À chacun son réveillon !

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Ces dernières années, beaucoup de citoyens de la wilaya de Bouira fêtent la fin d’année chez eux, ou en organisant des sorties dans des établissements spécialisés ou des voyages même à l’étranger.

En famille ou en groupes d’amis, les citoyens de la wilaya donnent de plus en plus d’importance au réveillon de fin d’année. De nombreuses familles fêtent désormais la Saint-Sylvestre, malgré la grande polémique entre «Hallal» et «Haram» qui refait surface chaque année durant cette période, particulièrement sur les réseaux sociaux, où les internautes se divisent entre ceux qui tolèrent et ceux qui sont catégoriquement contre. Lors d’une virée hier matin au centre-ville de Bouira, les rues de la ville étaient très encombrées et les magasins pleins de clients, notamment de familles sorties profiter du soleil et du beau temps qui faisait pour faire leurs courses, en préparation à la fête de fin d’année.

Fêter Noël à Bouira, un tabou qui tombe progressivement

À Bouira ville, beaucoup de signes montrent que de nombreuses familles fêtent ouvertement le nouvel an chez eux. En effet, les magasins de décoration et de pâtisseries affichent déjà une hausse des ventes, et les produits les plus demandés restent les sapins artificiels, les décorations et aussi les pâtisseries et les fameuses bûches. Pour les décorations, les prix varient en fonction de la qualité et de la nature de l’article. Ainsi, des petites boules colorées et des chapeaux en papier gommé sont proposés à 150 DA l’unité, un renne en bois à 5 500 DA et des coffrets de paillettes à 1 700 DA : «Nous avons pratiquement épuisé nos stocks d’objets de décoration. La demande en guirlandes, boules colorées, étoiles et petits personnages est relativement élevée ces jours-ci», constate un vendeur dans un magasin de décoration de la Rue Abane Ramadhan du centre-ville. Notre interlocuteur précise que la clientèle est majoritairement des jeunes couples ou des familles. Pour répondre à la demande de la clientèle, le même magasin a prévu un arrivage de sapins de Noël artificiel, spécialement commandé de France: «Sur le marché local, il est très difficile de trouver des sapins de Noël, malgré une demande sans cesse grandissante. C’est justement pour satisfaire la demande de nos clients que nous commandons, chaque année, des sapins de France, qui nous sont livrés durant les dix premiers jours du mois de décembre. Nous travaillons avec des commandes et nos stocks sont souvent épuisés. Les prix varient selon la taille et la qualité du sapin, c’est entre 12 000 et 25 000 DA l’unité». Cet engouement particulier pour les décorations de Noël démontre que depuis quelques années, la célébration des fêtes dites «chrétiennes» n’est plus l’apanage d’une minorité ou d’une certaine classe «huppée» de Bouira. Ils sont, en effet, nombreux ces Bouiris qui marquent cet événements sans complexe et en famille, notamment en adoptant le même rituel qu’à Madrid, Paris ou New York. Katia, cette jeune maman de deux garçons, le confirme et le dit sans a priori : «C’est comme pour les fêtes religieuses musulmanes que nous célébrons sans faute, nous avons toujours fêté Noël en famille et sans aucune arrière-pensée religieuse», affirme-t-elle. «C’est une habitude que j’ai eu chez mes parents avant même mon mariage. Aujourd’hui, je fête le nouvel an avec mon mari, mes enfants et mes beaux-parents. Cette année encore, j’ai fait sortir du placard le sapin de Noël que j’ai acheté il y a deux ans pour la somme de 10 000 dinars. C’est surtout pour faire plaisir à mes enfants et à mon mari que je fais ça. Ils sont très contents de recevoir leurs cadeaux ramenés spécialement par le père Noël himself», ajoute-t-elle avec un sourire ironique. Contrairement à Katia qui ne lésine pas sur les moyens pour faire plaisir à ses enfants, certains Bouiris se positionnent contre ces habitudes «importées» de l’étranger. «Noël ce n’est pas fait pour nous les Musulmans», nous répond ce jeune vendeur d’objets de décoration à Bouira, avant d’ajouter : «Nous avons nos fêtes, ils ont les leurs !» souligne-t-il. Un avis qu’il partage avec son ami qui, paradoxalement, n’hésite pas à fêter le réveillon et à manger un morceau de la bûche de Noël. Dans les rues de Bouira, particulièrement à l’ancienne ville, ces habitudes «venues d’ailleurs» sont pourtant bien visibles. Si certaines pâtisseries se contentent de quelques guirlandes accrochées sur les vitrines, de sabots et de papas Noël en chocolats fabriqués pour la circonstance, et aussi de la bûche, au grand bonheur des amateurs de friandises surtout les enfants, d’autres, notamment les plus grands magasins et les grandes surfaces, en font des promotions spéciale «fin d’année». Comme c’est le cas pour cette grande pâtisserie de la Rue de France, très connue et très prisée pour ses spécialités à Bouira et dont les gérants ont carrément transformé le magasin à cette occasion, notamment en installant un grand sapin de Noël juste à l’entrée et d’autres décorations à l’intérieur. Selon l’un des gérants, pas moins de 450 commandes pour l’achat de bûches ont été faites chez lui depuis le 15 décembre dernier, et actuellement les clients «retardataires» continuent à affluer pour faire les commandes. Notre interlocuteur affirme que les prix varient entre 3 500 et 9 000 DA, suivant la qualité de la bûche, les goûts et la décoration : «Je ne pense pas qu’on pourrait satisfaire cette forte demande, surtout pour aujourd’hui (samedi ndlr). La fabrication d’une bûche demande beaucoup de temps et d’efforts, surtout si la commande est personnalisée. Certains clients prennent des gâteaux ou des tartes par défaut de bûche», a-t-il assuré.

