notre pays depuis son intronisation en 1999. Bien plus, c’est la première fois depuis 13 ans qu’un roi du Maroc se déplace dans notre pays. Abdelaziz Bouteflika, lui, ne s’est déplacé qu’une seule fois dans le royaume chérifien. C’était en juillet 1999 pour assister aux obsèques de Hassan II. Depuis, la place était laissée plutôt aux accusations ; notamment sur l’affaire du Sahara occidental. Chacun des deux pays est resté sur ses positions. L’Algérie crie haut et fort que cette question est à régler entre Rabat et le Front Polisario, dans le cadre des résolutions des Nations Unies, tandis que le Maroc considère que ces territoires lui appartiennent et accuse notre pays de soutenir le mouvement commandé par Mohamed Abdelaziz, le Président de La RASD (République Arabe Sahraouie Démocratique). Plus que l’affaire du Sahara occidental, le terrorisme a accentué la mésentente entre les deux pays voisins. Un attentat perpétré en 1994 à Marrakech, une ville touristique située au sud du Maroc, avait poussé les autorités de ce pays à imposer le visa aux Algériens. Les autorités algériennes avaient réagi par la fermeture des frontières. Au début de l’automne 1999, le président de la République, en déplacement à Béchar où un attentat terroriste venait de se produire, avait interpellé violemment les Marocains qu’il accusait d’abriter les terroristes. Le pourrissement des relations entre l’Algérie et le Maroc s’est traduit de manière négative sur la construction, très souhaitée de part et d’autres, de l’ensemble maghrébin dans ce qui est appelé l’Union du Maghreb Arabe (UMA) dont font partie également la Tunisie, la Libye et la Mauritanie. Aucun sommet des chefs d’Etat de la région ne s’est tenu depuis 1995. Le dernier en date devait avoir lieu en mars 2004 à Alger. En vain, puisque le souverain marocain avait tout simplement décliné l’invitation parce qu’il considérait que la construction de l’UMA doit passer par le règlement de la question sahraouie. Par ailleurs, considérant comme capital l’établissement d’un sous- ensemble régional, des pays d’Europe à l’image de l’Espagne et de la France avaient tenté d’organiser un quartette à Rabat au mois de novembre dernier pour discuter de la question. Notre pays avait refusé d’y faire part tout comme il avait rejeté toute forme de « médiation » entre les deux capitales parce que considérant qu’une telle entreprise allait nous impliquer directement dans le conflit entre le Maroc et le front Polisario. Des voix se sont alors élevées pour la normalisation des relations entre les deux pays à condition que le problème du Sahara soit confié aux instances internationales. C’est dans cette perspective d’ailleurs qu’a eu lieu la rencontre de jeudi dernier. En plus de son impact sur les liens entre Alger et Rabat, elle pourrait servir de déclic à un sommet maghrébin. L’éventualité n’est pas à écarter puisque Abdelaziz Belkhadem a parlé d’un « probable sommet à la fin de l’été ». D’autres sources annoncent même que le sommet se tiendra selon toute vraisemblance à la mi-juin. Mais avant cette rencontre capitale, de lourds dossiers attendent l’Algérie et le Maroc à l’instar de l’ouverture des frontières et de la suppression des visas, une mesure que Rabat a prise de manière unilatérale il y a de cela quelques mois.
Ali Boukhlef