Pour la Journée internationale de la Femme, la Fondation Lounès-Matoub rend hommage à Na l’Djouher, la grand-mère courage, en lui décernant le Prix du mérite, à titre posthume. Na l’Djouher, doyenne du Mouvement culturel berbère, si cher à Matoub, s’est éteinte le 25 juin 1998, physiquement dès l’annonce du cataclysme affligé à la Kabylie, et cliniquement quelque temps après, s’étant laissée mourir pour ne plus avoir à supporter le poids de presque un siècle de combat, sans son fils spirituel, son « Lwennas-iw », comme elle le disait si bien dans son langage de vieille édentée. La tristesse de perdre son « fils » a eu raison d’elle. Elle avait supporté la pauvreté, la guerre, le typhus, le veuvage, un petit siècle de purgatoire sans abdiquer. Elle avait retrouvé ses jambes d’adolescente quand il fallut porter haut et fort la revendication identitaire au début des années 80, présente à toutes les marches, mascotte d’un élan populaire mené par son enfant adoptif, le révolutionnaire de l’identité berbère, celui qu’elle appelait Lwennas-iw. Elle a été sa gentille sorcière lorsqu’il fut mitraillé en 1988, elle a répandu sa sagesse dans les rues de Tizi Ouzou durant quinze interminables jours et nuits, lors du rapt du Rebelle. Elle n’a jamais baissé les yeux (la photo), pour fuir cet espoir de le revoir, elle a toujours eu raison, Na l’Djouher. Sauf peut-être une fois… Elle était folle, disaient certains gamins pour la taquiner, quand ils la croisaient en ville. Pour les autres, les adultes, les commerçants, c’était une « ttadarwict », celle qui porte bonheur, celle qui devine, une porteuse de bonnes nouvelles. Chacun lui faisait son petit cadeau avec ce qu’il pouvait lui offrir, en échange de quelques secondes de bonheur passées avec elle. Ses paroles étaient comme celles des grands-mères qui passionnent les enfants avec des contes invraisemblables. Na l’Djouher, ce qui était invraisemblable chez elle, c’était l’annonce de l’arrivée de Lounès, c’est là où elle ne se trompait jamais. Pour certains, il était impossible de la croire quand elle descendait à Tizi, arpentait le pâté de maisons dit « Les Bâtiments bleus ». Lounès a toujours eu une place dans son cœur pour cette vieille dame, il ne l’oublia jamais, à chaque retour de France, un précieux cadeau lui était consacré. Dans sa longue période d’exil forcé, il lui a rendu hommage dans un chef d’œuvre qu’il a consacré à l’Espoir (Assirem), dans lequel il la couvre du « Amendil awragh mi deda tmazight-nni”.Na l’Djouher, repose en paix.