Les enseignants et le personnel administratif de la faculté des sciences économiques de l’université Akli Mohand Oulhadj de Bouira ont observé, avant-hier, une journée de grève et de protestation suite à un déplorable incident qui a secoué cette faculté durant la soirée de mercredi.
En effet, et selon la version des grévistes, le doyen de la faculté des sciences économiques, le docteur Fradj Chabane, a été séquestré pendant plus de six heures (de 15h30 jusqu’à 22h), par un groupe d’étudiants adhérant à la section locale de l’organisation estudiantine UNEA (Union nationale des étudiants algériens). Selon nos sources, ce groupe d’étudiants a exercé toute sorte de violence verbale et a proféré des menaces graves à l’encontre du doyen, chose qui l’a poussé à tenter de fuir en sautant par la fenêtre de son bureau, sis au deuxième étage. Cet acte désespéré a provoqué au doyen de cette faculté une fracture à la cheville droite et trois mois d’incapacité de travail. Il a été évacué sur le champ vers les urgences de l’hôpital de Bouira. Toujours selon la version des grévistes, les étudiants auteurs de cet acte ont exercé des pressions sur le doyen pour gonfler des notes à une étudiante de cette faculté. Une demande illégitime qui a été catégoriquement rejetée par le doyen, chose qui lui a valu une séquestration de plus de six heures. Lors d’une assemblée générale qu’ils ont tenue jeudi dernier, les enseignants ainsi que les employés de cette faculté ont réclamé la délégation d’une commission d’enquête ministérielle pour faire toute la lumière sur cette affaire, mais surtout afin d’enquêter sur la dégradation des conditions de sécurité au sein de l’université et la multiplication des actes d’agressions à l’encontre des enseignants et des travailleurs. Ils réclament, également, l’implication du rectorat de l’université pour poursuivre en justice les étudiants auteurs de cet acte, ainsi que leur présentation devant un conseil de discipline. Dans le même sillage, les travailleurs grévistes ont appelé à la dissolution de toutes les organisations estudiantines qui agissent dans l’illégalité. Les grévistes se sont aussi interrogés sur la passivité des sept agents de sécurité qui étaient présents lors des faits à l’intérieur du bureau du doyen, et les raisons pour lesquelles ces agents de sécurité ont refusé de réagir et empêcher la séquestration du doyen. À souligner, par ailleurs, que le doyen de la faculté a officiellement déposé une plainte au niveau de la quatrième sûreté urbaine de Bouira, à l’encontre de sept étudiants membres de l’organisation UNEA. Ces derniers ont été convoqués et auditionnés par la police, dans l’après-midi du jeudi dernier.
Le CNES appelle
à une journée de grève générale dès
le 8 avril prochain
De son côté, la section locale du syndicat des enseignants CNES (Conseil national des enseignants du supérieur), a dénoncé par le biais de son coordinateur M. Outafat Youcef, ce qui a été qualifié de «dérive gravissime» à l’encontre du doyen de la faculté des sciences économiques, qui a été victime de graves menaces et intimidations. Le CNES qui a soutenu, jeudi dernier, les enseignants et les employés de cette faculté, appellera également à l’envoi d’une commission d’enquête ministérielle et à l’installation d’une cellule de crise au sein de l’université : «Le CNES dénonce avec grande fermeté cet acte irresponsable et étranger à la famille universitaire. Nous appelons à l’installation immédiate d’une cellule de crise à l’université et à l’envoi d’une commission d’enquête ministérielle pour situer les responsabilités de chaque partie. Les étudiants auteurs de cette agression caractérisée doivent comparaître devant un conseil de discipline et ils doivent être interdits d’accès à l’enceinte universitaire», a déclaré M. Outafat. Notre interlocuteur rappelle que le CNES a organisé pas moins de trente actions de protestation, dont une marche au mois de janvier 2017, pour dénoncer la dégradation du climat sécuritaire et la multiplication des actes d’agressions au sein de l’université de Bouira. Selon notre interlocuteur, le CNES, ainsi que les syndicats des travailleurs UGTA et SNAPAP, observeront dès la fin des vacances, le dimanche 8 avril prochain, une journée de grève générale suivie d’un rassemblement de protestation devant le siège du rectorat : «Ce qu’a vécu le doyen de la faculté des sciences économiques est digne d’un acte de terrorisme. Il a été malmené, séquestré, menacé et insulté pendant six heures, aux yeux des agents de sécurité qui n’ont même pas daigné réagir. Ce qui l’a poussé à sauter du deuxième étage est sa peur d’être sauvagement agressé. Son seul tort est d’avoir refusé de trafiquer les relevés de notes d’une étudiante. Le CNES ainsi que les syndicats des travailleurs entameront une journée une grève dès la rentrée du 8 avril prochain», ajoute M. Outafat qui n’exclut pas la possibilité d’autres actions de protestation si «le rectorat ne réagit pas à ces revendications».
Le rectorat dénonce un acte «anti-universitaire» et en appelle à la sagesse
Dans un communiqué laconique publié sur le site internet de l’université dans l’après-midi du jeudi dernier, le rectorat a tenu à dénoncer le déplorable incident qui s’est produit durant la soirée du mercredi au niveau de la faculté des sciences économiques, le qualifiant «d’acte anti-universitaire et contraire à l’éthique et aux traditions universitaires». Dans le même document, le rectorat appellera à «l’union de toutes les forces vives de l’université de Bouira, pour une application rigoureuse des lois et de la réglementation, contre toute personne portant atteinte à l’enceinte universitaire et à ses valeurs». Vers la fin du communiqué, le rectorat lancera un appel pour la sagesse à l’ensemble des membres de famille universitaire : «Nous appelons l’ensemble de nos partenaires à s’armer d’un esprit de responsabilité et de sagesse et faire primer la voie de la raison face à cette situation», lit-on dans le document.
Oussama Khitouche