Au lendemain de l’assassinat de Lounès Matoub, elle n’avait que neuf ans. Blessée dans son amour propre, car elle était une grande fan de l’artiste, Djouher Moussi, encore une écolière dans son village, à Yllalène dans la vaste région des Ath Yahia Moussa, répondit par un poème. C’est le déclic pour une petite fille pour laquelle la lutte pour l’identité n’était pas un vain mot. Rencontrée devant son lycée à Draâ El-Mizan où elle est venue recevoir son attestation de réussite au baccalauréat, la jeune poétesse nous dira en premier lieux : “Je suis très contente de cette réussite, mais pour moi réussir mieux n’est que suivre le chemin de tous les hommes et les femmes qui ont contribué à la formation de ma personnalité. Après ce premier pas franchi, j’espère qu’un jour j’irai plus loin dans la voie que j’ai choisie : la poésie”, imprégnée dès son jeune âge, Djouher compose des vers car pour elle personne ne peut rester de marbre, surtout un artiste, devant ce qui se passe autour de lui. “Si j’ai embrassé cet art, ce n’est pas seulement pour écrire, mais beaucoup plutôt pour suivre la voie de nos aînés”, ajoutera-t-elle. Effectivement, notre poétesse ne veut pas laisser cette chance lui échapper et la saisit pour aller dans le sillage des traces laissées par Mouloud Mammeri, de Taos Amrouche et de tous les écrivains qui ont marqué notre ère. D’ailleurs, elle ne rate jamais de participer à tous les rendez-vous culturels organisés aussi bien dans sa région que dans la wilaya. Elle a eu l’occasion de participer à deux festivals de la poésie kabyle où elle a été jusqu’en finale, en 2004. Djouher, âgée aujourd’hui de dix huit ans, ne cesse de persévérer dans ce domaine. A son actif, un recueil de poèmes en tamazight est déjà prêt. A la lecture de certains de ses écrits, on ne peut que ressentir chez elle une certaine hargne d’exprimer ce qu’elle pense par rapport à plusieurs thèmes aussi bien sociaux qu’identitaires. “Je puise mes mots autour de tous ce qui se passe dans la société où je vis. La misère la femme kabyle, les démunis et les orphelins et bien d’autres choses”, ajoutera Djouher Moussi. Pour elle le poète est le porte-parole de sa société car il a constamment quelque chose à dire. Et elle a écrit à ce sujet : “amdyaz win tifahmen, d sâ wint nideflawen win yefaken sges yeswa”. Tout en continuant cette œuvre qu’elle vient de commencer, la poétesse compte éditer ses écrits avec l’aide de ceux censés promouvoir la langue amazighe. Ainsi, El Djouher lance un appel au mouvement associatif dans sa composante ainsi qu’au Haut commissariat à l’Amazighité pour lui donner cette chance de permettre aux autres de lire ces poèmes. Pour ce premier appel, elle nous dira que l’association “Les Amis de Krim Belkacem” lui a promis qu’elle ne ménagera guère ses efforts pour lui donner un “coup de main”. Tout en étant encore jeune, elle est déjà dans l’arène des grands en raison de ses qualités morales et artistiques. Pour elle, le Printemps ne sera que plus beau même si elle garde toujours les stigmates du printemps douloureux. D’ailleurs, dans ce recueil, elle a rendu un vibrant hommage à ce jeunes tombés au champ d’honneur pour que vivent la culture amazighe et la démocratie. “C’est un devoir pour nous de continuer leur combat. Par le biais de l’écrit, je suis appelée à participer à l’édification de cet immense édifice. L’écriture est très importante notamment dans une société comme la nôtre qui en a tant besoin”. En tout cas, El Djouher promet de faire mieux et de se perfectionner car pour elle seule la persévérance compte. De notre côté, nous nous joignons à son appel pressant pour qu’aboutisse enfin son projet
Amar Ouramdane