“Les Bienveillantes”, une fresque dérangeante

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Premier roman écrit en français par un Américain de 39 ans issu d’une famille d’origine juive polonaise, Les Bienveillantes (Gallimard) a été plébiscité par le public tout comme pour la critique, quasi unanime pour saluer un livre exceptionnel. Littell livre sur plus de 900 pages les confessions d’un ancien officier SS, Max Aue, qui a participé méthodiquement à l’extermination des juifs d’Europe. Aue raconte, sans remord, comment il est devenu un monstre : « Je suis un homme comme vous. Allons, puisque je dis que je suis un homme comme vous ! ».

Les Bienveillantes combine les dimensions psychologique et administrative du nazisme, avec ses rouages et ses exécutants. Le manuscrit a d’abord été adressé à quatre éditeurs parisiens: trois l’ont refusé, mais Gallimard s’y est tout de suite intéressé. Sorti le 21 août, avec un premier tirage de 12 000 exemplaires – « Je pensais en vendre 3 000 », a confié Littell à l’AFP – le roman a emballé la critique. Mais le cinéaste Claude Lanzmann, l’auteur de Shoah, a aussitôt mis en garde contre cette « vénéneuse fleur du mal », en s’inquiétant de la façon dont le livre peut être reçu. D’autres ont pris position depuis, pour ou contre. « Littell, pas si bienveillant », affirmait fin octobre dans Libération l’historien Florent Brayard, en reprochant à l’auteur de « souiller » la mémoire des victimes.

« Non, +Les Bienveillantes+ ne comportent nulle fascination pour la barbarie », rétorquait quelques jours plus tard Jean Solchany, spécialiste de l’histoire de l’Allemagne, dans un « Plaidoyer pour Littell » publié dans Le Monde. Fondamentalement contre la polémique à la française », Jonathan Littell, qui vient de s’établir à Barcelone, a refusé d’entrer dans la controverse. Evénement éditorial de la rentrée, Les Bienveillantes a également bouleversé l’équilibre économique traditionnel de l’édition française et semble promis à une belle carrière internationale. Le roman a été distingué dès l’ouverture de la saison des prix, le 26 octobre, par le Grand prix du roman de l’Académie française. Avec 250.000 exemplaires vendus avant même le Goncourt, Les Bienveillantes est une manne pour son éditeur, Gallimard. Mais contrairement à l’usage en France, c’est l’agent londonien de Littell, Andrew Nurnberg, qui dispose des droits d’édition du livre dans d’autres pays.

Fort de son succès français, Les Bienveillantes a ainsi été au centre des discussions début octobre à la Foire du livre de Francfort, le plus grand marché international du livre. Les droits du roman ont déjà été vendus pour l’Allemagne – pays pour lequel Littell attend beaucoup de savoir comment son livre sera reçu -, plusieurs autres pays d’Europe, mais aussi Israël. Mi-octobre, ils ont également été cédés pour les Etats-Unis et la Grande-Bretagne. Après avoir longtemps hésité, Jonathan Littell aurait renoncé à traduire lui-même son livre en anglais.

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