Günter Grass explique son silence aux habitants de Gdansk, sa ville natale

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L’écrivain allemand Günter Grass s’est expliqué sur son enrôlement dans les Waffen-SS à la fin de la Seconde guerre mondiale et sur son long silence autour de cet épisode de son passé, dans une lettre adressée au maire de Gdansk, sa ville natale.Mais, dans ce texte rendu public mardi en fin d’après-midi, l’écrivain, Prix Nobel de littérature en 1999, ne formule aucune demande d’excuse à la ville, devenue polonaise après 1945, dont il est citoyen d’honneur. « Dans mon aveuglement de garçon de 15 ans, je me suis déclaré partant pour le service sur un sous-marin. Je n’y ai pas été accepté. En revanche, en septembre 1944, à l’âge de 17 ans, j’ai été enrôlé dans les Waffen-SS, sans que j’aie eu un mot à dire. Bon nombre de gens de ma génération ont partagé un sort semblable », a expliqué Günter Grass. »Ce n’est que maintenant, avec l’âge, que j’ai trouvé la formule convenable pour en parler dans une perspective plus large. Ce silence peut être considéré comme une erreur (…), il peut être aussi condamné », a reconnu l’écrivain. « Je dois vivre aussi avec le fait que mon titre de citoyen d’honneur de Gdansk est remis en question », a-t-il ajouté. « Je voudrais cependant garder le droit de dire que j’ai compris la leçon douloureuse qui m’a été donnée dans ma jeunesse. Mes livres et mon activité politique en témoignent », a insisté M. Grass. L’aveu récent de Günter Grass sur son passé chez les Waffen-SS a fait beaucoup de vagues en Pologne. La droite conservatrice au pouvoir a annoncé des démarches pour dépouiller Grass de son titre honorifique de citoyen d’honneur de Gdansk. L’ancien chef du mouvement anti-communiste Solidarité, Lech Walesa, lui aussi Prix Nobel (de la Paix) et figure de Gdansk, avait dans un premier temps appelé Grass à rendre de lui-même sa distinction. Mais, mardi, à la lecture de la lettre il a changé d’avis. « Cette lettre m’a convaincu et, à compter de ce moment, je ne reste plus en conflit avec M. Grass. Je pense qu’il s’est suffisamment bien expliqué. J’espère que nous allons bâtir ensemble l’amitié entre les Polonais et Allemands, bâtir l’Europe », a déclaré M. Walesa aux journalistes. « Vous l’avez fait de manière courageuse. Il vaut mieux tard que jamais. Cela servira peut-être d’exemple aux autres », a-t-il ajouté en semblant s’adresser à Günter Grass. L’écrivain a aussi trouvé le soutien de bon nombre de personnalités en Pologne, notamment du président de l’épiscopat, l’archevêque Jozef Michalik, de la poétesse Wislawa Szymborska, prix Nobel de la littérature 1996, ou du directeur de la rédaction du quotidien Gazeta Wyborcza, Adam Michnik. Selon un sondage publié samedi, 58% des Polonais sont opposés à ce que le titre de citoyen d’honneur de la ville de Gdansk soit retiré à Günter Grass, contre 25% qui appuient cette idée. Günter Grass est né en 1927 à Gdansk, qui était alors la Ville libre de Dantzig, majoritairement habitée par des Allemands. Son roman le plus célèbre, Le Tambour, retrace l’histoire difficile de la cité dans l’entre-deux-guerres.

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