Contraints ou par besoin, attachés à leurs traditions ancestrales et pétris de civisme, les habitants d’Aït Zellal ont, visiblement, de tout temps, su que le salut individuel a comme corollaire celui de la communauté.
Situé à 50 kms du chef-lieu de la wilaya de Tizi-Ouzou, ce beau village kabyle des collines non-oubliées est un exemple de bonne gestion des affaires de la cité. Pourtant, avec ses 8 000 âmes, réparties sur plusieurs anciens et nouveaux quartiers, la tâche s’avère des plus difficiles. Comme beaucoup de villages de Kabylie, Aït Zellal est géré par une entité socio-économique qu’on appelle communément le Comité du village. Cette organisation dispose d’un siège, bien équipé, au centre même du village. «C’est ici qu’on se réunit pour mettre en application les décisions prises lors de l’assemblée générale. Vu le manque flagrant de projets dans notre localité, nous sommes contraints de nous prendre en charge sur tous les plans. Presque toutes les infrastructures du village sont nos propres réalisations. Et même s’il y a eu quelques aides au logement rural, ces constructions n’ont pas bénéficié des moindres commodités, telles les VRD (voiries et réseaux divers). Ces habitations sont dans une situation déplorable. Ils n’ont ni électricité, ni eau, ni assainissement et encore moins des routes carrossables», nous explique un membre du comité du village. Notre interlocuteur nous confiera : «Nous avons un château d’eau qui date de 1970 avec une capacité de 200 m3 pour une population de 4 000 habitants à l’époque. Cette capacité n’a pas évolué, alors que la population a doublé». En ce qui concerne le manque de projets pour le village, les membres du comité pointent du doigt le changement incessant de leur rattachement administratif : «Nous étions rattachés à la commune d’Azagza, puis à Mekla, ensuite à Souamaa, avant de dépendre aujourd’hui de celle d’Ouaguenoun. Ce va-et-vient administratif nous a beaucoup pénalisés. A chaque changement de commune, on nous prive du projet inscrit à notre actif pour l’affecter à un autre village. Voilà comment nous nous sommes retrouvés sans aucun projet», nous ont expliqué les membres du comité. Et d’ajouter : «Notre premier souci est de venir en aide à nos concitoyens en améliorant leur cadre de vie. Les dons de bienfaiteurs et surtout les cotisations de nos émigrés sont d’un apport considérable dans nos réalisations. Nous pouvons dire que le village se prend en charge par lui-même avec une gestion des plus autonomes. Nous organisons des volontariats à chaque fois que cela est nécessaire». Pour le visiteur, le village d’Aït Zellal reflète, effectivement, une bonne prise en charge des affaires de la cité par les habitants. Toutes les ruelles sont d’une propreté irréprochable. Les villageois innovent même en matière d’environnement : on y trouve des espaces verts entretenus et d’anciennes fontaines et abreuvoirs bien préservés. Des portraits des personnalités historiques sont visibles tout au long des murs et façades des habitations. Pour rappel, le village Aït Zellal figure parmi les lauréats du Concours Aissat Rabah du village le plus propre, organisé annuellement par l’APW de Tizi-Ouzou. Le comité du village compte sur le prochain découpage administratif où «le village pourrait devenir une commune», un souhait exprimé par l’ensemble de la population. D’ailleurs, ils ont préparé tout un dossier dans ce sens, nous dira un membre du comité.
Une zone industrielle controversée
Un projet de création d’une zone industrielle a été lancé par l’ancien wali de Tizi-Ouzou, Abdelakader Bouazghi, mais sa réalisation a buté contre l’opposition de quelques citoyens de la région. «Nous ne sommes pas contre la création de cette zone, au contraire, nous y sommes favorables. Mais l’assiette où elle doit être implantée est une propriété privée. Nous sommes les propriétaires des 350 ha choisis pour le projet. Nous demandons simplement nos droits. Ce terrain était considéré comme un bien public, selon le Sénatus-consulte stipulant que lesdits 350 ha, sis à Souama, appartiennent au domaine. Mais, il y a eu cette décision de justice du 4 avril 1895, enregistrée le 23 avril 1895, qui a annulé ce Sénatus-consulte. Cette terre appartenait à nos aïeux, elle a été spoliée par les Turcs puis par les Français, avant d’être récupérée par nos parents», dira le porte-parole de l’association des propriétaires. D’après le P/APC de Souamaa, qui a fait de ce projet son cheval de bataille et une priorité, le projet de cette zone «aboutira un jour ou l’autre», puisqu’il n’a pas été gelé.
Huit femmes brûlées vives pendant la guerre
Le village a payé un lourd tribut à la guerre de libération nationale, avec ses 150 martyrs. Mais la tragédie de ces huit femmes brûlées vives par les soldats français reste comme une cicatrice qui marque à jamais la mémoire collective des villageois d’Aït Zellal. «Nous étions en 1959, l’année où le général De Gaulle a évoqué le référendum de l’autodétermination. Ces huit femmes se sont opposées frontalement à toute idée de référebdum. Pour les punir, les soldats français les menèrent avec trois autres citoyens dans une petite maison où ils les ont brûlés vifs», raconte avec émoi un vieux du village. Une stèle a été érigée à leur mémoire sur le lieu-même du drame. Autres faits historiques qui caractérisent le village, Hocine Aït Ahmed y a été arrêté en 1964 et Ali Laïmeche est tombé au champ d’honneur dans son maquis.
Le mausolée de Cheikh Amokrane
Cheikh Amokrane est un saint vénéré par toute une partie de la population de Kabylie. Le mausolée érigé à sa mémoire est situé dans le village d’Aït Zellal. Ce lieu de pèlerinage draine une foule nombreuse lors des fêtes religieuses, telles le Mouloud et l’Achoura. A côté du mausolée, on trouve une école coranique. «Ils viennent de partout. Elle est fréquentée en grande majorité par des jeunes étudiants qui viennent de toutes les régions du pays. Ils viennent y apprendre le coran et les sciences islamiques. Mais depuis les années 2000, leur nombre a considérablement diminué», dira l’imam de cette école. Un descendant du Cheikh Amokrane précisera : «Le saint Cheikh Amokrane était une personne illettrée, il n’a étudié ni l’arabe ni le français, mais il était d’une très grande sagesse. Il réglait tous les conflits pour lesquels les gens le sollicitaient. Il était par ailleurs un bon vivant et aimait la musique. Le grand chanteur Cheikh El Hasnaoui était un habitué des lieux, il venait souvent chanter ici».
Hocine Moula

