Il y avait foule, jeudi soir à l’auditorium de la radio nationale, comme il n’y en a jamais eu auparavant. Il y avait également des stars de la chanson kabyle. Ce qui devait être une émission radio, tibugharin G’idh, s’est transformé, en l’espace de trois heures, en un vibrant hommage au maestro Chérif Kheddam.Dans les coulisses du centre culturel Aissa Messaoudi de la radio, et même avant le début de l’émission, une foule compacte a entouré le chanteur. Des dizaines de personnes anonymes côtoient des vedettes. Aït Menguellet a retrouvé, le temps d’une soirée, Takfarinas, dont la venue a constitué à elle seule la surprise. D’autres chanteurs, jeunes pour la plupart, ont tenu à partager la soirée avec celui qui a bercé des générations entières avec ses mélodies qui ont largement dépassé les frontières du pays pour constituer un objet de recherche dans les instituts de musiques européens, notamment. L’annonce de l’entrée de Da Chérif, faite par le talentueux animateur de l’émission radiophonique Arezki Azzouz, a plongé la salle dans une ambiance de joie indescriptible. Il est vrai que le maître s’est produit en octobre dernier à la coupole d’Alger, mais de nombreux fans ont tenu à être présents pour écouter et apprécier une musique que seul Chérif Kheddam sait composer. Très détendu et humble, l’artiste n’a pas voulu trop parler de sa carrière. Il a surtout voulu insister sur la relève. La jeunesse, qui revient dans ses propos comme un leitmotiv, constitue pour lui sa grande richesse. Et c’est ainsi que le public ainsi que les auditeurs qui ont suivi l’émission à partir de leurs transistors, ont eu à apprécier des jeunes voix, à l’image de Karim Yeddou, Noura (à ne pas confondre avec Nouara qui était absente, à la grande déception de tout le monde), Kahina, Djaafar Aït Menguellet et d’autres encore qui ont chanté des œuvres de leur maître. En plus de ces jeunes talents, que Chérif Kheddam a applaudi et remercié d’autres, des ténors eux aussi, qui se sont joints à la soirée. Aït Menguellet se rappelle ses premiers passages, il y a 39 ans chez Da Cherif à la radio, tandis que Ahcène Abassi a été obligé de chanter après 28 ans d’absence sur la scène. Si Moh a été ému au point de placer difficilement ses phrases. Mais ce qui a surpris le plus l’assistance, et certainement les auditeurs, était la venue de Takfarinas qui a donné un cachet particulier à l’émission. D’une voix toujours chaude, ce dernier a émerveillé les présents par un » achewiq » qui a plongé la salle dans l’émotion.A ce monde, il faut signaler la présence, très remarquée, de la chorale polyphonique de la Maison de la culture de Tizi Ouzou, dirigée par Rabah Tissilia, qui a repris merveilleusement certaines œuvres de Chérif Kheddam, qui promet de revenir, soit par une tournée nationale, qui nécessite des moyens, ou par un album en chantier. De toute façon, les grands ne meurent jamais et leur âge, n’est finalement que physique. Chérif Kheddam l’a prouvé encore une fois du haut de ses 80 ans.
Ali Boukhlef
