El Djida Tamechtuht pour la clôture

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La salle du petit théâtre de la maison de la culture Mouloud Mammeri a abrité, dans l’après-midi du mercredi 26 septembre 2018, la clôture du 3ème salon du patrimoine culturel et immatériel. Cette clôture a été rehaussée par la présence de la diva de la chanson kabyle, la chanteuse El Djida Tamechtut. Jamais cette salle n’a résonné de telle belle manière comme durant cette longue clôture de ce patrimoine culturel et immatériel dont la femme est la seule détentrice de ces coutumes, us, traditions entre autres. Au lever du rideau, c’est la troupe L’khalath d’Ath Zelal qui ouvre le bal avec «le mariage traditionnel dans nos villages. Elles sont dans la maison paternelle de la mariée. C’est une troupe de neuf vieilles portant robes et parées de bijoux. Le coup d’envoi est donné par la meneuse entonnant un couplet partiel et repris par les autres. Une vieille s’occupe de la mariée lui appliquant sur la pomme de la main droite du henné. La même vieille passe par toutes les femmes de la troupe et leur met du henné, en signe de joie. La chanson traite des éloges pour la mariée. Par moment, la meneuse donne le signal du changement de rythme et met en valeur les bijoux que la mariée va emporter. Une chorale, chant religieux à l’adresse du Saint de la région : Sidi Hand. Puis une vieille s’occupe des cheveux de la mariée et en fait deux tresses. Quelques cheveux sont coupés comme de tradition dans cette région. La mariée passe et embrasse toutes les vieilles de la troupe. C’est le moment de sortir de la maison : un garçon tient la main de la mariée. Les femmes prennent des paquets et autres couvertures sur la tête. La salle résonne de youyous. Le deuxième mariage traditionnel est exécuté par la troupe de femmes du Sahel Bouzeguène. C’est l’inverse du premier. On ramène la mariée et sur le pas de la porte ses pieds sont trempés dans une bassine d’eau et mis quelques secondes sur une plaque de fer. Un rite qui en dit long. On découvre la mariée, quelques cheveux sont coupés. La mariée est entourée de femmes formant un cercle. La troupe entame la chorale «Arous». Plusieurs changements de rythmes et les femmes de salle ne s’arrêtent pas de lancer des youyous. Le calme est revenu avec la fin de la fête, de cette fête organisée par des femmes et pour des femmes. Un véritable hommage à la femme détentrice du patrimoine et gardienne des valeurs.

M.A.Tadjer

Nabila Gouméziane, directrice de la culture

«C’est la clôture du 3ème salon du patrimoine culturel et immatériel. Nous rendons hommage à la troupe l’khalath, à travers «Urar».Il ne faut pas oublier que la radio a joué et continue de jouer un rôle très important dans la transmission de nos traditions et coutumes. C’est aussi un vibrant hommage à la femme algérienne qui, grâce à elle, nous avons pu garder ce patrimoine. Elle a réussi à le faire, parfois dans des moments très difficiles et grâce à sa volonté et à son combat de tous les jours, elle a tout de même pu et su le préserver et de belle manière. N’oublions pas celles qui ont brisé les tabous en entrant à la radio en dépit des interdictions et des menaces. Elles l’avaient fait tout en changeant de nom. Préférant porter un pseudo que de ne pas exercer leur métier de prédilection qu’est la chanson».

El Djida TamEchtuht, artiste lyrique

«Je suis extrêmement ravie d’être à la maison de la culture portant le nom d’un grand homme de culture Mouloud Mammeri. Dans la salle, je constate qu’il y a beaucoup de femmes et c’est tout à fait à leur honneur. C’est une journée spéciale pour elles. Nouba N’lkhalal a commencé avec trois grandes dames (Que Dieu ait leur âme). Cela me rappelle beaucoup de choses. J’ai commencé la chanson dans les années cinquante alors que la troupe l’khalal a commencé en 1923 avec Lalla Yamina, Lalla Zina et Lalla Ouiza. C’était un trio Ichwiken. Il y avait tout juste un studio à la radio PTT (au-dessus de la grande poste à Alger). Elles transmettaient ces Ichewiken aux exilés. Puis, les choses ont évolué avec d’autres femmes qui ont rejoint le trio telles : Djida Thamokrant, Na Cherifa, Henifa, Djamila… formant une chorale durant les mariages (entre familles) . Il faut souligner que ces femmes étaient illettrées mais avaient conscience pour préserver ces traditions et coutumes par la chanson, la chorale, ichewiken. Ce sont les doyennes de la radio et il ne faut pas les oublier. Elles avaient cassé les tabous, ouvert les portes en chantant leur joie, leur tristesse, leurs sentiments identiques à toutes et à tous. J’ai commencé dès l’âge de quatre ans et j’ai grandi et évolué grâce à ces femmes. Ce que je vois aujourd’hui dans cette salle, me réchauffe le cœur et je suis persuadée que ce que ces femmes ont fait avec passion, avec amour pour le métier, pour notre coutume n’est pas perdu, quoiqu’elles aient arrêté la chorale en 1990. C’est très important ! Aujourd’hui, ces femmes ne sont plus de ce monde. Il faut penser à la relève et s’y mettre sérieusement car les générations présentes sont occupées par autre chose. Il y a risque car il n’y a pas de recherches, pas de création, et la mémorisation fait défaut. Elles choisissent la facilité. Il est temps d’y remédier et les moyens sont plus favorables aujourd’hui !»

Ouadi Fatiha, artisane d’Oran

«Je suis émerveillée et cette clôture du salon du patrimoine culturel et immatériel s’est faite en apothéose. Tout est beau ! La salle est pleine de femmes en robes kabyles et parées de bijoux d’argent. Aujourd’hui, je connais un bout sur les traditions de la Kabylie. Ce que j’entendais sur cette région et ses habitants est tout à fait juste. C’est superbe et je repartirai avec plein de beaux souvenirs, de photos des expositions et des photos de ces mariages traditionnels qui nous réchauffent le cœur. Bravo à toutes ces femmes !»

Propos recueillis par M.A.T.

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