Les quêtes historiques de Tahar Oussedik

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Après une longue carrière dans l’enseignement, il se consacre à l’écriture. Ses écrits témoignent d’un esprit toujours curieux et avide de connaissance

C’est du côté de Sidi Naâmane que Tahar Oussedik naît en 1913. Sa famille était originaire de Ain El Hammam.

A la fin des années 30, il est instituteur dans un village de la wilaya de Médéa. Toute sa vie il aimera ce métier prenant et formateur. Pendant la deuxième Guerre mondiale, il se porte volontaire pour combattre le nazisme. A sa démobilisation, il reprend ses activités politiques au sein du mouvement national (PPA – MTLD) en même temps que son travail dans l’enseignement. Arrêté une première fois, en 1951, il déploie, pendant la guerre de Libération, une activité soutenue dans la clandestinité à Alger. Il sera arrêté et torturé par les paras de Bigeard. Trente six jours (36) jours de tortures et de souffrances atroces lui laisseront des séquelles. Il partageait la cellule du défunt Ali Boumendjel, assassiné sous la torture. C’est la mort de ce dernier et la campagne d’indignation qu’elle souleva qui permit aux 13 détenus survivants de cette geôle de 18 combattants algériens d’avoir la vie sauve. Il fut transféré au camp de Béni Messous. Une fois libéré, il décide de se réfugier en Tunisie pour continuer la lutte. Il rejoint les rangs de l’ALN, mais, à l’indépendance, renonce à son grade d’officier pour se mettre au service de l’école algérienne. Il assure plusieurs fonctions: instituteur, inspecteur, cadre à l’Académie d’Alger. A la retraite, il s’adonne à l’écriture et produit livre sur livre avant de partir le 23 octobre 1994 à Alger. Tahar Oussedik emprunta les chemins de l’écriture d’ouvrages historiques à caractère pédagogique. Une dizaines de livres écrits avec cette simplicité et cette clarté de style qui caractérise la communication éducative. Dans son charmant livre “les Poulains de la liberté”, l’écrivain fait voyager à travers le temps en racontant les premières heures de l’école algérienne.

L’ouvrage relate les heures de gloire des pionniers de l’école algérienne, confrontés à la forte demande en scolarisation au lendemain de l’indépendance. L’auteur y décrit le génie de débrouillardise et l’innocence enfantine des écoliers de l’époque.

Ensuite à sa manière, Tahar Oussedik revisetera l’histoire de l’Algérie: l’époque antique, Fatma N Soummer et bien des épisodes de l’hitoire millénaire de l’Afrique du nord.

« Sa vie a été pétrie de deux sentiments forts : l’amour de la patrie, depuis son village d’Asqif N Tmana et la foi en la jeunesse algérienne. A cette jeunesse, il a voulu dire qu’être Algérien, c’était se réclamer fièrement de la Kahina, de L’la Fathma N’Soummer, de Boubeghla, d’El Mokrani, de Malika Gaid et la lutte de Libération nationale. Ce message, il l’avait voulu, celui de la dignité et de la liberté », estime le quotidien la Dépêche de Kabylie. Il est l’auteur de plusieurs livres, notamment, les Berbères (tomes 1 et 2), Si Smaïl, Apologues, Des Héroïnes algériennes dans l’histoire, Le Royaume de Koukou, Oumerri, Mouvement insurrectionnel de 1871 et L’la Fadhma N’Soummer. A travers ces textes, il est parti à la conquête de l’histoire de l’Algérie sans être un historien de formation. Même s’il avait tendance à glorifier un peu trop l’histoire algérienne, il avait réussi à faire connaitre à de nombreux lecteurs des pans entiers méconnus de la réalité historique. Tahar Oussedik était fasciné par La Fadhma N Soummer. Héroïne du Djurdjura, cette femme est née dans un village proche de Ain El Hammam en 1830, quand a commencé l’occupation française. Son vrai nom est Fatma Sid Ahmed. Le surnom « N’Soummer » lui a été donné pour sa piété et sa force et aussi parce qu’elle a vécu dans le village de Soumer.

