«La meilleure stratégie c’est la prévention»

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Le colonel Brahim Mohamadi revient dans cet entretien sur les derniers feux ravageurs d’Aït Yahia Moussa. Il parle des mesures prises, des moyens dont dispose la Protection civile dans la wilaya et de sa stratégie de lutte contre les incendies.

La Dépêche de la Kabylie : La wilaya a connu une nouvelle série d’incendies très importants ces trois derniers jours. Peut-on savoir où en est la situation ?

Colonel Mohamadi Brahim : Je tiens d’abord à souligner qu’habituellement, les grands feux surviennent en fin de saison. Mais cette année, la wilaya a connu une grande canicule du 11 au 15 juillet. Ce fut une période critique. Dès que nous avons reçu le message météo, la wilaya à instruit toutes les daïras pour se mettre en alerte. Nous avons pris toutes nos dispositions. La première journée, nos équipes ont été appelées en renfort pour un important feu à Timezrit, dans la wilaya de Boumerdès. Mais avec l’importance qu’a prise l’incendie d’Aït-Yahia Moussa et la multiplication des départs de feux ce jour-là près d’une soixantaine, nous avons été contraints de rappeler nos équipes de Timezrit. Le feu n’a pu être maîtrisé que durant la nuit. C’était cette journée-là que la perte humaine a été enregistrée. C’est l’enquête qui déterminera les réelles circonstances de ce drame, néanmoins, je dois dire que la mobilisation a été générale. Dans les premiers moments de tout sinistre, la priorité est de sauver les vies humaines. Au deuxième jour, nous fûmes confrontés à un embrasement. On ne sait pas si c’était une reprise ou un nouveau départ de feu. Certes, sur place, nous avons gardé un camion à Aït-Rahmoun, mais au moment où on allait intervenir sur un autre flanc, le feu a repris des plus belles au centre d’Aït-Yahia Moussa, porté par un vent chaud et violent, ce qui a permis aux flammes de se propager très rapidement.

Lors de cet épisode justement, certains ont accusé votre corps de défaillance. Qu’en dites-vous ?

C’était une gestion d’urgence d’une catastrophe et cette dernière ne nous a pas laissé le temps de prendre toutes les dispositions nécessaires. Le temps d’envoyer les renforts et de mobiliser les autres engins, et le feu s’était déjà propagé. Une mobilisation rapide s’est faite par le biais du comité opérationnel de daïra. Le chef de daïra a été appelé en urgence, il a mobilisé tous ses moyens. Nous, la Protection civile, nous sommes juste un partenaire et notre matériel est destiné aussi pour d’autres missions que nous gérons. Les véhicules de la protection civile interviennent aussi pour les accidents et pour gérer les feux urbains. Et la part de la gestion des feux de forêts a été faite d’une manière coordonnée avec les autres éléments. Les déclarations du président de l’APC, selon lesquelles il était seul, ont créé une panique générale chez les citoyens. C’est pourquoi ils ont ressenti ce qu’ils jugent comme une défaillance de notre part. Mais le maire devait le savoir, il n’était pas seul, il y avait du monde avec lui, c’était la mobilisation enclenchée par le plan ORSEC. Ce qui a permis de mobiliser aussi les militaires cantonnés sur place pour évacuer et protéger la population. On a privilégié la protection du lycée, de la ville, de la population et les villages qui étaient menacés. C’était une montée graduelle du dispositif. Nous avons travaillé avec les moyens disponibles sur place dans un premier temps, avant de demander des renforts.

Les moyens étaient suffisants ?

Dans notre gestion des risques courants, on a un matériel courant. On gère avec le risque courant. Il y a une réglementation et une structuration pour ça. Pour la gestion des risques exceptionnels, et c’était le cas pour cet épisode dont nous parlons, notre organigramme de gestion stipule que lorsqu’il y a un risque exceptionnel, il faut la mobilisation des moyens de la wilaya avant de recourir aux moyens des autres wilayas. C’est ce qui a été fait. Certes, l’arrivée des renforts des wilayas limitrophes a pris du temps, mais c’est normal, car entre l’appel aux renforts et leur arrivée, il y a des procédures et des trajets à faire. Il faut souligner aussi que nous avions laissé une partie de notre flotte dans la base, pour assurer l’intervention en cas de sinistres urbains. Pour gérer 57 départs de feux, dont 20 étaient menaçants, tous les moyens de l’Algérie ne suffisent pas.

Depuis, y a-t-il eu des décisions ou des mesures spécifiques qui ont été prises pour remédier aux manques et améliorer votre gestion future de ce genre de catastrophes ?

Nous devons être sincères avec les gens, nous ne pouvons leur assurer qu’il n’y aura plus de sinistres pareils à l’avenir. Ce que nous devons faire, c’est nous adapter aux risques, c’est notre devise dans la gestion des risques, que ce soit la population ou les autorités. La décision du ministre de l’Intérieur et des Collectivités locales, Nordine Bedoui, de renforcer la wilaya par deux nouvelles colonnes mobiles va améliorer sensiblement notre performance. Le dégel progressif des onze postes avancés est une autre décision qui renforcera nos capacités à faire face à de tels sinistres. Il faut savoir qu’actuellement, les seize unités dont nous disposons nous permettent un taux de couverture de 65%. Avec ces onze postes qui vont donc être relancés, nous allons rapprocher les moyens par apport aux risques, au niveau des communes. La couverture sera plus efficace.

Quelle est votre stratégie de lutte contre les feux de forêts pour le reste de la saison ?

Nous allons continuer à travailler avec le même élan, mais la meilleure stratégie de gérer les feux de forêts, c’est la prévention. Les mesures, nous les avons exposées à la commission de wilaya : nettoiement et l’éradication des décharges incontrôlées et des décharges sauvages, un travail de sensibilisation avec les comités de villages, le désherbage, etc. Ce sont des pare-feux extraordinaires. Pourquoi, par exemple, ne pas intégrer le paramètre de protection du village dans le concours du village le plus propre ?

Selon vous, quelles sont les causes des feux dans la wilaya de Tizi-Ouzou ?

Il y a beaucoup d’hypothèses, mais moi je dirai, par expérience, qu’à 99% c’est le facteur humain, c’est l’imprudence et la négligence de l’être humain. C’est très rarement l’effet de bouts de verre ou autres.

Entretien réalisé par Kamela Haddoum.

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