«Nous ne pouvons pas tous être des Aït Menguellet, Chérif Khedam ou Akli Yahiatène, mais ces grands maîtres de la chanson kabyle, et d’autres encore, ont tracé la voie à notre génération». C’est l’une des confessions du chanteur kabyle Moh Dehak, avec lequel nous avons eu un long entretien dans un café, aux alentours de la ville d’Ulis, dans le département de l’Essonne, en France. «Rien de plus conforme à ma nature que l’activité artistique», dira tout de go cet enfant d’El Adjiba, engagé dans la chanson depuis 1999, alors âgé de 23 ans. Cinq ans plus tard, il débarqua dans l’Hexagone où il a d’abord résidé au cœur de la capitale, avant d’élire domicile au centre urbain d’Ulis. S’étant fait remarquer dans sa région natale, d’abord au collège, puis au lycée, de nombreux enseignants l’ont encouragé à persévérer. Par la suite, il fut très sollicité pour animer des fêtes de mariages, notamment. «Ce furent de beaux moments d’échanges avec le public», s’est-il rappelé, avec nostalgie. En quatorze ans, Moh Dehak a déjà produit 14 albums. Soit un enregistrement chaque année, d’une dizaine de chansons. Les principaux thèmes de l’artiste sont la société, l’amour, l’émigration et les vicissitudes de la vie d’une manière générale. «Akhdhigh lehmoum our dhiyikhdhane, el ham idhi noudhan a zahriou amchoum an dara akdafagh e doua» (J’évite les soucis, mais les soucis viennent à moi, malchanceux je cherche éperdument un remède), dit-il dans une de ses chansons. A-t-il trouvé le remède ? Il n’en parait guère convaincu. «Iferkagh Rabi our namouth, thirga thousad m’khalfa» (Dieu nous a séparés, alors que nous sommes encore en vie, le rêve, hélas, ne fut pas réalisé), dit-il encore. Mais dans cette optique, il tient à avertir «la partenaire» manquant de sincérité : «Ougadhagh, oula edh kemini thagara em-thakhsar» (Je crains que la fin, pour toi aussi, n’en sera que plus mauvaise). Très douloureuse est aussi celle de l’émigrant qui quitte son pays. Notre artiste décrit aussi cet exil forcé pour la recherche d’un mieux-être social, sous d’autres cieux. L’artiste, lui aussi, est en quête, et pour cause, de pays où l’on respecte la culture, «car chez nous, et jusqu’à une date très récente, il n’y avait pas de statut proprement dit», a-t-il tenu à expliquer, tout en sirotant son café. Et d’enchaîner : «La chanson nous fait néanmoins revivre, puisqu’elle nous permet de transcender nos souffrances et rebondir». Selon la vox populi, l’art de Moh Dehak émane des tréfonds de son être. Les morceaux de musique qui accompagnent ses paroles mettent systématiquement votre corps en mouvement. Certains de ses centaines de fans ont reconnu, en substance, à travers les réseaux sociaux, que Moh Dehak a la magie du verbe. Lui, fier surtout de sa Kabylie, confie qu’il est toujours prêt «à imprimer la joie» dans le cœur de ses auditeurs. Il promet que 2 nouveaux albums sortiront au mois d’Avril prochain.
Salim Haddou.

