La session ordinaire de l’APW de Tizi-Ouzou, qui s’est poursuivie jeudi, a abordé le problème crucial de l’alimentation en eau potable des 1 500 localités de la wilaya. Le feuilleton d’une saison caniculaire sans eau hante les esprits.
Une crainte qui s’accentue à chaque saison estivale, depuis de longues années. Le président de la commission hydraulique lira le rapport de sa commission, signalant d’emblée : «L’eau est vitale et la ressource est disponible. Le taux de raccordement est de 98% et la dotation journalière par habitant devrait être de 165 litres. Mais l’eau est gérée de façon aléatoire, il y a des localités où l’eau coule à flots, sans compteurs, tandis que dans d’autres l’eau est rationnée alors que les citoyens paient leur factures». Le rapport de la commission insiste sur «le mode d’organisation de l’ADE qui a un impact très négatif sur son rendement et son développement». Le rapport de la commission signale le manque de moyens, la vétusté du réseau, des déperditions de l’ordre de 60%, le piratage et les piquages illicites, ainsi que le recouvrement des créances, «autant de facteurs qui rendent la mission de l’ADE difficile». Il est urgent «d’actualiser le schéma directeur de l’eau, de créer des agences opérationnelles, de mettre fin à l’extraction du sable de l’oud Sebaou, accélérer les travaux du barrage de tleta, de renforcer l’alimentation par le dessalement», a-t-on indiqué. Il est aussi recommandé «l’association des services de l’ADE, des APC, des subdivisions et de la DUAC pour plus de performance dans la réalisation des projets d’eau».
Rachid Hameg, directeur de l’hydraulique, rejette tout sur les oppositions
Le directeur de l’hydraulique, Rachid Hameg, à travers un état des lieux, est revenu sur l’ensemble des potentialités de la wilaya de Tizi Ouzou. Il révèle qu’il y a des sources souterraines (60hm3/an) et d’autres superficielles (1 milliards m3). Il abordera ensuite le barrage en cours de réalisation de Souk Tleta qui accuse un énorme retard notamment à cause des oppositions. Le taux d’avancement de ce barrage est actuellement de 35%, dira-t-il. Il citera aussi le barrage de Sidi Khelifa, un projet qui est au stade de levée des contraintes, du barrage de Bounachi en cours d’étude et de celui de Zaouia qui est au stade de la reconnaissance et des relevées topographique, mais à l’arrêt à cause d’oppositions. Il parlera ensuite des 90 sources de la wilaya qui totalisent un apport en eau potable de plus de 6 hm3. Le directeur de l’hydraulique parlera aussi du transfert de l’eau à partir du barrage Taksebt vers Freha, Azazga, Tizi-Ouzou, Draâ Ben Khedda et Tadmaït et vers le flanc nord de la wilaya. Il abordera ensuite le transfert depuis le barrage de Koudiet Asserdoun vers le sud de la wilaya, notamment Draâ El-Mizan, Boghni et Ouadhias. Il révélera aussi que 66 forages sont en bonne voie. Par ailleurs, il signalera que 68 sources sont également en cours de réhabilitation. Le même intervenant abordera ensuite l’ensemble des projets en cours au niveau de la wilaya. «70 opérations, tous programmes confondus, sont en cours pour une autorisation de programme de plus de 24 milliards de dinars», précisera le directeur, indiquant également : «Pour augmenter nos capacités de stockage, nous construisons 134 réservoirs d’une capacité totale de 40500 m3». Il signalera aussi que pour éviter les déperditions de l’eau, «180 kilomètres de conduite, tous diamètres confondus, sont en cours de réhabilitation. Les équipements électromécaniques sont en train d’être rénovés pour améliorer leur rendement». Le directeur disséquera ensuite le secteur, commune par commune, projet par projet, avant de conclure : «Nous faisons du mieux qu’on peut pour assurer un approvisionnement suffisant en eau potable. Inscrivez nous des projets et nous les réaliserons», assénera-t-il en direction des élus.
