Qui se souvient de Matoub ?

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L’Etre ne meurt pas tout de suite pour nous, il reste baigné d’une espèce d’aura de vie” (Proust). En 1978, à ses débuts, le jeune chanteur qu’était Matoub tentait de percer sur la scène artistique. De son verbe cru et ses “leqmegh lehdur (greffages de paroles)”, Lounès se verra petit à petit propulser au rang de chanteur engagé. une réputation qui ne le quittera plus, même après sa mort Matoub, un nom, une figure qui a acquis, au fil de son parcours, une renommée internationale depuis que Danielle Mitterrand lui a décerné un prix, en compagnie du non moins célèbre Dalaï-lama, pour son combat pour la démocratie et les droits de l’homme, pour ses œuvres et pour le courage dont il a toujours fait preuve.A Bouira, pas de souvenir officiel de cet homme de grande envergure. Pire encore, il se retrouve aujourd’hui superbement ignoré par ses compagnons d’hier. Aucun hommage au chef-lieu de wilaya pour l’artiste. Une insulte à sa mémoire en quelque sorte, sinon comment expliquer le mépris affiché par les militants de l’époque. Une époque quand bien même très difficile et semée d’embûches et de machinations mais qui unifiait les rangs aujourd’hui dispersés.Octobre 1988, premier fait marquant dans la vie du Rebelle, ce qui lui vaudra une dizaine d’interventions chirurgicales et surtout ce qui le rendra plus populaire au sein de la société. une société qui de tout temps lui a manifesté sympathie et dévouement. On se souvient de l’immense élan de solidarité lors de son enlèvement par le GSPC en 1994. La mobilisation citoyenne autour de l’idole ne s’était pas faite attendre. Dans les villes et villages les plus reculés du pays, les sonos diffusaient à fond la caisse, les chansons du Rebelle comme pour mieux narguer ses ravisseurs.Après sa libération, jugée inexpliquée par ses détracteurs, mais attendue avec impatience par ses fans, Matoub se livrera à cœur ouvert dans Rebelle. Un livre qui dès sa sortie à fait couler beaucoup d’encre, notamment chez les leaders politiques qui se sentaient particulièrement visés. A Bouira, comme partout ailleurs, l’aura du chantre Amazigh s’accroîtra dans les cœurs mais aussi dans les esprits des citoyens. Refusant d’admettre que l’Algérie, sa patrie qui l’a vu naître, bascule dans les mains de “… ces lâches illuminés…”, Matoub qui n’avait pourtant qu’une vie, n’aura de cesse de la mettre et de la remettre en jeu.”Peu de temps avant son lâche assassinat, lors d’une interview télévisée au journal de vingt heures sur TF1, Lounès avait clairement affiché son point de vue sur le pouvoir d’Alger et, comme à son habitude, il n’avait pas maché ses mots. La sortie de son dernier album, “Lettres aux…” avait été bien accueilli par ses fans qui pensaient que pour la première fois dans l’histoire de l’Algérie, un homme avait osé braver l’interdit. Aujourd’hui, huit ans après sa disparition, ceux qui se targuaient d’être l’ami, le compagnon du militant de la cause Amazighe, ont beaucoup tergiversé sur la commémoration de la disparition du Rebelle? Galas, conférences, meetings avaient été brièvement prévus. Brièvement, car finalement aucune célébration ni cérémonie n’aura lieu au chef-lieu de wilaya. Absence du Mouvement associatif ou de bonne volonté ? Toujours est-il que les citoyens eux commémorent à leur manière ce douloureux anniversaire en allumant des bougies et en observant des veillées aux chandelles sur fond de Matoub. Une célébration passée presque inaperçue n’aurait été l’exposition de photos et de textes de Matoub au centre culturel de Raffour, hier matin. Egalement programmée mais en début de soirée, un conférence et différents témoignages sur la vie et les œuvres de Lounès. Paradoxe qui renseigne, si besoin est, sur la gabegie de l’administration. Ce centre culturel, qui porte pourtant sur son fronton le nom du Rebelle, n’est toujours pas officiellement baptisé au nom de Matoub Lounès. Un paradoxe qui en dit long sur la volonté des Autorités à réhabiliter le nom de ce militant acharné, qui, même après sa mort continue à faire frémir les…

Hafidh. B.

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