Une famille, deux cultes et un Dieu

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Si pour certains, la coexistence des cultes demeure un sujet plus que sensible, voire même carrément tabou, des membres d’une même famille, peuvent cohabiter en parfaite symbiose tout en respectant les valeurs et les croyances de tout un chacun. Cela ne se passe pas au Moyen Orient, dans les territoires occupés, mais bel et bien en Algérie et plus particulièrement en Kabylie. C’est dans un patelin reculé de la wilaya de Bouira, que nous avons rencontré une famille pas comme les autres. Composée d’une septuagénaire d’origine française, mariée à un Algérien, le couple vit en parfaite harmonie et les pratiques religieuses des époux ne semblent pas pour autant interférer dans leur vie conjugale. De cette union musulmane et chrétienne, leur fils, aujourd’hui père de famille et ne pratiquant aucune religion, n’éprouve aucune difficulté à vivre sous leur toit. Bien au contraire, c’est avec une certaine clairvoyance que ce dernier s’amuse à regarder les cultes des uns et des autres. ‘’La fête des Rameaux, le Mawlid Ennabaoui, et Pâques en l’espace d’une semaine, sont autant de traditions fêtées pour apprécier pleinement les convictions religieuses de mes parents, mais surtout c’est l’occasion pour moi de profiter de ces célébrations diverses en festoyant à cœur joie. Mais c’est également l’occasion de me faire une idée sur l’éventualité d’embrasser un jour telle où telle religion’’, dira le jeune homme qui tient particulièrement à ne pas heurter leur sensibilité et leurs convictions religieuses. Pourtant, aussi bizarre que cela puisse paraître, le couple mixte, en plus de se respecter mutuellement, n’a jamais envisagé de reconvertir l’autre dans sa religion. Absence de foi où d’arguments pourrait on penser. Non il n’en est rien. Chacun des époux fait preuve d’une totale mansuétude à l’égard de son partenaire. ‘’Nous sommes conscients d’avoir reçu une éducation complètement différente, sans parler de notre culture…nous ne pouvons pas nous refaire à notre âge. Toujours est-il que nos pratiques religieuses sont spirituelles et qu’elles aboutissent à la même finalité. Dieu est en chacun de nous’’, révèle la vieille dame qui reconnaît que seule la foi compte. ‘’Rebbi Sebbhanou sait ce que nos cœurs renferment, et chacun d’entre nous sera seul le jour du Jugement Dernier’’ affirme pour sa part l’époux qui, déplore que sa progéniture ne pratique aucune religion. Même si la vieille dame n’éprouve pas la nécessité de se rendre dans un lieu de culte pour prier Dieu, c’est plutôt dans son cœur et dans sa foi que le devoir spirituel, s’accomplit. ‘’Il n’est nul besoin de faire étalage de son appartenance religieuse pour louer le Seigneur. Dieu est omniprésent où que l’on se trouve’’. Dans cette famille, on évoque Dieu avec une telle aisance, une telle franchise que l’on serait tenté de croire en un miracle, le tout sans se soucier des chemins tortueux qui passent par les religions. La spiritualité divine règne, un point c’est tout. Cette tolérance mutuelle que de nombreux imams et prêtres tentent d’établir depuis des millénaires n’obéirait-elle donc à aucune loi ni fetwa de l’ordre établi ? Apparemment puisque aussi bien à El Azhar qu’au Vatican, les multiples messages de paix et de tolérance adressés aux fidèles de toutes religions n’ont pas reçu d’échos, sauf peut-être dans quelques rares foyers. Cette famille kabyle, demeure sûrement un exemple de cohésion, un exemple de compréhension et d’indulgence. D’ailleurs, ne dit-on pas que les Voies du Seigneur sont impénétrables ?

Hafidh B.

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