«La wilaya génère 560 t de déchets ménagers par jour»

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Le directeur de l’environnement de la wilaya de Bouira, M. Mohamed Benabed, explique dans cet entretien la difficulté d’allier croissance et préservation du cadre champêtre et bucolique légué par Dame Nature. Il fait aussi le tour d’autres questions ayant trait à son secteur.

La Dépêche de Kabylie : Peut-on dire que la collecte des déchets est assurée convenablement à travers la wilaya ?

Benabed Mohamed : Avant tout, je voudrais préciser que la wilaya de Bouira est caractérisée ces dernières années par son attractivité, notamment dans le domaine du développement multisectoriel, avec un boom en matière d’industrie. Sur le plan environnemental, nous avons une grande partie du Parc National du Djurdjura, mais également la partie sud qui sont un environnement riche de par leurs faunes et leurs flores. Avec le développement, nous connaissons des répercussions que nous essayons d’atténuer le plus possible. Ces dernières sont dues au développement industriel et au développement de la population. Ainsi, nous devons prendre en charge toutes les préoccupations liées aux impacts négatifs de ce développement. À l’instar des autres wilayas, et ce depuis plus d’une décennie, le gros défi relevé en matière environnementale s’est fait sur la gestion des déchets. Avec la mise en place d’un budget équipement au profit du secteur de l’environnement, dans le plan qui a débuté au début des années 2000, et avec le programme de soutien à la relance économique (PSRE) engagé par le président de la République, le secteur de l’environnement a pu se développer. Le premier problème auquel on s’est attaqués était, donc, la gestion des déchets, car nous n’avions pas d’infrastructures pour traiter ces déchets. Depuis 2001, la wilaya de Bouira a pu bénéficier d’un certain nombre de projets et de programmes pour éliminer ces déchets. Aujourd’hui, il existe sept infrastructures de traitement des déchets, judicieusement réparties à travers le territoire de la wilaya, dont cinq centres d’enfouissement technique (CET) intercommunaux et deux décharges publiques contrôlées, intercommunales également. À ceci s’ajoute une déchetterie industrielle à Sour El Ghozlane et deux projets de centres de tri, un à Ahnif et l’autre à Aïn Bessem. En plus de ce programme dédié à la gestion des déchets, il y a eu la réalisation du siège d’un parc urbain y attenant, qui suscite l’intérêt et nous avons, depuis, fait l’acquisition d’équipements. Nous avons ainsi réussi à prendre en charge 31 communes sur les 45 au niveau des cinq CET. En perspective, nous avons également deux autres communes, à savoir El Khebouzia et Raouraoua, qui seront rattachées au CET de Sour El-Ghozlane, ce qui portera le chiffre à 33 communes. Actuellement, nous avons 586 000 habitants, dont les déchets sont pris en charge dans ces infrastructures, soit 70% de la population de la wilaya. Le taux sera bien sûr revu à la hausse avec les deux autres communes qui seront incluses prochainement.

Les communes de Saharidj, Aghbalou et Lakhdaria souffrent toujours de la problématique de la collecte des déchets en l’absence d’un CET. Qu’en est-il réellement?

Sur les chiffres que je vous ai présentés, on remarque que le déficit est enregistré sur la zone de montagne. Nous avons une grande partie de la wilaya constituée par la région Nord-ouest avec la zone de Lakhdaria et une partie de la zone de montagne Est de la wilaya avec les communes que vous avez citées. Il y a Aghbalou, Saharidj et aussi Ath Leqsar qui ne sont pas couvertes par les CET. C’est le cachet montagneux de ces régions qui nous pose des difficultés pour trouver des sites. Pour rappel, le secteur a bénéficié de deux opérations pour la réalisation de deux décharges, une à Aghbalou et l’autre à Lakhdaria, qui malheureusement font l’objet de mesures de gel. Ces deux infrastructures ont été planifiées pour prendre en charge les communes de la partie Ouest de la wilaya et la partie Est. Des choix de terrains ont été faits, même si au départ il y a eu des oppositions de citoyens riverains, auxquels on a expliqué que ces infrastructures répondent aux normes et qu’elles ne sont pas nuisibles, toutefois pour Selloum, une solution palliative a été trouvée, qui consiste en l’acheminement des déchets vers le CET d’Ahnif. Pour Saharidj, nous avions prévu sa prise en charge par le CET d’Ahnif, mais la commune bute sur un problème de transports et ne dispose pas de moyens adéquats et suffisants pour évacuer ses déchets.

Quelles sont les quantités de déchets générées au quotidien à travers la wilaya ?

Si l’on part sur un ratio admis, c’est-à-dire en Algérie, nous nous situons à 0,7 kg par habitant et par jour. C’est une moyenne, mais il faut faire une distinction entre la zone urbaine et la zone éparse. À Alger par exemple, le ratio se situe entre 0,8 et 1 kg par habitant/jour. Ainsi, selon le ratio, pour l’ensemble de la wilaya de Bouira, vous prenez 800 000 habitants et vous le multipliez, cela donnera quelque chose comme 560 tonnes/jour, mais cela fluctue, ce n’est qu’une moyenne. Pour la population raccordée, nous avons 410 tonnes/jour qui sont pris en charge par les infrastructures CET et décharges.

