Les artisans rivalisent avec les carrières d'agrégats

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C'est sans aucun doute le gisement minier le plus important de toute la wilaya de Bouira mais aussi le plus mal exploité malheureusement.

La pierre bleue d’Ath Mansour qui constitue l’unique et considérable richesse de cette commune déshéritée a enregistré ces vingt dernières années une exploitation effrénée, mais débridée et anarchique. C’est un gisement inépuisable qui s’étend sur des milliers d’hectares qui a été exploité depuis la nuit des temps en raison de son incomparable utilité dans la construction et ses multiples qualités très prisées et recherchées, à commencer par son esthétique à 100 % naturelle. La pierre bleue d’Ath Mansour offre des pièces de décor qui surclassent largement les cubes de marbre importés de l’étranger notamment d’Italie ou de Turquie. On la retrouve dans toutes les constructions de luxe privées ou étatiques dont des complexes touristiques hauts standings et à travers tout le territoire national. La pierre bleue offre aussi des garanties irremplaçables dans les constructions parasismiques, car, large, plate et solide avec en plus la possibilité d’obtenir toutes les dimensions en pièces unies. Dans la région de M’Chedallah, on retrouve dans tous les villages des constructions en pierre bleue dont la plupart comportent des étages plusieurs fois centenaires qui ont résisté à toutes les agressions climatiques, les mouvements telluriques malgré leur abandon et l’absence totale d’entretien depuis plusieurs dizaines d’années. Parmi ces habitations centenaires, on constate que l’assemblage est constitué de terre battue tout court sans piliers ni ferraillage. Ces maisons sont toujours intactes, c’est souligner la solidité de ce matériau exceptionnel. Dans un autre volet, la pierre bleue est toujours utilisée dans la région en guise de dallages et de pierres tombales. L’explosion de l’exploitation de la pierre bleue et son développement vertigineux s’expliquent aussi par le fait que de futés affairistes, qui ont remarqué sa forte demande par les constructeurs, se sont chargés d’élargir et d’étendre sa commercialisation à l’échelle nationale en créant des aires de stockage aux quatre coins du territoire et se sont reconvertis en revendeurs tirant des bénéfices substantiels. À l’heure actuelle, et malgré une forte augmentation du nombre de tailleurs de la pierre bleu à Ath Mansour, il est quasiment impossible d’honorer toutes les commandes. Cet immense gisement de la pierre bleue fait vivre à présent des centaines de familles, en plus de faire tourner à plein régime l’une des plus grandes carrières d’agrégats à l’échelle nationale qui a absorbé un important taux de chômage dans cette commune et les communes avoisinantes.

Thassadarth, une mine… d’or !

Ce gisement sis au lieu-dit Thassadarth, revêt toutes les caractéristiques d’une mine d’or en matière de rendement. Un état de fait qui n’a pas échappé à l’ancien wali, M. Ali Bouguerra, qui n’a raté aucune occasion pour inciter tous ceux exerçant dans le domaine du bâtiment à favoriser l’utilisation de ce matériau naturel d’Ath Mansour. Lors de notre tournée jeudi dernier au chef-lieu de cette commune qui est l’ancien village Thaourit, nous avons remarqué qu’en plus de la majorité des habitations construites à base de ce matériau, les innombrables murs de soutènement ainsi que les ouvrages d’art de ce village situé sur une haute colline étaient réalisés à l’aide de la pierre bleue. Nous avons beau inspecter minutieusement quelques uns de ces ouvrages en choisissant les plus anciens, nous n’avons pu déceler la moindre dégradation ou traces de fissures. Ces ouvrages résisteront durant les siècles à venir. C’est un gisement qui doit, à notre avis, faire l’objet d’une attention particulière de la part des autorités locales qui doivent faire le nécessaire pour attirer des investisseurs. C’est aussi une manière de tirer cette pauvre commune de sa précarité et de son sous développement endémique. Les tailleurs de pierre actuels, en plus d’être incapables malgré leur nombre à satisfaire les commandes qui fusent de partout, travaillent avec des moyens rudimentaires et dans des conditions atroces et extrêmement pénibles. Aucun élu, ni autorité quelconque n’a pensé à l’éventualité de sensibiliser ces malheureux pères de familles à s’organiser pour défendre leurs droits et améliorer leur cadre de travail. Certains titres de la presse nationale ont évoqué la silicose qui fait des ravages parmi les tailleurs de pierre à l’extrême Est du pays. Quelques anciens artisans de la région d’Ath Mansour interrogés à propos de cette maladie sont catégoriques : aucun cas n’a été enregistré parmi ceux qui ont exercé ce métier durant plus de 50 ans. Toujours est-il qu’une inspection des services de la santé est souhaitable pour être définitivement fixé sur ce risque.

Des exploitants des carrières d’agrégats s’en mêlent

Cet inépuisable et juteux filon a fini par attirer l’attention d’investisseurs privés qui ont commencé à installer des carrières d’agrégats pour la production de gravier toutes dimensions confondues mais aussi de sable de carrière, lui aussi, très prisé par les constructeurs depuis ces cinq dernières années tant pour celui utilisé dans les constructions que celui prisé pour les ouvrages de travaux publics, les routes particulièrement. Ces unités de production d’agrégats qui frôlent la dizaine à l’heure actuelle, se sont installées le long de la chaîne montagneuse de Chréa au lieu dit Adrar Seggane. Mais ils usent de la même anarchie que ces artisans tel que le non respect du dosage réglementaire de l’explosif à tel point que dans certains quartiers périphériques du chef-lieu de commune les plus proches de ces carrières, les murs porteurs de nombreuses habitations se sont fissurés à cause des puissantes déflagrations de l’explosif utilisé pour extraire la matière première. À cela s’ajoute le manque de filtres à air, indispensables et obligatoires, afin de réduire les émulsions de la fine poussière blanchâtre que dégagent les concasseurs et qui est d’une telle densité que le tissu végétal a carrément changé de couleur et de manière spectaculaire au même titre que les oliveraies. Situation qui a porté un coup fatal tant à l’environnement qu’à l’agriculture et par ricochet à la santé publique. Un cas que ne cessent de dénoncer les riverains sans que rien ne soit entrepris jusqu’a présent pour mettre fin à leur calvaire. Les mêmes citoyens, notamment ceux riverains de ces unités économiques, évoquent aussi le non respect par les exploitants de l’obligatoire arrosage des voies d’accès qui mènent vers ces carrières à partir de la RN5 pour réduire le taux de poussière que soulèvent sous forme de nuages les camions de transport de gros tonnage.

Pollution des lieux : le wali Chérifi réagit

La pollution des lieux a fait réagir le nouveau wali M Cherifi Mouloud interpellé à ce sujet par les citoyens de cette commune lors de sa visite d’inspection qui remonte à la deuxième semaine de ce mois de janvier. Après avoir attentivement écouté les doléances des citoyens, le premier magistrat de la wilaya a instruit son secrétaire général de convoquer dans les meilleurs délais tous les opérateurs et autres parties concernées afin de mettre un terme à cette anarchie. Notons enfin que sur la même chaîne de montagne de Chéra a été découvert un autre non moins important gisement de plâtre et ses dérivés au niveau de la zone relevant administrativement de la commune d’El Adjiba, un gisement exploité depuis une dizaine d’années. Au niveau de la commune d’Ahnif, c’est un gisement de sel qui existe au lieu-dit Tamelaht mais dont l’exploitation à la manière traditionnelle par les villageois a été abandonnée depuis plus de vingt ans.

Oulaid Soualah

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