Par Mohamed Bessa
La fameuse loi du 23 février a vécu ; l’article sur le « rôle positif » de la colonisation ne fêtera même pas un premier anniversaire. Il avait suscité une violente guerre des mémoires en France qui a culminé avec la révolte des Banlieues et le refus par l’Ile d’Aimé Césaire d’accueillir le ministre Nicolas Sarkozy. Au plan international, il s’est soldé par le renvoi de la signature d’un traité d’amitié avec l’Algérie. Mais, il convient de taire les frétillements de jubilation qui pointent chez certains de nos concitoyens et même s’affliger de toute cette affaire. Car, malgré l’apparente convergence des détracteurs de la loi du 23 février, ils ne visent pas les mêmes finalités selon qu’ils aient été de cette rive-là, de la Méditerranée ou de l’autre.Là-bas, on s’est mobilisé contre la prétention du législateur à dicter, et en l’occurrence à l’Ecole, une conception officielle de l’histoire. Ici, on a plutôt prétendu inscrire un dogme de condamnation de la présence coloniale. En fait à interdire ce qui est, à bien y regarder, une opinion, et qui, comme telle, est proprement irrépressible. Il s’agit d’une controverse politicienne sans fin, elle l’est d’autant qu’elle conduit là où le mènent les préjugés de ceux qui l’animent.Demain comme hier, elle s’exprimera pourvu que ceux qui l’exhumeront y trouvent quelque intérêt. Que notre inclination rétive à tout ce qui n’est pas coupé dans le roc des certitudes sommaires, n’en doute pas un seul instant !Comme dans l’affaire des caricatures danoises auxquelles les Iraniens ont entendu riposter par des caricatures sur la Shoah, des députés d’El-Islah ont conçu de contrer la bêtise par la bêtise et surtout de renforcer davantage leur emprise sur l’école. Ils ont vite fait de saisir l’opportunité de déposer une proposition de loi visant à ordonner à l’école d’inscrire une certaine vision du phénomène colonial. Soit une perspective de loi du 23 février version algérienne. C’est symptomatiquement la même attitude qu’a eu l’OCI dans l’affaire des caricatures en demandant à l’ONU de prendre une loi exceptant la religion musulmane du champ de la liberté d’expression.Sur le fond pourtant, la France, pour reprendre les mots truculents de Rédha Malek, nous avait déjà présenté ses plus plates excuses lorsqu’elle avait reconnu notre indépendance.Nos hostilités n’ont concouru, in fine, qu’à hâter une transcendance franco-française comme, jadis, les corvées de nos aïeux dans les houillères, relançaient la machine économique de la métropole démembrée par la guerre mondiale. Voilà donc qu’un mobile qui se dénoue, là-bas, dans la consolidation de l’idée de liberté, risque de mener, ici, à une nouvelle reptation fasciste. Si la France a su- qui en a douté un seul instant ?- trouver les ressorts nécessaires pour dépasser une situation qui menaçait de déchirure son tissu social, il nous reste, à nous Algériens, de méditer sur nos propres lois du 23 février. Celle-là, multiples, qui installent l’école dans une situation de pourvoyeuse du drame national.Rêvons de ce jour, où libéré des à-priori des pouvoirs en place, nos manuels feront place à Jean Amrouche, dont le centenaire vient d’être célébré à Ighil Ali sans qu’aucun officiel n’y accorde le moindre honneur. De Jugurtha à Matoub en passant par Kateb Yacine, combien de pages ont été arrachées de nos manuels d’histoire au nom de l’inclination idéologique des pouvoirs dominants ? Et quel vaste champ ces coupes opérées dans la mémoire nationale ont concédé aux reptations fascistes !Après l’enquête de La Dépêche de Kabylie sur le mouvement d’embrigadement djihadiste qui s’affirme en Kabylie, voilà que c’est El-Watan (20 février) qui apporte un nouveau cadrage avec une OPA partisane visant les mosquées.Selon notre confrère, le MSP « encadre de loin » un vaste mouvement visant l’accaparement de la mosquée au profit exclusif de sa politique. Même si cette relation ne recoupe que partiellement les constats de nos reporters qui ont scruté le cas particulier de la wilaya de Béjaïa, où il parait bien réducteur d’imputer les manœuvres qui se déploient sur le terrain religieux au seul MSP, il convient d’enregistrer l’étendue de la situation. Les techniques de pressions se répètent un peu partout : « Intimidation des imams non acquis à leur cause, infiltration des associations religieuses des mosquées, menaces par lettres anonymes ou carrément par des agressions physiques comme cela a été le cas dans la mosquée de Skikda ». Survient enfin une séquence de classique reptation fasciste : « Si d’aventure l’imam refuse de faire passer leur message, ces gens-là l’agressent ou tentent de salir sa réputation auprès des fidèles en l’accusant de pédophilie ou d’incompétence ».Les chiffres de notre confrère, qui cite des responsables du ministère des Affaires religieuses, donnent toute la dimension de l’enjeu de la Mosquée.14 millions (même si on décèle ici une certaine inflation pieuse) de fidèles en moyenne assistent à la prière du vendredi. Dix (10) imams ont été passés à la lame du couteau pour l’année 2005. 20% des 15000 que compte le pays ont enregistré des actes d’intimidation et d’agressions.
M. B.
