Bernard Frank, écrivain, journaliste, chroniqueur, décédé vendredi à Paris à l’âge de 77 ans, avait prêté sa plume aux plus grands journaux français, à commencer par la revue Les Temps Modernes du philosophe Jean-Paul Sartre.
Classé dans le groupe des « hussards » avec Roger Nimier et Antoine Blondin, Bernard Frank est mort d’une crise cardiaque foudroyante dans un restaurant du 8ème arrondissement de Paris.
Il était né à Neuilly-sur-Seine le 11 octobre 1929, dans une famille de juifs laïcs et aisés, et avait passé les années de guerre en Auvergne, avant de retrouver Paris en 1946. Après son baccalauréat, il était brièvement entré en Hypokhâgne au lycée Pasteur avant d’en être renvoyé pour mauvaise conduite. A 20 ans, il rencontre Jean-Paul Sartre qui lui confie, à titre d’essai, la chronique littéraire dans sa revue Les Temps Modernes où il restera un collaborateur épisodique jusqu’à la publication de son roman Les Rats (1953).
De cette relation, il dira que « c’est une histoire classique du numéro littéraire, un rapport classique maître-élève ». L’auteur d’un Siècle débordé, Prix des Deux-Magots 1971, pratiquait l’art de la digression, dans la conversation et dans ses chroniques régulières dans Le Monde qu’il considérait comme une « correspondance du coeur, une sorte de contre-poids « .
Prix Roger Nimier pour l’ensemble de son oeuvre en 1981, il se disait prêt à mettre « la main au feu que la littérature est du côté du bon plaisir ».
A La géographie universelle, publiée pour la première fois en 1953, il ajoutera lors d’une réédition Pense bête, écrit en décembre 1988.
Autre attribut de Bernard Frank, l’impertinence : « Je ne crois pas être méchant. Je vois toujours la faille », déclarait-t-il dans un entretien à l’AFP en 1989, en se passant les doigts dans sa toison poivre et sel, s’ébouriffant, cherchant ses mots ou plissant les yeux.
Désabusé et désinvolte, « j’avais une grande prétention d’écrivain et je me suis rendu compte que ce n’est pas si important. Je suis la survie d’une marque », confia-t-il alors, « je ne suis pas chez moi avec les autres ». De son roman L’Illusion comique, écrit en 1953 et réédité en 1989, il disait: « C’est avec ce roman que pour un bon bout de temps, j’ai cassé ma plume ».
Pendant plusieurs années, il collabora au Matin de Paris jusqu’en 1985 et Bertrand Poirot-Delpech, feuilletoniste du Monde, avait commenté le ton de ses chroniques en y discernant « une liberté et une malice dignes de Léautaud ».
Selon l’ex-épouse de l’écrivain, Mme Vernier-Palliez, Bernard Frank venait d’achever sa prochaine et dernière chronique pour le magazine hebdomadaire Nouvel Observateur, auquel il collaborait depuis des décennies.
Jean Daniel, directeur du Nouvel Obs, se souviendra de Bernard Frank comme « la conjonction d’un amour de la littérature avec le goût de la vie, des bons vins, c’était quelqu’un d’infiniment drôle, dont le goût était très sûr, et dont l’indépendance était notable, le contraire d’une société de connivence ».
Celui qui a longtemps vécu en déménageant sans cesse, également au côté de l’écrivain Françoise Sagan, avait posé armes et bagages à Paris et comptait à son actif une douzaine de livres, romans et essais.
