La Dépêche de Kabylie : Le public a longtemps attendu la sortie d’El Manara après sa projection pour une avant-première, lors du mois sacré passé. Qu’est-ce qui a causé le retard de sa sortie dans les salles?Belkacem Hadjadj : Pour faire sortir un film dans les salles, il faut d’abord trouver un distributeur et pour payer ce distributeur, il faut avoir beaucoup de moyens. Il a fallu attendre un peu pour avoir une bonne enveloppe financière et faire par la suite notre propre opération commerciale. J’aurais pu emprunter de l’argent s’il existait 400 salles de cinéma en Algérie où je pourrais récupérer certainement la somme. C’est Machou Production qui a distribué le film comme elle avait aussi travaillé sur son montage, dans les travaux de laboratoire en France.
Pourquoi la projection du film est-elle programmée uniquement dans les salles de répertoires ?Montrez-moi des salles de cinéma si elles existent. La famille du septième Art se trouve devant une situation catastrophique et pour parler de ce problème il faut entamer un long débat. Le cinéma est le vecteur essentiel de la communication moderne, de la culture, du media et qui peut être la locomotive de la création artistique.
Il est vrai que le cinéma traverse une crise chronique mais en dépit de cela vous avez fait un travail fabuleux. Comment avez-vous pu soulever de telles contraintes ? Pour être sincère j’aurais pu faire un travail encore meilleur si j’avais obtenu les moyens que j’avais souhaités. Mais !Je voulais réaliser El Manara à tout prix et si je n’avais pas fait aboutir ce travail je ne m’aurais jamais senti bien. Ça m’aurait certainement handicapé pour produire d’autres films.Pour qualifier un film de haute qualité, il faut d’abord faire chef-d’œuvre sur chef-d’œuvre signés par plusieurs cinéastes. Il faut qu’il y ait au moins 30 films qui se produisent annuellement. Le secteur vit actuellement une faible production nationale. Nous produisons parfois zéro film par an. Comment voulez qu’il y ait une sélection de films ainsi que des critiques de cinéma tant que il n’a y a pas de films?
Le terrorisme en Algérie devient le centre d’intérêt commercial de beaucoup de romanciers, dramaturges, cinéastes ainsi que d’autres. Quel est votre point de vue par rapport à cela ?Vous parlez des sujets racoleurs dont certains font un fonds de commerce. Il est vrai que le terrorisme en Algérie a été pendant un certain temps, une source financière pour les Algériens ainsi que pour des étrangers. Parce qu’ils savent que les gens aiment le spectaculaire, le sensationnel. On n’est pas dans cette optique. Nous considérons que l’Algérie a vécu une tragédie sanglante. Et cela restera ancré dans l’histoire. Mais faut-il oublier ? On ne traite pas ce sujet de manière spectaculaire pour répondre aux fantasmagoriques des autres. Nous faisons ce film pour parler aux Algériens. Ce sont des Algériens qui parlent aux Algériens. C’est capital de se regarder en face à travers ce miroir.
On remarque dans El Manara que vous êtes pour l’amnistie générale. Donnez-nous votre propre commentaire…Je suis un artiste. Même si j’ai des convictions politiques cela reste personnel. Dans El Manara je rapporte des faits en lançant un message de paix. Il faut que la société se ressoude et se normalise, il faut que les Algériens se parlent, mais il aussi faut qu’on revisite le passé même s’il est tragique.On a fait immerger, dans ce film et dans chaque personnage un contexte dans une trajectoire dont laquelle peut se reconnaître n’importe quel Algérien qui a vécu dans cette période.
Vous avez fait de nouvelles figures de cinéma, trois comédiens dans des rôles de El Manara. Pourquoi ce choix ?Tout simplement parce qu’il n’a y pas de grandes écoles de théâtre à part celle de Bordj El Kiffan en Algérie. J’ai fait un casting où j’ai découvert le talent de Samia Meziane, Tarek Hadj Abdelhafidh, Khaled Benaissa.
Le personnage qui a été attribué à Nawel Zaatar était émouvant, bien qu’il ait pris peu de passages.Nawel Zaatar est une comédienne remarquable. Reconnaître le haut talent d’une artiste est lié à la qualité et non à la quantité.
M. Hadjdj, peut- on attendre de vous un nouveau film amazigh ?Je ne programme jamais de sujets sauf que je dois vous confier que dans l’un des mes deux prochains films, je reviendrais probablement à un film amazigh comme langue de dialogue.
Propos recueillis par Fazila Boulahbal
