A la faveur de la rentrée scolaire, le nombre de vendeurs de fournitures scolaires va connaître un “boom” que justifie uniquement et essentiellement le côté lucratif de ce créneau. Sur des étals de fortune, par terre, entre deux librairies, cahiers, stylos et livres parfois sont exposés au regard des passants qui s’arrêtent à tous les coups, histoire de comparer les prix qui bien souvent sont les mêmes que ceux affichés en boutique par des professionnels dont c’est l’unique activité et qui de surcroît s’acquittent régulièrement de leurs impôts. Cette concurrence déloyale n’est pas la seule à venir piétiner les plates-bandes de la profession puisque, traditionnellement à pareille époque, se tient à l’ex-grande surface du Lac un souk, pompeusement appelé “foire de l’écolier”. Si la liberté de commerce est une donne incontournable, induite par la mondialisation-globalisation, elle devrait tout de même obéir à certaines règles dont celle de ne pas porter préjudice aux libraires patentés en les renvoyant à la soupe populaire. Hormis, le fait que les produits exposés sont souvent de piètre qualité, il est clairement établi que la différence des prix mise en avant est quasi nulle. De plus ces marchands ambulants offrent la particularité de n’être spécialisés en rien et de s’adonner au gré des saisons et des événements à tous les négoces : vendeurs de zalabia pendant le Ramadhan, maquignons à l’approche de l’Aïd El Adha, libraires, marchands de légumes, d’habits… souvent absents des registres fiscaux, ils ne rapportent pas un sou vaillant à la ville où ils exercent en toute liberté. En toute anarchie. Car être libraire, en vérité, n’est pas à la portée du premier venu. Gérer un espace important dans la chaîne du savoir n’est pas une sinécure. La rentrée chez ces messieurs se prépare longtemps à l’avance. Combien d’efforts consentis afin d’être prêts le jour “J”. Ce métier noble, se perd par la faute de prédateurs, toujours en quête d’un bon coup. Cette situation n’a été rendue possible que parce que du côté des pouvoirs publics, c’est l’inertie au nom d’une permissivité qui frise le laxisme. “C’est, disent-ils, le prix à payer pour garantir une paix sociale” au demeurant bien fragile. En favorisant la contrebande, c’est tout un pan de l’économie locale qui est mis à mal et en laissant faire les “chômeurs”, on en met d’autres, les libraires à la rue ! La profession malmenée depuis que le livre a disparu de leurs étals est en chute libre. Mais en serait-il autrement, dans un pays et, où l’essentiel du budget familial est consacré à la bouffe et où la nourriture de l’esprit n’a plus droit de cité. La réalité côtoie la fiction et un scénario du type Fahrenheit 451 est de plus en plus plausible.
Mustapha Ramdani