Amar Tou reconnaît le détournement des malades vers le privé

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Tout en affichant sa détermination de sévir contre tout dépassement, le ministre de la Santé, Amar Tou, interpellé avant-hier lors de la séance plénière de l’APN consacrée aux questions orales, a indiqué que pas moins de 208 contrôleurs ont été formés et mobilisés pour intervenir mensuellement au niveau de toutes les structures de santé, publique soit-elle ou privée. A entendre les préoccupations du député du PT qui a interpellé le ministre sur les mesures prises par l’Etat pour contrôler les cliniques d’accouchement privées, le chiffre avancé par le ministre n’est guère suffisant vu l’ampleur qu’a prise le phénomène relatif au « détournement » des malades des hôpitaux publics vers le privé. Un fait que le ministre n’a pas nié, mais toutefois, il a insisté sur le fait que le contrôle se fait de manière « continue et progressive ». Pour donner plus d’appui à ses dires, l’orateur a fait savoir, sans citer de nom, que suite à des inspections faites ici et là, le ministère de la Santé a procédé à la fermeture de trois cliniques. Aux yeux du ministre, le transfert illicite des malades du public au privé constitue des « pratiques immorales » auxquelles il faudrait faire face mais d’une « manière intelligente et sereine ». D’après lui, « plusieurs cas de dérapage au sein des cliniques privées ont eu lieu avec la complicité de certains agents du secteur public ». Pis encore, certains professeurs, selon le ministre, profitent de leur poste, pour faire des interventions chirurgicales dans les CHU, mais au compte de leur propre clinique. D’autres n’hésitent pas à transférer les malades du secteur public vers leur clinique. Se voulant, en revanche, plus rassurant, le ministre a indiqué que cet état de fait ne justifie guère le jugement « négatif » que porte l’opinion publique sur le secteur public. « 99 % des médecins aussi bien privés que publics sont honnêtes et ces pratiques sont l’oeuvre de quelques exceptions attirées par le gain facile » a-t-il estimé. Et d’enchaîner : « il s’agit de changer les mentalités ». La loi existe et elle sera appliquée dans toute sa rigueur, affirme t-il avec fermeté. Dans le même contexte, Tou a rappelé aux occupants de l’hémicycle que depuis la promulgation, en 1988, de la loi autorisant l’ouverture de cliniques privées, il a été enregistré une avancée constante dans le secteur. Chiffres à l’appui, le nombre des cliniques privées a grimpé de deux seulement en 1990 à 88 en 2000 pour atteindre actuellement 221 cliniques, avec 3666 lits, soit 6,03 % des lits que compte globalement le secteur de la santé à l’échelle nationale. Ceci reste « insuffisant », d’après Tou, qui souligne à titre comparatif qu’en France la capacité d’accueil du secteur privé est de 34 %. Une enveloppe de 122 milliards de DA a été dégagée dans le cadre du programme de soutien au profit du secteur pour les quatre années à venir, a affirmé Tou. L’enveloppe est allouée exclusivement à la construction de nouvelles structures spécialisées pour prendre en charge certaines maladies chroniques telles le cancer, l’insuffisance rénale et les maladies cardio-vasculaires. Dans ce même programme, il a été prévu de réaliser huit centres spécialisés dans le traitement du cancer, question de délocaliser le centre du CPMC de CHU Mustapha qui enregistre un flux important de malades venant de toutes les régions. Ce programme est destiné aussi à doter les structures de santé et les centres hospitalo-universitaires (CHU), en matériel et équipements nécessaires tels les scanners et les appareils de mammographie. Le ministre a, par ailleurs, mis l’accent sur la nécessité de renforcer les médecins spécialistes dans la région du Sud où un manque flagrant est à déplorer notamment dans le domaine de obstétrique. Un problème qui entraîne la mort de « 50 % des femmes enceintes transférées vers d’autres secteurs ». Et pourtant, pas moins de 1000 spécialistes sont formés chaque année, atteste le ministre, précisant que « 96 % sont orientés selon leur choix et seulement 60 % de ceux qui ont été affectés vers le Sud ont rejoint leurs postes ».

Wassila O. H.

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