La Dépêche de Kabylie : Tout d’abord, en quoi consiste le rôle de la mission économique de l’ambassade de France ?ll Pierre Mourlevat : La mission économique a comme fonction principale d’aider les entreprises françaises à aborder le marché algérien, à la fois pour développer leurs exportations et leurs investissements.Nous leur fournissons des informations économiques, juridiques, réglementaires et fiscales. Nous organisons aussi des missions de prospection. Nous les mettons en relation avec des partenaires, des investisseurs et des distributeurs algériens.En tout, nous suivons l’ensemble de leurs projets et leur apportons tout le soutien nécessaire. Nous contribuons également à organiser des salons et des colloques en Algérie, mais aussi des séminaires en France, pour mieux faire connaître à Paris et dans d’autres grandes villes françaises les opportunités offertes par le marché algérien.Malgré les déclarations d’intention et la solidité des relations qui existent entre les deux pays, les investisseurs français ne se bousculent pas au portillon de l’Algérie. A quoi est due, selon vous, cette frilosité ?ll Je crois qu’on a une image qui est parfois un peu fausse de la réalité des investissements français en Algérie. En fait, la France n’est pas seulement exportatrice en Algérie. Elle a déjà réalisé des investissements importants, puisque le stock des investissements dépasse 1,4 milliard de dollars. Et si on regarde le flux des investissements en 2005, ils ont atteint d’après la Banque d’Algérie près de 140 millions de dollars, soit une progression de 74%, plaçant la France en deuxième position, juste après les Etat Unis.Par ailleurs, quand on regarde le potentiel des investissements pour les trois prochaines années, il est très largement supérieur à 800 millions de dollars, ce qui représente la création d’au moins 3 000 emplois. Jusqu’à présent, les 200 filiales françaises présentes en Algérie ont créé près de 8 000 emplois. Cela démontre que la présence française en tant qu’investisseur est déjà une réalité qui va se renforcer à l’avenir.Mais cela est loin de refléter la réalité des échanges commerciaux entre l’Algérie et la France qui dépassent largement ceux avec les Etats-Unis, par exemple…ll Tout à fait. Il y a traditionnellement un volume des échanges très important, qui n’a pas cessé d’augmenter dans les années récentes, puisque il a atteint, en 2005, un volume global de 8 milliards d’euros. Et la place de la France est de très loin la première part de marché étrangère. Elle est supérieure à 22% et sur une longue durée. Le pus important maintenant est de savoir comment des flux d’exportation peuvent se traduire par davantage de transfert de savoir-faire, de technologie et davantage de présence durable et d’engagements dans le pays.Un engagement qui, justement, tarde à venir…ll A mon avis, non. Compte tenu des statistiques que je vous ai données et le fait que beaucoup d’entreprises qui exportent ne se bornent plus à exporter via un distributeur mais créent une véritable filiale, prouve que c’est un engagement sur la durée. Parce que cela va se traduire par la formation et le recrutement d’Algériens et le déclenchement de tout un processus via la maintenance et la distribution.Quels sont les créneaux qui intéressent aujourd’hui le plus les entreprises françaises ?Le développement de la présence française est prévu dans des domaines très diversifiés. Il y a d’abord l’agroalimentaire où les projets d’investissement sont très nombreux. Il y a ensuite les hautes technologies avec la signature d’un accord de coopération entre le groupe La Poste et Algérie Poste, qui se traduit par la création d’une véritable joint-venture sur les projets d’une haute technologie.Il y a également le secteur bancaire avec l’implantation de nouvelle banques françaises en tant que banques universelles, et pas seulement comme bureaux de représentation, ainsi que l’arrivée de la COFACE qui va créer un bureau à partir du mois de septembre.On voit aussi des projets dans l’industrie avec des participations dans les privatisations et des extensions importantes d’investissements, comme pour le groupe Michelin qui exporte près de 40% de sa production.
Les hommes d’affaires français considère-t-ils toujours que l’Algérie n’est bonne que pour vendre leurs produits ou cette mentalité a évolué ?ll Il n’y a pas d’investissement possible dans un pays si ce dernier n’est pas considéré comme un marché important. Et l’Algérie fait partie des grands pays avec 34 millions de consommateurs. Mais les investisseurs français vont au delà de cette analyse et considèrent que l’Algérie, en ayant une approche de partenariat, de transfert de technologie, de travail en commun sur des projets communs.Je crois que c’est cela le plus important dans l’évolution de la réflexion des entreprises françaises.
Entretien réalisé par Ali Boukhlef