Après un demi-siècle de lutte acharnée, tamazight a été consacrée langue officielle il y a de cela 2 ans. Un acquis indéniable en attendant sa consolidation par la création d’une académie pour sa promotion. Cette dernière est promise pour le premier semestre de l’année en cours et toutes les discussions tournent autour de cette institution, sa composante, ses tâches, notamment celle qui fait couler beaucoup d’encre : le choix du caractère de sa transcription. Certains, pourtant, assurent que la question est tranchée et ne devrait même pas se poser. C’est le cas de M. Halouane Hacène, enseignant à l’université Mouloud Mammeri de Tizi-Ouzou, pour qui «cette question est un retour en arrière», dit-il. «On ne peut pas venir aujourd’hui, après plusieurs années d’enseignement de cette langue, poser la question sur le caractère de sa transcription», s’étonne-t-il. «Tamazight s’écrit déjà on travaille avec, elle est fonctionnelle, on l’enseigne dans les trois paliers… On ne peut quand même pas revenir en arrière, à la première bataille. C’est tranché. Les universités, depuis les années 90, travaillent avec le caractère latin. La question ne doit plus se poser. Je précise que nous sommes contents de ce que nous avons décroché, c’est positif, mais nous restons vigilants», expliquera-t-il. Notons que l’enseignement de la langue amazighe a été acquis, après ce qui fut appelé «la grève du cartable» en 1995 et la création la même année du HCA (Haut commissariat pour l’amazighité). Jusque-là tamazight est enseigné avec les trois graphies (latin, l’arabe et Tifinagh) à travers 37 wilayas du pays. Selon notre interlocuteur, le type de caractère était facultatif ; il y a des années, quand le plus important était d’introduire la langue dans l’enseignement. Aujourd’hui, la donne a changé et on doit trancher, a-t-il estimé : «En 2005, il y a eu une rencontre à Alger sur la transcription de tamazight. A ce moment-là on avait dit : peut importe, l’essentiel c’est qu’elle soit enseignée et écrite. Aujourd’hui, 10 ans après, on doit faire un bilan, pour savoir quel caractère est le plus approprié. La réponse est claire, c’est le caractère latin celui qui a réussi, qui a produit. C’est avec celui-ci qu’on doit continuer», affirme-t-il. Il ajoutera : «On ne peut pas écrire une langue avec trois caractères. Sinon, on aurait à l’avenir trois langues différentes. Ce qui posera un vrai problème». M. Helouane insiste : «C’est en latin que beaucoup de travaux et de recherches ont été faits». Tous les espoirs sont donc fondés sur l’académie tant attendue. M. Helouane estime néanmoins que l’efficacité de cette dernière ne peut être jugée qu’après sa création et son entrée en service. La composante de l’académie alimente par ailleurs, elle aussi, les discussions. Plusieurs noms sont déjà cités, notamment M. Chaker et M. Dourari, entre autres. Pour M. Halouane, le plus important est que l’académie soit composée de chercheurs et d’académiciens de Tamazight. «Ces derniers, on les trouve à l’université de Tizi-Ouzou, de Bouira de Batna et de Béjaïa », affirme-t-il. Ce sont là en effet les seuls départements de Tamazight existants. Pour faire partie de cette académie, il est primordial, explique-t-il, de «travailler avec tamazight et en tamazight». Il est hors de question, pour lui, que quelqu’un qui ne parle pas cette langue et ne l’écrit pas fasse partie de l’académie. «Une académie dédiée à la promotion de la langue amazighe, par définition, doit être composée de ceux qui parle la langue et travaille avec, puisque le rôle de cette académie sera axé sur la graphie de Tamazight», conclut l’enseignant universitaire et activiste pour la langue et l’identité amazighee.
K. H.