Et les 150 tonnes de déchets restants ?

Le reste des déchets se retrouvent au niveau de certaines décharges publiques contrôlées et pour d’autres non.

C’est là un chiffre ahurissant ?

Non, cela peut paraître énorme mais pas par rapport à d’autres wilayas. Si on relativise un peu, Bouira est bien lotie avec cinq CET et deux décharges et 70% de la population qui voit le traitement de ses déchets assurés. Prenez par exemple la wilaya de Béjaïa, à ce jour, il n’y a aucun CET. Le seul CET a fait l’objet d’une opposition. C’est vrai, pour Bouira l’idéal serait de couvrir les 45 communes, et nous œuvrons pour cela, mais nous nous heurtons à l’indisponibilité de terrains publics car dans certains territoires, la propriété privée est dominante. Je signale que dans la problématique de la gestion des déchets, tous ces projets sont accompagnés par les projets de deux grandes unités de tri, qui sont celles d’Aïn Bessem et d’Ahnif. Pour Ahnif, l’unité est pratiquement achevée et elle est en phase d’essai. Elle devrait être opérationnelle au cours de cet été. Quand à celle d’Aïn Bessem, le génie civil est achevé et nous attendons les équipements qui seront importés.

Une fois donc mis en service, ces centres pourront revendre les matériaux issus du tri effectué ?

Ces centres seront gérés par l’entreprise Nadhif, une EPIC qui procède déjà à la commercialisation des produits recyclables (Plastique, PEBD, PEHD, carton, papier, canettes, aluminium…), toutes les matières appelées à avoir une seconde vie. Ces investissements ont été réalisés sur concours définitif de l’État. L’environnement à un coût, la gestion des déchets n’a pas de prix mais elle a un coût. Il faut valoriser tous les frais induits. Un autre chantier a été ouvert, c’est celui de la taxation. Il s’agit d’une prestation pour laquelle les citoyens, les entreprises ou même les institutions doivent s’acquitter en contrepartie. L’État ne peut plus assumer indéfiniment les frais occasionnés par la gestion des déchets. Pour le moment, le coût est insignifiant. Pour les ménages, de 2002 jusqu’à 2015, c’était 500 DA par année, c’est-à-dire 1,70 dinar/jour pour que les déchets soient balayés, transportés, évacués et traités au niveau d’un CET. Il y a eu la revalorisation de ce montant et cette taxe tourne aujourd’hui autour de 1 000 et 1 500 DA par foyer et par an. Hélas, au niveau du recouvrement de cette taxe, le taux n’est pas vraiment important, et même les chiffres au niveau national sont insignifiants. Ces derniers mois, la wilaya de Bouira en a fait son cheval de bataille pour dynamiser les ressources et les recettes communales sur tous les fronts, dont notamment le recouvrement de cette taxe de prélèvement des ordures ménagères (TOM) auprès des ménages, des commerces et des industries. Vous savez, un CET a une durée de vie d’exploitation de 15 à 20 ans, ensuite le site est fermé de manière écologique et on est tenu d’aller vers un autre site. Pour cela, il est impératif de réduire nos déchets, car même si le tri prend entre 15 et 20% des déchets récupérés au lieu de traitement, on doit toutefois accroître cette tendance. Cela parait minime car le tri en amont ne se fait pas dans nos agglomérations. Il s’agit là d’un autre chantier que l’on doit mener. Comment trier le déchet à la source ? Il faut différencier les bacs à ordures et c’est un défi, car on commence à ressentir ce frémissement. On doit commencer par renforcer les équipements avec les bacs de collecte pour le tri de différentes couleurs, pour permettre d’y entreposer les matières en plastique, verre, fer, carton… mais accompagné d’un grand travail de sensibilisation auprès des citoyens. Il faut savoir que le gros des déchets est issu des ménages comparé aux industries. Nous avons des déchets industriels, des déchets inertes comme la terre excédentaire, gravats, rebus de construction qui enlaidissent nos paysages, nos routes, nos oueds… Pour mettre un terme à ces pratiques, il faudrait mettre à la disposition des collectivités locales des sites pour entreposer ces déchets et d’ailleurs, nous sollicitons les APC afin de cibler des sites pour ce faire. Il faut un sursaut écologique dans la conscience de tout un chacun. C’est bien beau de prendre soin de son intérieur et balayer le pas de sa porte, mais il faut le faire dans son environnement également. Le sachet de détritus que l’on pose devant sa porte, il faudrait que les gens sachent tout le chemin qu’il va parcourir avant d’être partiellement éliminé, avec ses conséquences et ses impacts irréversibles en fin de chaîne.

Entretien réalisé par Hafidh Bessaoud

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