Il est indigne de parler de l’histoire d’un village de Kabylie sans évoquer les grands hommes et les saints qui ont marqué sa mémoire.
Si l’on cherche à découvrir l’histoire de Taourirt n Ath Menguellat, un village situé à proximité de la ville de Michelet, on constate que durant très longtemps, pendant des siècles, le village a joui de la miraculeuse protection de Si Lhadi.
D’après l’histoire de ce village, les premiers à venir s’installer à Taourirt furent deux frères, Si Lhadi et Si Ameur. A nos jours les noms des deux familles existent toujours. On raconte que Si Ameur aimait mieux s’adonner aux travaux des champs, Si Lhadi quant à lui, travailla à propager sa foi dans le pays.
Le renom de sa sainteté déborda les limites de son village et il laissa à ses descendants son miraculeux pouvoir. Les Si Lhadi, ainsi qu’en témoignent des récits anciens, exercèrent dans Taourirt une influence considérable. Ils aidaient pour apaiser les discordes intestines, donnaient de sages conseils pour la conduite à tenir avec les ennemis extérieurs, le tout accompagné de miracles où la légende doit avoir apporté une bonne part d’admirative exagération.
Autrefois Taourirt était entouré d’une muraille. On entrait et en sortait par les deux portes dont les noms sont restés, l’une s’appelait porte du côté de l’ombre « t-tabburt umalu », l’autre du côté du soleil « t-tabburt usammer ». Le mur qui entourait Taourirt s’effondra. On le reconstruisit. Peu de jours après, il était de nouveau par terre.
L’échec se produisit d’ailleurs plusieurs fois : le mur tombait et on le reconstruisait. Fatigués, les habitants de Taourirt dirent un jour à Sidi Lhadi pour quelle raison le mur s’effondrait à chaque fois. Sidi Lhadi fit alors le tour du rempart qu’il toucha de son bâton, et le mur tomba aussitôt. S’adressant aux habitants da Taourirt il leur dit « je vous ai entouré du rempart de la protection divine, si un malfaiteur pénètre dans votre village, il se fera prendre ». A ce jour tout voleur qui pénètre dans le village est immédiatement démasqué.
Une histoire de chat
Il y eut une fois une grande dispute dans Taourirt. Les villageois furent rassemblés et Sidi Lhadi s’adressant aux gens leur dit : « Je jure par mon ancêtre, Bou-Derbal, qu’il ne se produira plus aucune dispute, il n’y aura plus aucun dommage dans ce village, tant qu’un chat ne pourra pas sauter d’un toit de Taourirt sur un toit de Ouaghzen ».
Ouaghzen est un village avoisinant de Taourirt, ils sont séparés uniquement par un grand espace qui s’appelle Ighil Ouinni. Ainsi, dès qu’il y a quelques troubles, on se rappelle la parole de Sidi Lhadi, c’est une garantie jusqu’à maintenant. Mais il faudrait que les habitants du village de Taourirt prennent leurs précautions, parce que les bâtissent prennent de plus en plus de l’ampleur, et les deux villages se rapprochent de plus en plus, et cela deviendra facile aux chats de passer d’un toit à l’autre sans aucune difficulté.
Dispute pour un morceau de viande
Autrefois il y avait des des saints marabouts » imrabden n laali « qui faisaient des miracles. Les habitants de Taourirt firent un partage de viande. Cela se fit le soir. On rassembla les gens pour leur donner leur part de viande. Tous en eurent, sauf quelques familles qui furent oubliées. On courut prévenir Sidi Lhadj Lhadi, que Taourirt est sens dessus dessous. Il arriva portant son étendard, ils le laissèrent pénétrer parmi eux et se turent ; toute cacophonie cessa.
On lui expliqua ce qui était arrivé. Certains prirent la parole pour dire qu’ils avaient pas reçu leur part de viande et qu’on les avait oublié. Sidi Lhadi demanda alors à tout le monde de retourner chez eux, et que chacun rapporte sa part de viande à la tajmât. Certains furent obligés de la retirer de la marmite. On rapporta tout à tajmât et on recommença le partage. L’opération terminée, Sidi Lhadi les maudit en leur disant « vos timechret seront toujours insuffisantes ! » Et de fait même si on immole quatre bœufs il n’y en a pas plus que si on en avait immolé un seul.
Encore maintenant, lors des thimchret, les gens de Taourirt ont à peine de quoi mettre un peu de viande dans leur marmite tellement leur part est petite. Il ne fit pas que maudire Taourirt, on le conçoit, il ajouta le souhait suivant : « A y at Tewrirt, a ken- ig Rebbi am igeclal : win ichuffen, wayed ad yens ! A Ken-igeaal Rebbi am lqermoud : wa yettak i wa ! ». Que dieu vous fasse semblables aux soufflets de la forge, si l’un de vous s’excite, que l’autre l’apaise, qu’il vous fasse comme les tuiles qui se recouvrent mutuellement !On raconte encore beaucoup de choses sur Sidi Lhadi car la dévotion est grande envers lui. On affirme ainsi que, jusqu’à la guerre d’Indépendance, il a continué à faire l’appel à la prière, d’où le don de lfetra qui était fait à la fin du Ramadhan aux membres de sa famille.
L’histoire de la peste à Taourirt
Si Lhadi « Azidane », comme ces descendants l’appellent, revenait de la Mecque. Le village se porta à sa rencontre au lieu dit Ahchad-Boukouir. On le salua : la paix avec toi, ô Si Lhadj ! Dieu soit remercié de t’avoir ramené saint et sauf !Il répondit : et vous mes amis comment allez-vous ? Les habitants lui dire que la peste était dans le village et y faisait des ravages incroyables, tous les jours un enterrement ! Et ils se mirent à pleurer. Si Lhadi leur dit « la peste est terminée pour moi, je donne ma vie pour le village ». Il vécut encore peu de temps puis fut rappelé à Dieu. La peste avait fui, mais lui, était mort, que dieu ait son âme !
Sidi Lhadi, « celui qui portait des haillons rapiécés », voyant arriver le moment de sa mort, rassembla ses enfants. Si je montre leur dit-il, quelque signe de ma puissance, élevez-moi un mausolée ; si je ne manifeste rien, ne me bâtissez rien. Il mourut. Le lendemain, ses enfants virent un lion sur sa tombe, il tournait autour en délimitant les fondations. Alors ils achevèrent la construction miraculeusement commencée. Sidi Lhadi « en guenilles » n’est pas enterré dans la terre mais dans un cercueil. Son habit rapiécé on l’a déposé sous ce cercueil.
On dit que si deux hommes se disputent, on le retive et leur querelle s’arrête, et s’il ne pleut plus, qu’il y a de la sécheresse, on le prend et la pluie tombe, la sécheresse cesse. Le protecteur de Taourirt Ath Menguellat a, autrefois, implanté sa canne dans le lieu dit Lhara Nath Oudinare, et un grenadier y a poussé. A ce jour les propriétaires de cet endroit en prennent soin et personne n’a osé le ruiner.
Kahina Oumeziani