Le père de Fatma était le chef d’une école coranique qui était liée avec la Zawyia Rahmaniya de Sidi Mohamed Ibn Abderrahmane Abu Qabrein. Très jeune,

Fatma a mémorisé le Coran, simplement en écoutant les disciples de son père psalmodier les différentes sourates. Elle a été décrite comme très douée et possédant une mémoire stupéfiante.

A la mort de son père, Fatma a dirigé l’école coranique avec son frère Si Mohand Tayeb. Elle s’occupait principalement des enfants et des pauvres.

En plus de sa piété, sa sagesse et son intelligence remarquable, elle acquit une excellente réputation à travers les régions de Kabylie. Fatma avait seulement 16 ans lors de l’occupation de la Kabylie par les soldats français. La Kabylie fut conquise, non sans violents combats, comme les autres régions. Mais l’insurrection, menée par Fatma, reste une des plus importantes grâce à cette noble et brave combattante. Les Français l’ont surnommée « la Jeanne d’Arc du Djurdjura », une comparaison que la pieuse Fatma n’a pas acceptée. Armée d’une foi infaillible, elle s’est jetée dans les batailles sanglantes pour repousser l’ennemi. En 1854, à Oued Sebaou, Fatma, alors âgée de 24 ans, a donné à l’armée française une leçon de détermination et de courage, bien que celle-ci soit largement supérieur en nombre et matériel) Pendant cette fameuse bataille, menée par Mohamed El Amdjed Ibn Abdelmalek (surnommé Boubaghla), qui n’avait su enlever aux troupes françaises leur avantage, Fatma, à la tête d’une armée de femmes et d’hommes, a vaincu et mené son peuple à la victoire, victoire louangée à travers toute la Kabylie. Des mosquées, zawiyas et écoles coraniques s’élevaient de retentissants chants pieux en l’honneur de l’héroïne du Djurdjura.

Le Général Randon, qui n’accepte pas cette défaite, demande aux habitants d’Azazga de l’aider à trouver la cachette de Fatma N’Soummer « pour en finir avec sa légende et ses méfaits ». La réponse faite à son émissaire fut : « Allez près de celui qui vous envoie et dites lui que nos oreilles n’entendent pas ce langage qui nous demande de trahir ». A cette réponse, le Général Randon dit : « Puisqu’ils sont restés sourds à nos appels, je vais leur faire entendre le son des canons ».

Fatma N’Soummer ne se rendit pas. Et même, après la prise d’Azazga par Randon et les féroces répressions de ses troupes, elle mobilise la population et livre plusieurs batailles. Elle appelle le peuple à « frapper pour l’Islam, la Patrie et la Liberté. Ce sont nos constantes et elles sont sacrées. Elles ne peuvent être l’objet de concessions ou de marchandages. » Sa forte personnalité a eu une grande influence à travers toute la Kabylie, montrant le chemin par le sacrifice et la détermination de la population durant les batailles, spécialement celles d’Icherridene et Tachkrit, où les troupes ennemies subirent de graves défaites. Lors de la dernière victoire kabyle, le 18 Juillet 1854, les pertes pour l’ennemi furent lourdes : 800 morts dont 56 officiers et 371 blessés. Finalement, Randon demande un cessez-le-feu, accepté par Fatma N’Soummer, une décision stratégique militaire et politique. Elle planifie d’utiliser cette période de cessez-le-feu pour réorganiser et renforcer ses troupes. Les champs sont labourés et semés, des fabriques d’armes émergent à travers tout le pays. Cependant, ce cessez-le-feu, comme tous les précédents, n’est pas respecté par les Français. Après trois ans, en 1857, les Français ayant aussi réorganisé leur armée, lancent des attaques contre plusieurs grandes villes qu’ils gagnent. Ce sont ces pages glorieuses de notre histoire que Tahar Oussedik aimait raconter.

Farid Ait Mansour

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