Le bac, sinon rien…

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Les différents examens de fin d’année ficelés, la fièvre n’est pas retombée pour autant. Hormis peut-être pour les tous jeunes potaches et les “brevétistes” qui ont tenté, avec plus ou moins de bonheur de mettre dans leurs escarcelles qui, l’entrée en sixième, qui le BEF, épreuves qui remontent à Mathusalem… Reste le bac tant craint et redouté. En attendant le jour libérateur, dans un sens comme dans l’autre, tripes qui se nouent, stress, nuits blanches, angoisses au quotidien, anorexie constituent le vécu du candidat. La pression familiale faisant le reste, c’est de véritables zombies qui communiquent à coups d’onomatopées, le regard inexpressif entre deux bouffées d’angoisse. Ils demeurent néanmoins attentifs à la moindre rumeur. Ils sont rares ceux qui gardent la tête froide et pensent qu’un échec n’est que l’autre facette d’une épreuve qui s’apparente de plus en plus à une loterie scolaire et qui reflète dans le même temps de moins en moins le véritable niveau de l’élève. La pression exercée par les proches tient souvent du harcèlement moral, d’une forme de torture élaborée et à peine déguisée. En fait, les considérations qui animent les parents demeurent à des années lumières de l’avenir de leur rejeton dont le bac serait la clé, le sésame… Il s’agit plus prosaïquement de faire autant que le fils du voisin qui l’a eu, du premier coup et de la cousine qui, histoire d’en rajouter un peu et de faire monter d’un cran la tension latente qui préside aux relations des deux familles, clame urbi et orbi que c’est “in the pocket” ! Le père parle de dignité, d’honneur de la famille. La mère fait dans la surenchère et ne parle que de la grandiose fête prévue pour “arroser” l’évènement. L’échec, ce mot honni, n’est même pas envisagé. Inimaginable ! L’échec, c’est pour les autres. C’est toute cette pression, extrêmement difficile à gérer que devra subir et supporter le candidat avec des séquelles, peut-être irréversibles, le stress répété et son corollaire la dépression nerveuse pouvant conduire au suicide dans les cas extrêmes. Le moindre des maux étant l’acquisition à vie de la culture de “looser”.Notre société longtemps inculte, maintenue dans un état d’ignorance par les colonisateurs successifs s’est longtemps contentée de référents et de normes intellectuelles qui flirtent avec le degré 0 de la connaissance. Tout le monde a encore en mémoire l’attrait hypnotique qu’exerçait sur nos familles, citadines ou rurales le certificat d’études, examen préparé, pensé et conçu par les Français en direction de l’indigène. La barre était ainsi fixée et bien rares étaient ceux qui osaient aller au-delà… Le certificat d’études faisait de ses lauréats des êtres hybrides : trop lettrés pour les autres, les leurs totalement analphabètes, pas assez pour ceux d’en face pour lesquels les portes du savoir étaient béantes… Les perspectives étaient rares : petits employés de commerce, commis aux écritures…L’aura que conférait cet examen à son titulaire a continué longtemps après l’Indépendance. Depuis, il a été supplanté par le bac. Normal diriez-vous. Sauf que de nos jours, le bac fixe le rang social d’une famille en même temps qu’il consacre une position dans le quartier, position régie par la jalousie, morbide parfois, l’envie de faire mieux que le voisin dont le seul tort est d’être…. un voisin. Cela procède d’une volonté clairement affirmée d’en mettre plein la vue aux autres, de faire autant, sinon mieux et surtout de ne pas les inviter à la méga-fête donnée même à l’occasion d’un passage réussi à la 6e. Drôle d’époque où le critère d’excellence se décline en termes de concurrence malsaine et qui pour médiocre et nul qu’il est n’en constitue pas moins le substrat culturel d’une société dont les excès en tout genre sont en passe de devenir légendaires.

Mustapha Ramdani

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