Voyage à l’étranger, soirée entre amis ou rester chez soi

Parmi les personnes interrogées lors de notre virée d’hier, beaucoup de gens nous ont déclarés qu’ils comptent passer la soirée du réveillon à l’étranger ou dans des établissements touristiques nationaux, qui proposent des animations ou des soirées, alors que d’autres par contre préfèrent le fêter chez-eux en compagnie de leurs familles et de leurs proches. La fête de fin d’année est aussi une bonne opportunité de travail pour les nombreuses agences de voyages de Bouira, qui proposent de différentes formules de voyages, notamment à l’étranger. En effet, les annonces pour des voyages de fin d’année pullulent sur leurs vitrines et même sur les murs de la ville. Il y en a pour tous les goûts, mais surtout pour toutes les bourses. Comme pour les vacances d’été, la Tunisie, la Turquie et le Maroc sont les destinations phares du moment. Toutefois, contrairement aux vacances d’été, de nouvelles destinations s’imposent et sont de plus en plus prisées par les clients des agences de tourisme. Il s’agit de Tikjda et du Sud algérien. Selon un gérant d’une agence touristique privée à Bouira, la destination Tunisie reste la plus demandée par sa clientèle, en raison des prix attractifs et moins chers comparativement à d’autres pays. Cependant et toujours selon notre interlocuteur, les destinations vers Tikjda et le Sud algérien sont de plus en plus demandées et se placent désormais en seconde position directement derrière la destination tunisienne. Le problème qui se pose chaque année pour ces destinations bien «nationales», est le nombre très limité des places proposées par les établissements touristiques : «La Tunisie reste l’endroit incontournable, bien évidemment, à cause des prix affichés. Avec 35 000 DA, vous pouvez vous rendre en Tunisie et passer le réveillon de la Saint-Sylvestre en famille ou entre amis. Jeunes et familles optent pour cette destination, non seulement à cause des prix attrayants qu’elle affiche, mais aussi à cause du fait qu’elle soit accessible par route. Cela revient beaucoup moins cher aux familles et aux jeunes d’aller en voiture, par bus ou par taxi que de payer un billet d’avion. Beaucoup de nos clients optent, aussi, pour les destinations algériennes. Le tourisme national renait peu à peu de ses cendres, et les prix et programmes proposés sont très compétitifs comparativement à ceux proposés à l’étranger. Le seul problème pour nos établissements touristiques reste le manque de place. Par exemple et pour le programme du réveillon à Djanet, au Sud algérien, nous avons clôturé les réservations dès le 1er décembre, en raison du nombre très limité des places prévues», affirme notre interlocuteur. Diverses formules à des prix variant entre 35 000 DA et 90 000 DA sont proposées par les agences de Bouira qui en ont fait leur spécialité. Beaucoup de citoyens ont, en effet, réservé pour passer le réveillon en Turquie, au Maroc, en France ou à Dubaï. Des pays qui disposent d’atouts importants pour pouvoir attirer les touristes algériens, à l’image d’une qualité de service irréprochable, d’hôtels de luxe et d’animations diversifiées : «Six jours en demi-pension dans un hôtel quatre étoiles, avec billet d’avion compris pour 90 000 DA. On a eu de très bons prix avec nos partenaires de Dubaï qui cassent les prix pour attirer de plus en plus d’Algériens. L’Espagne est la destination de tous ceux qui ont un visa Schengen. Le prix de l’hébergement en Espagne est comparable à celui de la Tunisie. Cela sans parler des prix des repas, qui sont très abordables, tout comme les billets d’avion qui commencent à partir de 32 000 DA pour diverses villes du pays», fait savoir la directrice d’une autre agence de voyage privée de Bouira. Si beaucoup de citoyens préfèrent passer la fête de fin d’année à l’étranger ou à l’extérieur, une autre catégorie a choisi de passer le réveillon en famille. Par choix ou par manque de moyens. Des dîners en famille seront organisés. Avec au programme, festin et longues discussions jusqu’au bout de la nuit : «Le dîner du nouvel an est une occasion pour réunir notre grande famille. Chaque année, nos cousins, oncles, tantes et proches viennent passer cette soirée chez nous. Des fois, des cousins immigrés viennent aussi et spécialement pour partager avec nous ces moments. À l’occasion et pour cette année, on organisera un barbecue et on profitera des moments en famille. La bûche c’est moi-même qui la prépare à la maison», nous explique Thiziri, une jeune étudiante de Bouira. Chacun selon ses moyens et selon son programme, les citoyens de Bouira fêteront la fin de l’année 2017 dans l’espoir d’une bonne nouvelle année et aussi pour bien entamer 2018.

Oussama Khitouche

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