De Paris, Kamel Tarwihth
«Pièges thymiques», en d’autres termes, leurres que dresse l’humeur changeante, est l’histoire peu banale d’un jeune homme taiseux, solitaire et qui a longtemps vécu dans le refus de toute communauté de vie avec ses semblables. Le monde extérieur, ses désordres et son chaos lui sont source d’angoisse et d’épouvante qu’il il tente inépuisablement de contourner. Ainsi, et comme il aime tant le dire, le bonheur et le malheur ont bien d’autres âmes à se disputer, loin de sa simple et paisible vie. Cependant, pour son entourage pourtant bien restreint, ne l’entendant jamais geindre, se plaindre ou dévoiler ses états d’âme, son silence occultait toute visibilité à leurs regards inquisiteurs. Le malentendu subsiste et persiste : homme étrange, âme transparente et personnalité énigmatique… Ces jugements, il les entend et les réentend jusqu’au jour où il décide de rendre visite à un psychothérapeute. Son seul dessein, obtenir la preuve de sa bonne santé mentale. Et son vœu fut aussitôt exaucé : il est en parfaite possession de ses facultés mentales. Son isolement et son penchant pour la distraction ne peuvent s’expliquer par aucun trouble d’ordre psychique. À ce moment de l’histoire où plus rien de contraignant ne doit advenir de sa philosophie de vie, le psychiatre lui confie un pli dans lequel des lettres sont enserrées. Il doit se faire un devoir de les lire. Ses conclusions, il doit en faire part au même thérapeute. Après un long moment d’hésitation et pour une raison que lui-même ne peut expliquer, il ouvre le pli et un nouveau monde s’ouvre à lui. Un monde que peuplent les papillons noirs du désespoir. Ces lettres sont écrites de la main d’une fille fugueuse et qui confesse à son père son désir de mettre fin à ses jours. Ce père n’est nul autre personnage que celui du psychiatre. Lettre après lettre, le jeune homme se prend d’affection pour l’inconnue. Sa voix, tantôt geignarde, tantôt lui parvenant d’outre-tombe, fait que la seule raison d’exister pour lui est d’aller sur les traces de la suppliciée, la retrouver et lui promettre en guise de dote, sa solitude pour une vie commune, un avenir commun, loin des noirs desseins qui veulent l’arracher à la vie. Va-t-il parvenir à retrouver cette fille ? Existe-t-elle vraiment ? Le jeune homme n’est-il pas victime d’un simulacre savamment et malicieusement orchestré par le même psychothérapeute ? Tant de questions auxquelles il va devoir répondre, au prix de son intégrité et de sa santé mentale. Extrait : « Le silence nous guérit de quelques maux, ou du moins, il apaise nos esprits, purge nos pensées et appelle à rétablir l’équilibre si fragile qui lie notre existence à celle de notre univers. Vois-tu chère collègue, associé à mon penchant immodéré pour la solitude, le mutisme a été pour certains, qui conjuraient ma ruine, l’argument probant pour m’imaginer plus étrange que la normale, entacher mon nom d’un soupçon de bizarrerie, de déraison et de tant d’inconcevables aspects sous lesquels, avec une réjouissance morbide, ils dépeignaient une supposée folie dont je serais atteint. Pire encore, d’autres se sont même attribué la faculté d’anticiper les choses en me prédisant un destin certain et dont la fin serait de me donner la mort».
K T.
