“40% de la fiscalité échappe à la collectivité”

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“Il faut que l’Etat mette la main dans la poche afin d’assurer un accompagnement et permettre aux entreprises de faire face à cette concurrence de l’étranger, sinon des pans entiers de l’industrie vont disparaître», a averti Omar Ramdane, président du Forum des chefs d’entreprise à propos de la politique de mise à niveau des entreprises algériennes, lors de son passage, avant-hier, au Forum de la Chaîne II de la Radio nationale. Tout en estimant ne pas être contre cette ouverture, M. Ramdane l’a qualifiée de “trop brusque”. “On n’a pas pris la peine de consulter les entreprises. Le FCE a transmis sa conception de la mise à niveau des entreprises concernées, mais on n’a pas été suivi sur ce sujet”, a-t-il déploré. Parmi les secteurs sinistrés, le président du FCE citera celui du textile, du cuir et de la plasturgie. Selon lui, la politique de l’Etat relative à la mise à niveau des entités industrielles défaillantes se résume à l’établissement de diagnostics par l’intermédiaire des bureaux de consultation. «Il faut accompagner ces entreprises dans la formation et l’acquisition des équipements», a-t-il recommandé, ajoutant que dans le cas contraire, d’autres secteurs à l’instar de l’agroalimentaire et de la mécanique en courent le risque de disparaître. «Aucune branche ne peut résister longtemps», a-t-il tranché. S’agissant de la politique industrielle des pouvoirs publics, M.Ramdane a tenu à rappeler que son organisation, qui regroupe 154 chefs d’entreprise nationaux et étrangers, a eu déjà à soumettre un document au gouvernement dans lequel figurent de nombreuses recommandations. A ce propos, l’invité de la Chaîne II a considéré «inconcevables» les taux d’intérêts élevés appliqués par l’Etat, en soulignant que les industriels se plaignent des difficultés rencontrées dans l’accès au foncier. D’après lui, le recours des pouvoirs publics à la vente aux enchères est une «aberration». Le patron du FCE a indiqué qu’il y a lieu d’agir sur l’organisation du marché afin d’en faire un espace encadré et régularisé. «Personne ne viendra investir là où il y a une économie informelle», dira-t-il avant de relever que la réalisation prochaine de l’autoroute Est- Ouest va offrir la chance de créer autant de zones industrielles et permettre le désenclavement des régions isolées. Intervenant au sujet du régime fiscal algérien considéré comme l’un des plus complexes dans le monde par M. Lars Thunnel, vice-président exécutif à la Banque Mondiale, en visite de travail à Alger, M. Ramdane a révélé, en confirmant ce constat, que 40% de la fiscalité échappe au Trésor public. «Il y a un problème d’organisation fiscale et d’imposition», a-t-il noté. Sur le chapitre du processus de privatisation, le premier responsable du FCE a estimé à 400 le nombre d’entreprises privatisées sur un total de 1 200 entités. 70 % des repreneurs sont des nationaux, a-t-il renchéri. A en croire ses propos, il faudra encore 20 ans pour pouvoir privatiser l’ensemble des entreprises. Selon lui, il y a anguille sous roche puisque ces mêmes entreprises auront à perdre leurs parts de marché ainsi que leurs mains- d’œuvre. Pour remédier à cette situation, M. Ramdane a suggéré une série de propositions, à savoir revoir la durée de payement, assurer un accès facile au crédit et donner certaines entreprises défaillantes au dinar symbolique.

A défaut d’une telle démarche, l’hôte de la Radio a prévenu que le risque qu’encourent lesdites entreprises va davantage perdurer. Plus loin, M. Ramdane assène une autre vérité : si l’Etat se doit de relever le SNMG pour relancer le pouvoir d’achat des citoyens, il ne doit pas toutefois, d’après lui, se mêler des salaires dans le secteur économique, privé ou public. Sur un ton plus critique, le président du FCE n’est pas allé par quatre chemins pour déplorer l’absence d’organismes, neutres et crédibles, chargés de l’élaboration de rapports chiffrés autour de la croissance, de l’inflation et le chômage. «Il y a des chiffres, beaucoup de voix ne sont pas d’accord», a-t-il constaté avant de relever qu’il faut «entre 7 et 8 % de taux croissance sur une durée de 10 années pour pouvoir ramener le taux de chômage à un niveau gérable». Sur un autre registre, le président du FCE a fait savoir qu’il est «anormal» que les pouvoirs publics refusent aux entreprises d’acheter des services à l’instar des brevets. «Les entreprises nationales sont extrêmement ébranlées par la perte de change depuis 1991 jusqu’aujourd’hui. Les pouvoirs publics sont insensibles au traitement de ce problème», a-t-il relevé. Pour ce qui est de la non-participation du FCE aux travaux de la tripartite, M. Ramdane a souligné que c’est une «décision volontaire» et non pas une «exclusion». «Notre rôle est de faire des suggestions argumentées. Comme ça, on ne vient pas nous dire que nous n’avons pas contribué», a-t-il précisé. Invité à donner son avis sur les récentes analyses de certains anciens ministres, qui reprochent à l’entreprise algérienne de ne pas faire assez d’efforts et favoriser beaucoup plus le circuit familial, le patron du FCE a estimé que ceci n’est pas “une tare”. “Il faut faire la différence entre le marketing et le propriétaire”, a-t-il conclu.

Hocine Lamriben

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