Nul n’est prophète dans son pays’’ dit le proverbe, mais la Kabylie a l’air de prouver le contraire, puisque, si l’on croit l’information donnée par la Dépêche de Kabylie du 7 septembre dernier, un prophète vient de surgir à Bechloul, dans la wilaya de Bouira, prêchant une religion nouvelle ! Ce prophète, s’il se dit envoyé aux Berbères, a la singularité de ne pas utiliser, comme les prophètes classiques, la langue de son peuple : son dieu s’appelle Kha, son livre révélé Koukhos et il écrit dans une écriture inconnue où, seul vestige de la berbérité, émerge le signe fétiche z. En fait de pareilles manifestations sont cycliques dans l’histoire des Berbères, où ‘’religion’’ a souvent rimé avec hérésie. Qu’on se rappelle le donatisme, à l’époque chrétienne ou le kharédjisme aux premiers temps de l’Islam. Il y a eu aussi, des ‘’religions’’ révélées comme celle du fameux Salih, qui, au 10ième siècle de l’ère chrétienne, a prétendu avoir reçu une révélation, avec un Coran en berbère, et un code de loi religieuse spécifique. C’est la fameuse religion des Berghawata, qui devait subsister. Un autre prophète, Ha Mim, nom tiré de lettres mystérieuses figurant à la tête de sourates coraniques. Lui aussi avait son livre, en berbère. Signalons que ces hérésies ont soulevé l’hostilité des musulmans orthodoxes, Arabes et Berbères, qui les ont combattu. Il est évident que le ‘’prophète de Bechloul’’ n’a pas l’envergure de ces hommes, fondateurs d’empires. Alors qu’en penser ? Fumisterie ? Délire ? Certainement les deux à la fois, mais aussi manipulation du besoin du sacré des foules et de leur goût de l’ésotérisme.
S. Aït Larba
