Avec une douce acoustique épurée de synthétiseur, des images fortes peintes et animées avec des mots d’aujourd’hui, loin des clichés, sans pleurs ni béate nostalgie, Oualahlou propose sous le générique “Araw N’tleli” (les enfants de la liberté), un nouvel album de sept titres.Il sera disponible dans les bacs des disquaires à partir du samedi 8 avril. Composée chacune sur un thème distinct, les sept chansons portant sur l’éternité du besoin de liberté, jusqu’à l’éphémère orgueil des dictateurs, passant par des complaintes à l’amour aveugle, des consolations satiriques à l’adresse de la jeunesses frustrée de ses rêves, des hommages aux artistes oubliés, de la dénonciation des nouvelles valeurs répandues par le milieu de la débauche. De petits cantiques provocateurs, à la Brassens, font le grain de sel de ce recueil de chansons plutôt réussies. Dans la foulée du dernier album “Azul a Paris” et ses douze morceaux toujours bien classés au hits des radios algériennes et étrangères, l’artiste renoue avec les douces mélodies de ses débuts, notamment l’album intitulé “Itvirène” où fleure l’innocence, et avec les mots les plus simples s’expriment les sentiments les plus profonds de l’être humain. Cependant, le triptyque : contestation, provocation, subversion, qui porte l’œuvre d’Oulahlou depuis ses débuts, blasonne le corps de chaque texte comme nous le montrent ces traductions.
“Bienvenue à l’hôtel California”Reprenant la chanson phare des “Eagles”, un groupe rock des années 70, il met en scène un paysan égaré pris dans l’atmosphère lascive des brasserie-bordels de Kabylie où sur fond de Rai soupirant, de brouillard d’effluves de bière, se jouent des parties de Rechqa lubriques avec des entraîneuses à peine sorties de l’adolescence. En voilà une partie du texte :“Bienvenue à l’hôtel California, en Kabylie,sous la protection de Dieu.Nous sommes ouverts toute l’annéeVenez, boire, manger et coucher…Certains boivent pour oublierD’autres pour se souvenirD’autres encore, comme moi, paient ce qu’ils n’ont pas consommé…”
C’est le second titre de l’album prolongé par un instrumental rai bien tourné. La première chanson retrace l’éphémère passage en Afrique du Nord des multiples colonisateurs et l’éternelle présence des Amazighs en quête de liberté :“Des Phéniciens, il reste le coffre Afnig.Des Romains, les ruines de TimgadDes Arabes le coranDes Turcs, la BaqlawaDes Français, la bureaucratie idiote qui nous dirige.Nous, nous sommes toujours là.En quête éternelle de liberté”Sur un air de Brassens, la fable du lion et de la gazelle, la 3ème mélodie, illustre avec des images bien locales la proverbiale cécité de l’amoureux. Le puissant roi de la forêt, se fait prendre par le charme de la douce gazelle, jusqu’à” a perdre son honneur. L’amour est sans doute plus fort que le pouvoir, telle est la morale de cette fable.
“Une femme au nom de fleur”Sortie déjà en signale à l’occasion de la célébration du centenaire de la naissance de Jean-El Mouhoub Amrouche, cette chanson mélancolique, la 4 ème de l’album, est un hommage rendu à la célèbre cantatrice née à Ighil-Ali, décédée et enterrée en France. L’argent tiré de la vente du CD est intégralement versé à l’Association culturelle Taos et Jean Amrouche.La belle descendit de voiture et nous dit :“Je suis sur les traces de ma grand-mèreMarguerite Taos Amrouche !Nous avons questionné les enfants.Ils ne la connaissent pas.Les adultes ne s’en souviennent pas.A l’école on ne l’enseigne pas.Son nom, les rues ne le portent pas.Au cimetière sa tombe n’y est pas.Sa demeure est en ruines.L’obscurité et l’oubli tiennent les clés de son histoire”.
“Les figues bien mûres”Dans le registre allégorique, l’artiste témoigne sa vénération aux figues qui nous ont fait grandir “les rondes, les douces, les blanches, les précoces que l’on fait mûrir avec les doigts ! les pulpeuses bien prêtes qui exsudent un miellat sucé avec avidité.Les grosses pâles à la peau fissurée qui emplissaient les corbeilles…Les ramollies tombantes que préféraient les vieux édentés !”Cette coquine chanson bien sympathique, vient après celle retraçant la frustration d’un jeune campagnard amoureux, sauvé par son… oreiller. Il se réveille après un doux rêve qui allait finir en cauchemar quand le père de sa bien-aimée surprend leurs ébats champêtres.“Un après-midi de printemps, Tamaâzouzt m’a rejoint en cachette.Nous nous sommes roulés dans l’herbe.Le soleil souriait, l’eau coulait, les abeilles butinaient, nous on se caressait, on planait !Sa joue sur mon épaule, sa soie sur mon corps, son charme coulait dans mon poème.Satan, le vil, le salaud est allé voir son père.Il arriva, et de sa hache allait nous taillader !Réveillé en sursaut par les grincements de mon lit,Je me surpris à serrer mon oreiller !Fous poilus, foutez-nous la paixOn a soif d’amour!”Voilà un message, pour le moins clairement formulé !
Rachid Oulebsir
Tournée au Canadan Après de multiples et heureuses sorties dans les salles européennes, Oulahlou effectuera une tournée au Canada sur invitation de l’association Tafsut bien connue dans la communauté kabyle du Quebec.Après Paris où il se produira les 9, 20 et 30 avril, il s’envolera pour Montréal au début du mois de mai prochain. Avec sept albums et plus de 50 chansons, Oualhlou sera sans doute un bon ambassadeur pour le renouveau de la chanson kabyle.
R. O.
Hommage à Cheikh Aheddadn Rendre hommage aux artistes, aèdes, poètes et autres marginaux et incompris dans la société est une constante chez Oulahlou. Il s’incline aussi bien bas devant la mémoire des guerriers et baroudeurs qui, par leur combat, ont fait que ce pays existe. Ce 7ème album sort le 8 avril prochain alors qu’à Saddouk, on commémore le 135ème anniversaire de l’insurrection de 1871, conduite par le Cheikh Aheddad, chef historique qu’Oulahlou évoque dans la dernière strophe de la première chanson, en même temps que Abane Ramdane. Combien d’Algériens savent que l’insurrection de 1871 a été lancée un 8 avril ? Alors hommage assumé ou hasard du calendrier ? Le chanteur reconnaît que c’est pure coïncidence, d’autant que la sortie de l’album ne dépend pas de lui, mais du producteur.
R. O.
