La rocade vaut-elle les quatre milliards de DA ?

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Par Djaffar Chilab

A priori, en gros il n’y a pas lieu de faire la fine bouche sur cet énorme projet devenu aujourd’hui globalement, une réalité réjouissante pour la ville de Tizi Ouzou. Ce n’est pas rien, et la rocade Sud qui permet aujourd’hui d’éviter l’encombrante cité de la capitale kabyle est à cataloguer dans le registre des rares grandes réalisations dont a bénéficié la wilaya depuis que la Kabylie est Kabylie. Ce n’est qu’un tronçon de route mais c’est déjà ça… Il vaut mieux ça que rien ! En attendant de goûter l’eau du barrage de Taksebt, de monter dans le train à Oued Aissi, de voir jouer la JSK au « stade Abdelkader Khalef », et pourquoi pas prendre le bateau à partir de Tigzirt et Azefoun…L’ouvrage s’étend sur 13 km, et permet de contourner la ville de Tizi Ouzou d’Est à l’Ouest en 7 à 9 minutes avec une vitesse raisonnable de 80km/h. Le tronçon démarre de Boukhalfa à hauteur du premier échangeur élevé non loin du siège de la sûreté, et du CFPA Khodja-Khaled implanté à l’entrée ouest de la ville et s’allonge en ceinturant la ville de Tizi Ouzou par le sud jusqu’à se raccorder à la sortie Est de la cité au niveau de la bourgade de Tazmalt El Kaf.

ça circule mais…Officiellement la rocade a été réceptionnée et mise en service par le président de la République le 19 septembre 2005. Plus de cinq mois après, certes ça circule, cela a même sensiblement désengorgé la ville mais on en est encore loin de l’œuvre telle qu’elle a été présentée sur maquette. En effet, en dehors du tronçon de la route principale qui est achevé, le chantier demeure à mener à terme alors qu’en certains lieux, il est question de carrément blocage à solutionner. C’est le cas à Tazmalt El Kaf ou l’autoroute rattrape la Route nationale 12, à l’extrémité est du tronçon. A ce niveau, il est prévu un échangeur à quatre bretelles, deux du côté sud, et deux autres au côté nord. « L’ouvrage d’art est terminé à 100%. Les bretelles de raccordement côté sud aussi, reste les deux autres bloquées par le bidonville de Tazmalt El Kaf », explique M.Alik, chef de projet au niveau de la DTP de wilaya. En fait, elles sont 16 bâtisses à être implantées sur le tracé des deux bretelles dont les services de wilaya ne pouvaient exproprier les occupants au vu de leur situation « irrégulière ». « On est face à un cas de bidonville et il ne pourrait s’agir que d’indus occupants ». Leur relogement a donc posé problème avant que les services de la daïra n’interviennent pour s’en charger. Mais voilà que ça n’a guère été un souci facile à évacuer. Les services de la daïra ont éprouvé les pires difficultés à dénicher une parcelle de terrain communale pour bâtir des logements et recaser ces familles qui gênent.

Tazmalt El Kaf, un nœud à défaire A en croire une source au fait du sujet, les initiatives de l’administration ont, à chaque fois, buté sur des oppositions, soit des associations de quartiers, ou carrément d’individus réclamant la propriété des terrains supposés dénichés par l’administration. C’est ce qui a essentiellement induit au grand retard cumulé dans cette opération de relogement des familles de Tazmalt El Kaf. Selon Mme la chef de daïra de Tizi Ouzou, le problème serait enfin à son épilogue puisque deux sites seraient enfin arrêtés définitivement, et il ne reste qu’à établir les permis de construcire pour entamer les travaux des trente bâtisses qui accueilleront les trente familles concernées. En attendant l’échéance fixée à au moins 6 mois, le danger perdurera encore pendant ce temps sur cet échangeur où les usagers venant de l’Est sont contraints de croiser avec une voie inverse à grande vitesse pour rejoindre la rocade. Au niveau des cinq autres échangeurs, en dehors du premier, fonctionnel à Boukhalfa, et au cinquième qui, relie la rocade au CW 100 de Beni Douala qu’on peut dire achevé à 100%, des travaux sont aussi toujours en cours.