Les chiffres paradoxaux en disponibilités naturelles
Pour sa part, le directeur de l’ADE, fortement interpellé par les élus, n’ira pas par 36 chemins pour répondre : «Notre unité assure la distribution dans 64 communes pour une population de 1,1 millions d’âmes, répartie sur 1 500 villages. Tout cela, nous le faisons avec un personnel de 1 600 agents dont 392 cadres, 457 agents de maîtrise et 717 agents de pompage et de sécurité non productifs. Nous devons aussi savoir que notre unité gère 15 à 20% du patrimoine national, avec seulement 4% de l’effectif national. C’est là où réside le problème. Notre unité gère 198 stations de pompage pour une production journalière de 250 à 300 000 m3/jour, soit une dotation journalière de 200 à 220 l/j par habitant». Le directeur ira plus loin en révélant que les dépenses d’énergie avoisinent les 6 à 7 DA par m3 d’eau produit, le coût de revient d’un M3 d’eau étant en réalité de l’ordre de 40 DA. La trésorerie de notre unité est tellement grevée par les dépenses en énergie électrique que nous sommes en rupture de paiement avec la Sonelgaz». M. Berzouk précisera : «Nous gérons un porte-feuille-clients de 275 000 abonnés. Les créances de notre unité ont atteint 1 600 000 000 DA». S’agissant des contraintes rencontrées par l’ADE, Amar Berzouk signalera : «Nous faisons face à des vols, à des actes de sabotage sur les organes de gestion, aux piquages pirates, à un grand manque de moyens humains et matériel et au refus des APC et des administration de s’acquitter de d’anciennes créances». Au sujet des recommandation préconisées, le directeur dira : «En premier lieu, l’institution de cellules de veille au niveau des daïras, puis le recensement des points noirs et leur prise en charge, le renforcement de la présence sur le terrain de l’ADE, l’élaboration d’arrêtés d’interdiction d’arrosage par les APC, le renforcement des brigades d’hygiènes et la généralisation de la pose des compteurs. Il faut aussi que le consommateur fasse preuve de plus de civisme». Le débat fut ensuite ouvert aux élus, qui n’ont pas manqué de revenir à la charge pour dénoncer la pénurie d’eau, la mise à mal de l’Oued du Sébaou par le pillage de son sable et le retard accumulé dans plusieurs projets du secteur de l’eau. D’autres élus sont montés au créneau pour parler du secteur de la santé, du tourisme, de l’environnement, de l’insécurité, des réfugiés et des ponctions sur salaires des communaux… Le wali a dû user d’un discours apaisant pour, dira-t-il, «aller de l’avant et faire sortir la wilaya de son sous-développement».
Les mises au point du wali
Le wali, visiblement exaspéré, dira d’emblée : « J’aime bien que les choses soient dites, mais qu’elles soient dites d’une manière mesurée. Personne n’est venu pour détruire, nous sommes là pour construire et servir la wilaya. Il est interdit à tout un chacun de nuire à la wilaya ». Au sujet des ponctions sur salaire des communaux, Bouderbali déplorera : «Un travail non fait ne doit pas être rémunéré. Personne n’est contre le droit à la grève, mais quand c’est répétitif, 5 jours par mois, que faire ? 28% du personnel n’assurent pas leur travail. C’est inadmissible ! Le droit à la grève est consacré par la loi, mais dans un cadre organisé». Concernant l’oued Sébaou, le wali reconnaitra : «Ce qui est arrivé est déplorable, désastreux, un acte criminel. Toute l’oued ne suffira pas à assurer l’alimentation de toute la wilaya en eau, il faut des barrages et la mobilisation de toutes les ressources». Pour ce qui est du secteur de la santé, le wali fera remarquer : «Certes, il y a du manque, il y a des lacunes, mais la situation n’est pas aussi dramatique qu’elle n’est présentée par certains. Des malades viennent de tout le territoire national pour se soigner à Tizi-Ouzou, la raison est toute simple : c’est parce que les prestations sont de qualité et le secteur est performant. Nous devons toutefois agir pour améliorer davantage le secteur. La clinique Sbihi vit une situation difficile, notamment à cause de l’exiguïté, c’est pour cela que nous insistons auprès du ministère et du gouvernement pour dégeler le projet d’une clinique mère-enfant». Au sujet de l’environnement et de ceux qui réclament une police de l’environnement, le wali répondra : «On ne peut pas mettre un policier derrière chaque citoyen. La responsabilité est celle de tous. Les responsables, les élus, mais aussi les citoyens, doivent s’impliquer dans le domaine. 3000 verbalisations relatives à l’environnement ont été dressées, mais la situation ne s’améliore pas pour autant». Pour ce qui est de l’emploi et du chômage, le wali notera : «Pour les bénéficiaires du pré-emploi, les employés dans le cadre DAIP, DAIS… leurs contrats seront prolongés jusqu’à la fin de l’année et il y aura sûrement une décision nationale à partir de 2018». Revenant aussi sur les actions de rue et les fermetures des axes routiers, le premier responsable de la wilaya dira : «Personne n’a le droit de couper la route à des milliers de citoyens, à des malades, à des dialysés et à des cancéreux. C’est vrai que les protestataire ont des droits légitimes, mais ils ne doivent pas utiliser des moyens illégitimes. Ces comportement sont criminels». Le wali a aussi parlé de l’université et de la sécurité en générale au niveau de la wilaya : «J’ai reçu plusieurs comités d’étudiants au cabinet, je les ai écoutés. C’est vrai que la situation est déplorable, mais nous ne sommes pas restés les bras croisés. 190 millions de dinars ont été investis pour sécuriser l’enceinte universitaire. La gestion était chaotique, nous avons pris les devants pour aller de l’avant. Concernant la sécurité des personnes et des biens au niveau de la wilaya, il faut savoir que 18 structures de sécurité sont en cours de réalisation. D’ici la fin de l’année ou le début de l’année prochaine, plusieurs structures seront ouvertes et la sécurité s’améliorera». Quant aux réfugiés, le wali reconnaitra : «Le problème est sérieux, il faut le prendre en charge. Au niveau de notre wilaya, nous avons un site que nous allons mettre à la disposition des réfugiés pour les accueillir dans de meilleures conditions. Toujours est-il que le problème est d’ordre national, donc la solution ne peut être que nationale».
Compte rendu de Hocine T.

