Adieu Djamila Minne !

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S. Ait Hamouda

Voilà une nouvelle qui ébranle les Algériens de plus de soixante ans, parce que le reste, ils ne la connaissent pas, ou parce que d’autres ont oublié de la leur faire connaître : il s’agit du décès de l’ancienne moudjahida Danièle Djamila Amrane Minne, morte à l’âge de 78 ans. Née le 13 août 1939 à Neuilly-sur-Seine (France), elle était une fervente militante de la cause nationale, elle qui avait intégré les rangs de l’Armée de libération nationale de 1956 à 1962. Elle a ainsi crapahuté à travers monts et vaux dans l’ensemble du territoire de ce vaste polygone qu’est l’Algérie. Après l’indépendance, elle a opté pour la nationalité algérienne. Elle a travaillé à l’université d’Alger avant de devenir, en 1999, professeure d’histoire et d’études féminines à l’université de Toulouse. La défunte était également auteure de plusieurs ouvrages littéraires ainsi que de poèmes. Parmi ses publications, on citera Les femmes algériennes et la Guerre de libération nationale (1989). Elle a défendu tant son pays d’adoption que les femmes et tous les indigents, les faibles et les démunis. Elle a aussi été, à l’université, une enseignante engagée et militante puis a dû quitter sa patrie pour fuir le terrorisme pour la France. Mais elle ne pouvait renier cette Algérie pour laquelle elle était prête au sacrifice suprême. Son séjour en France a été un calvaire pour elle. L’extrême droite n’était pas tendre avec elle. Mais elle répondait au tac au tac à chaque fois qu’elle recevait un mot ou une médisance de leur part. Elle n’était pas de ceux qui ont renié leur passé. Elle était algérienne et portait son algérianité tantôt en bandoulière tantôt comme un étendard au clair. Fille et belle-fille d’activistes communistes condamnés à mort, elle est une militante du Front de libération nationale, une porteuse de valises et une poseuse de bombes pour le compte du FLN à Alger durant la guerre d’Algérie. Elle bénéficie de l’amnistie générale de 1962 et par la suite, elle enseignera l’Histoire de la décolonisation en France, à l’Université Toulouse II-Le Mirail ; elle est membre du Groupe de recherche sur l’histoire immédiate. Danièle Minne participe en 1956 à la grève des étudiants et rejoint la rébellion des nationalistes algériens sous le nom de Djamila. Membre du «réseau bombes» du FLN durant la bataille d’Alger, elle fait partie du groupe de jeunes femmes poseuses de bombes dans les lieux publics d’Alger, en particulier les cafés fréquentés par la jeunesse. Le samedi 26 janvier 1957, Danièle qui est encore mineure (17 ans) participe à un triple attentat du FLN dans trois brasseries de la rue Michelet située dans le quartier européen. Elle pose sa bombe dans le bar Otomatic à Alger, tandis que ses complices déposent d’autres engins explosifs au Coq-Hardi et à La Cafeteria. Elle fut condamnée le 4 décembre 1957 à sept ans de prison. Elle a été incarcérée à la prison de Barberousse puis transférée en France. Elle a été libérée en avril 1962 à Rennes et amnistiée en application des Accords d’Évian. Ainsi, tels Iveton, Maillot et tant d’autres, elle les rejoint avec son viatique pour siéger au comité central des ancêtres. Adieu Djamila ! La défunte a été enterrée hier à Béjaïa en présence de sa grande famille élargie à ses compagnons d’armes.

S. A. H.

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