Quand la poésie rencontre la liberté

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Comme Louis Aragon, il fut partie prenante de tous les grands bouleversements de son époque, aussi bien littéraires que politiques. Dadaïste, co-fondateur du Surréalisme avec Breton, chantre de la Résistance (en particulier avec son poème mondialement connu Liberté), militant communiste, célébrant avec une ferveur qui fut parfois jugée naïve et même dangereuse, les luttes pour un monde plus juste, fondé sur l’amour et le partage, il connut son heure de gloire pour des raisons qui sont parfois plus politiques que poétiques, et subit à l’heure actuelle une sorte de purgatoire, pour des raisons souvent plus politiques que poétiques. En témoigne le quasi-silence qui a entouré son centenaire.

Toutefois, l’auteur de l’Amour la Poésie est loin d’avoir dit son dernier mot, qui est un mot d’amour et de poésie. C’est ce que pense Piers Tenniel de ce monument poétique qu’est Eluard. Eugène Grindel, dit Paul Eluard est né en 1895 à Saint-Denis. En décembre 1912, il doit interrompre ses études, et se rend en Suisse, pour soigner une tuberculose. Il y fait la connaissance d’une jeune fille russe, Helena Dmitrievna Diakonava, dont il tombe amoureux. Il la surnomme Gala et l’épouse en 1916. Durant la première guerre mondiale, il est mobilisé, et est envoyé sur le front comme infirmier. Il est le témoin de terribles hécatombes. Il publie Le Devoir, recueil signé Paul Eluard, du nom de sa grand-mère maternelle. Il y exprime son horreur de la guerre; effroi qui ne le quittera plus. Après la guerre, il fait la connaissance d’André Breton, de Louis Aragon et de Soupault. Il va contribuer, quelques années plus tard, à la création du groupe surréaliste, dont il sera l’une des figures les plus marquantes. Il côtoie également les grands peintres de son époque : Dali, Picasso, Chirico et Max Ernst, qui sera pour lui à la fois un grand frère et un modèle. Eluard participe activement au mouvement Dada (mouvement fondé en 1916 par le poète roumain Tristan Tzara et qui est venu s’installer à Paris en 1919), puis au mouvement surréaliste.

En 1924, il disparaît mystérieusement juste avant la publication de Mourir pour ne pas mourir. Il s’est embarqué, sans prévenir ses proches, à Marseille pour un voyage autour du Monde. Gala et ses amis le croient mort. Ce voyage dure sept mois. En 1930, Gala le quitte pour Dali. Eluard rencontre Maria Benz, à qui il donne le surnom de Nusch. Il l’épouse en 1934. Nusch, est sa nouvelle muse, une nouvelle histoire d’amour qui va durer jusqu’en 1946. Eluard adhère, en 1926, au parti communiste avec d’autres surréalistes. Il s’en fera exclure en 1933.

En 1932, il publie La Vie immédiate, en 1934 La Rose publique, en 1936 Les Yeux fertiles et en 1938, Cours Naturel dont l’un des poèmes, La Victoire de Guernica est inspiré par le célèbre tableau de Picasso.

Durant la seconde guerre mondiale, Eluard est l’un des grands poètes de la Résistance. Il publie, dans la France occupée, de nombreux textes de réconfort et de lutte. En 1942, il publie clandestinement Poésie et Vérité qui contient le célèbre poème Liberté que les avions anglais parachutent dans les maquis.

A la libération, il est fêté par tous. L’année suivante, la mort de Nush provoque son désespoir, et le fait songer au suicide. Il meurt en 1952, suite à une crise cardiaque. Eluard a publié entre 1916 et 1952 plus de 100 recueils, dont une dizaine de recueils majeurs. Il incarne à la fois le poète de l’amour et le poète révolutionnaire, et est considéré comme l’un des grands poètes français du vingtième siècle. « C’est le mérite de la poésie qui a mille petites portes de planches pour une porte de pierre, mille sorties au jour le jour pour une gloire triomphale », estime ce grand poète. « J’ai quinze ans, je me prends par la main. Conviction d’être jeune avec les avantages d’être très caressant. Je n’ai pas quinze ans. Du temps passé, un incomparable silence est né. Je rêve de ce beau, de ce joli monde de perles et d’herbes volées.

Je suis dans tous mes états. Ne me prenez pas, laissez-moi. Mes yeux et la fatigue doivent avoir la couleur de mes mains. Quelle grimace au soleil, mère Confiance, pour n’obtenir que la pluie. Je t’assure qu’il y a aussi clair que cette histoire d’amour: si je meurs, je ne te connais plus », affirmait cet artiste au coeur si généreux.

Dans un autre poème, il confie: « On dit que la robe des robes partout se pose et se repose, que la toilette est aux yeux du dimanche, que le repos suit la pente des bras. Toilette fine pour visites, propreté chez les autres, robe de tenue droite avec un paquet. Robe mise, porte ouverte; robe ôtée, porte fermée ». Pour terminer, il est inutile de rappeler qu’un détour en direction de la poésie d’Eluard est, à bien des égards, salvateur.

Farid Ait Mansour

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