Deux ans avec sursis, pour l’aveugle ayant tué un attardé mental

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Cette affaire unique en son genre s’est déroulée dans un village de la commune de Makouda le 12 du mois de février 2005, lorsque Ahmed.R, un aveugle de naissance âgé de 51 ans et père de quatre enfants a tabassé à mort, sans s’en rendre compte, le dénommé Rabah B. attardé mental, qui aurait provoqué l’agression.Selon l’arrêt de renvoi, les éléments de la sûreté de daïra de Tigzirt, informés par le P/APC de Makouda,ont trouvé le corps de la victime R.B, gisant dans une mare de sang. Les premières investigations sur les lieux ont permis d’identifier le présumé «meurtrier», admis en même temps à la clinique pour les premiers soins, avant d’être transféré à l’hôpital de Tizi ouzou. Le signalement indiquait qu’il avait toujours l’arme du crime : une hache, et des ecchymoses au niveau de la tête. Il s’en est sorti avec une incapacité de travail de dix jours.L’accusé s’est présenté ensuite avec les membres de sa famille à la sûreté de daïra avec l’arme du crime.L’auteur n’a pas changé sa version durant toutes les phases de l’interrogatoire. Hier, il a déclaré devant le jury que «le jour sus-indiqué, de retour de chez l’épicier où j’avais acheté du lait, j’ai senti que quelqu’un me poursuivait. Tout à coup, j’ai reçu plusieurs coups avec un objet solide». Blessé et perdant son sang, l’aveugle a riposté avec sa canne blanche en frappant dans tous les sens. «Dans la foulée j’ai pris l’objet, par lequel j’ai été agressé, et sans savoir qu’il s’agissait d’une hache, j’ai continué à frappé». Ce à quoi le procureur a fait objection, en soutenant que l’auteur savait bien qu’il s’agissait d’une arme blanche en touchant l’acier de la hache.Un témoin oculaire a conforté la version de l’accusé. A.Djamila a déclaré au tribunal qu’elle n’a pas vu la scène,mais avant qu’elle ne se produise, elle avait remarqué que la victime munie d’une hache, suivait l’accusé. «Prise de panique, j’ai fui et fermé la porte de ma maison derrière moi. Quelques minutes plus tard, j’ai entendu des cris»,et d’enchaîner : «j’ai trouvé A.R, portant une hache maculée de sang».Les sœurs de la victime ont affirmé qu’il y avait un différend entre leur défunt frère et l’accusé, «ils se sont déjà disputés», diront-elle au président de l’audience.Le procureur de la République qui a requis une peine de douze ans de prison ferme, a souligné que l’intention criminelle existe, puisque les conclusions de l’enquête indiquent que l’auteur a bien reconnu l’objet. «L’auteur voulait mettre un terme à la vie de son agresseur». Le rapport du médecin légiste indique selon le représentant du ministère que la victime a reçu plusieurs coups au niveau de la tête et un sectionnement de deux doigts à la main droite.Un réquisitoire qui a été anéanti par la plaidoirie de la défense,assuré par Me Chellat qui a plaidé pour de larges circonstances atténuantes. «Ce qui s’est passé est dramatique, mais A.R. a-t-il une responsabilité criminelle ?. d’autant plus que l’affaire est un cas exceptionnel en matière criminelle», soutient-il.«Mon client n’a pas changé de déclaration, ce qui prouve qu’il est honnête», a-t-il renchéri, avant d’accabler le parquet qui a retenu, au départ la charge d’homicide volontaire, «imaginez-vous M. le président un aveugle poursuivi par le parquet pour homicide volontaire ?». A. R. est aveugle de naissance, «et il ne savait même pas qui il avait agressé et pourquoi l’avait t-on agressé, d’ailleurs il s’en est sorti avec huit points de suture», ajoute, Me Chellat. La défense estime qu’il s’agit d’un cas spécifique de légitime défense, «un homme ordinaire aurait réagi de la même façon, qu’en est-il alors d’un aveugle ?» S’interrogeait-il. A ce titre Me Chellat a demandé de larges circonstances atténuantes, prenant en considération la situation sociale de l’auteur.Une demande qui a été accordée par les magistrats qui ont appliqué dans cette affaire, les termes de l’article 277 du code pénal relatif au droit de répondre à un danger imminent ou une agression.Même si le jury a répondu par «oui» à la question de savoir si l’accusé est coupable du délit de coups et blessures volontaires ayant entraîné accidentellement la mort, il a en quelque sorte ôté le caractère criminel, en prenant en considération l’état de l’accusé : aveugle de naissance et de sa situation sociale.

M.Ait Frawsen

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