Des dizaines de milliers de «gilets jaunes» ont protesté, hier, à Paris et à travers toute la France, contre la hausse des taxes sur le carburant et la baisse du pouvoir d’achat, dans des rassemblements marqués par des heurts avec les forces de l’ordre.
Décidés à se faire entendre par leur gouvernement, plusieurs milliers de «gilets jaunes» se sont rassemblés, hier matin, sur les Champs-Elysées, où ils se sont heurtés à un important dispositif policier leur barrant le passage vers la place de la Concorde, ont constaté des journalistes de l’AFP. Les forces de l’ordre ont tiré des gaz lacrymogènes et utilisé un camion lanceur d’eau pour éloigner les manifestants du rond-point des Champs-Elysées, frontière d’un périmètre sécurisé incluant notamment les abords de l’Élysée, la partie basse des Champs-Elysées et la place de la Concorde. La Préfecture de police a fait état à l’AFP de «quelques tentatives de poussées sur les barrages sur les Champs-Elysées» et de «quelques usages de lacrymogènes». Des manifestants ont notamment été vus en train de déterrer des pavés ou de mettre à terre des barrières de chantier. Mais «aucun manifestant n’a eu accès à la zone interdite, par arrêté», a-t-on précisé. Certains «gilets jaunes» dénonçaient les violences, comme Christophe, 49 ans, venu de l’Isère avec sa femme, en train de rejoindre une rue adjacente des Champs-Elysées pour éviter les gaz lacrymogènes. «On vient juste manifester pacifiquement et on se fait gazer. On voit comment on est reçu à Paris», peste-t-il en s’éloignant. Les «gilets jaunes» ont commencé à arriver en début de matinée par petits groupes en haut de la célèbre avenue, avant de la descendre en chantant alternativement La Marseillaise et des slogans anti-Macron, contournant parfois des forces de l’ordre disposées en amont du périmètre interdit. Quelque 3 000 forces mobiles étaient mobilisées à Paris hier, appuyées par des hélicoptères. C’est sur la place de la Concorde qu’était initialement prévu un grand rassemblement, auquel plus de 36 000 personnes s’étaient déclarées participantes sur Facebook, pour «l’acte 2» de la mobilisation des «gilets jaunes» contre la hausse des prix des carburants, les taxes et la baisse du pouvoir d’achat. Les «gilets jaunes» ont rejeté la proposition des autorités de se réunir sur le Champ-de-Mars, refusant d’être «parqués» loin des lieux de pouvoir parisiens, et annoncé qu’ils manifesteraient «dans le quartier des Champs-Elysées durant toute la journée». A 11H00, 23000 manifestants étaient dénombrés à travers la France, contre 124 000 la semaine dernière à la même heure, a affirmé le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, soulignant le «fort affaiblissement» de la mobilisation au niveau national.
3 000 policiers mobilisés
Mais le ministre s’en est surtout pris à Marine Le Pen. Dans une conférence de presse à la mi-journée, il a souligné la «mobilisation de l’ultradroite» parmi les 5 000 manifestants présents sur les Champs-Elysées (8 000 sur l’ensemble de la capitale), où les forces de l’ordre ont dû «repousser les séditieux» qui «ont répondu à l’appel, notamment de Marine Le Pen, et veulent s’en prendre aux institutions et aux parlementaires de la majorité». La veille, Marine Le Pen s’était étonnée qu’on n’autorise pas les «gilets jaunes» à défiler sur les Champs-Elysées, après l’interdiction d’un rassemblement place de la Concorde. «Qu’est-ce qui justifie que le peuple français ne puisse pas manifester sur les Champs-Élysées, où beaucoup d’autres rassemblements (Coupe du Monde, Nouvel An…) ont lieu ?», avait-elle lancé sur Twitter. «M. Castaner se comporte de manière tout à fait indigne», dira encore Mme Le Pen. «Il est là dans la posture du petit politicien qui cherche à tirer un bénéfice de ce qui se passe». «Pourquoi a-t-il laissé les gilets jaunes manifester sur les Champs-Elysées, pour, après les en déloger avec des moyens qui ne peuvent que susciter des tensions ?», a demandé la dirigeante d’extrême droite, qui soutient les «gilets jaunes» mais n’a pas personnellement manifesté. A l’initiative de cette grogne, des membres de la société civile se sont mobilisés contre la hausse du prix des carburants avant que les motifs de grief ne s’élargissent à une dénonciation plus globale de la politique du gouvernement en matière de taxation et de la baisse du pouvoir d’achat. Au 1er janvier 2019, les taxes sur le gazole doivent augmenter de 6,5 centimes d’euro par litre et celles sur l’essence de 2,9 centimes. «La différence entre mon brut et mon net, c’est 1 000 euros, voilà pourquoi je suis là aujourd’hui», a déclaré, parmi ces manifestants Valentine, 24 ans, intermittente du spectacle qui vit en Seine-Saint-Denis. «Aujourd’hui on travaille pour survivre, plus pour vivre», a renchéri Amandine, 35 ans, assistante maternelle. «Gilets jaunes, colère noire», «Jupiter, redescends sur terre, c’est la misère»… Les manifestants, qui arboraient parfois un message sur leurs gilets, bloquaient depuis une semaine des autoroutes, des ronds-points, des hypermarchés ou organisaient des opérations de péage gratuit dans l’ensemble de la France.
Synthèse de Ali Chebli