La rocade, telle cette belle salopette à…une bretelleOn n’a pas encore fini là aussi, de parachever les bretelles de raccordement et leurs rampes. C’est le cas au niveau des intersections de Oued Fali, de Hasnaoua. Celle de Maâtkas, bien que fonctionnelle, nécessite encore quelques temps pour la mise en place des accessoires adéquats. Le tronçon est pourtant beau, large, le bitume épais est encore flambant neuf. Mais il y a ces raccordements inaboutis. L’ouvrage paraît telle une belle salopette à une bretelle. Autant dire que ce projet lancé un certain 3 mars 2002, est encore loin d’être au bout de sa réalisation. Auparavant la SONATRO avait déjà pris en charge l’axe principal de la route entre Tazmalt El Kaf et l’intersection de Beni Douala. « Cette partie a été réalisé dans le cadre du programme sectoriel de développement (PSD). Pour les tranches restantes, la prise en charge de leurs réalisations a été envisagée dans le cadre du programme de soutien à la relance économique. Le lot route a été l’œuvre du groupe GRTRS qui regroupe la SONATRO et COSIDER travaux publics, tandis que la réalisation du lot ouvrages d’art a été confié à l’ENGOA et COSIDER construction. Dans ce domaine, en plus des 6 échangeurs, il y a aussi deux ponts qui sont édifiés pour permettre un croisement à niveau avec le CW 02 de Bouhinoun, et le franchissement du Oued Aguemoun », devait encore confirmer M.Alik.

530 Millions de DA pour 80 Hectares de terres expropriéesL’enveloppe globale qui a été allouée au projet est de l’ordre de 3,977 milliards de dinars dont, quelques 530 millions de dinars sont affectés aux indemnités des expropriés. La surface des terres expropriées s’élève à 80 hectares dont 90% relève du domaine privé, et le reste en majorité des exploitations agricoles collectives (EAC). C’est en tous les cas les chiffres avancés officiellement assortis de cette affirmation réjouissante : « Tout est en passe d’être achevé. Le gros est fait ». Mais dans la réalité il se trouve que tout n’est pas nickel. Et beaucoup reste encore à faire pour rentabiliser cette œuvre. Le chef du projet résume les urgences à mener d’abord à terme, la réalisation des glissières de sécurité en béton, et préparer l’implantation d’arbres pour consolider et protéger l’ouvrage. « C’est une question d’opportunité, il ne faut pas qu’on rate la saison des implantations ».

L’éclairage : Une question encore dans le noirL’éclairage, et la sécurisation du tronçon restent donc pour l’heure complètement à imaginer même si notre interlocuteur confirmera que « le souci d’éclairer existe. Des réservations pour le passage des câbles sous le bitume, et les points de piquages ont été prévus ». Sans plus. Mais qui devra prendre en charge alors l’éclairage du tronçon ? A la DTP de wilaya, on rétorque à l’interrogation par une autre : « On pourrait éclairer au niveau des échangeurs, mais qui prendra en charge la consommation ? Qui se chargera de l’entretien ? ». Non sans évoquer le périmètre urbain sur lequel s’allonge la rocade. Quelque part l’APC de Tizi Ouzou à qui l’on est visiblement tenté de léguer ce « cadeau onéreux » est directement visée. Du côté de la daïra, cette éventualité est dit-on inimaginable, sachant la situation déficitaire de la commune qui, doit-on rappeler, a sombré pendant plusieurs jours dans le noir, il n y a pas de cela longtemps, pour justement une histoire de factures d’électricité impayées… Pendant ce temps, la rocade demeure un chantier qui grouille dans la journée, et se retrouve désertée dès le coucher du soleil, faute de suffisamment de sécurité. En effet, rares sont ceux qui s’y aventurent au-delà de 18h00. En l’absence d’une présence constante des services de sécurité, les agressions se multiplient de jour en jour. Le projet tel qu’il est livré aujourd’hui à l’usager vaut-il réellement les 3,977 milliards de DA qui lui ont été alloués ? Une chose est sûre : On a fait faire au président l’inauguration d’une rocade « semi-finie » qu’il est urgent d’achever. A la direction des travaux publics de wilaya, on se veut conscient mais aussi confiant et serein malgré tout. « Le gros du travail est fait et la rocade est ouverte à la circulation depuis maintenant à peine six mois. Les travaux de finitions sont en cours. Laissons les gens s’habituer et bien mûrir ce projet. Les initiatives de viabilisations suivront inévitablement surtout que le site est appelé à subir une autre mutation avec l’implantation prochaine de la gare ferroviaire », commente M. Ait Kaci, DTP de wilaya de Tizi Ouzou. Pour sa part, M. Alik, chef du projet, rassure que « toutes les actions restantes seront achevées au courant de cette année 2006 ». Amen !

D.C.

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