Passé le Ramadhan, mois durant lequel » les champions des aides sociales « , la DAS et le C-RA, distribuent à grand renfort médiatique des couffins alimentaires et organisaient la » meidat el hillal » afin d‘offrir une soupe chaude aux nécessiteux, personne ne se souvient des démunis, même face à la rudesse de l’hiver et à la veille de fêtes religieuses. Dans la commune de Mizrana, comme un peu partout ailleurs dans le pays, des dizaines voire des centaines de familles démunies continuent de se priver de l’essentiel pour joindre les deux bouts à la fin du mois et/ou éviter l’endettement excessif.
Cette année, le calendrier des dépenses est si serré qu’il n’a laissé aux ménages vivant dans la précarité aucun répit : après les fêtes de l’été, c’était la rentrée scolaire qui a raclé les fonds des portes monnaies. Le mois sacré a suivi juste après et les dépenses explosèrent pour atteindre leur paroxysme avec la fête de l’Aïd Esseghir. Deux mois et demi plus tard et nous sommes à la veille de l’Aïd El Kebir, la plus coûteuse des fêtes musulmanes. Durant tout ce temps, les pauvres ménages ne font que collectionner les privations et les frustrations. Sur le plan psychologique, chez ces oubliés de Dieu qui vivent très douloureusement les privations, c’est l’enfermement sur soi, la résignation fardée et l’inutile culpabilité. Car, ils savent pertinemment que personne ne viendra les sortir de leur embarras. En ce froid de canard, les ménages en question ne mangent pas à leur faim et ne se chauffent pas non plus. La DAS et le C-RA leur ont tourné le dos comme si la remise du couffin alimentaire durant le début de Ramadhan a mis fin à leur condition effroyable. Pour eux, l’espoir d’une condition meilleure se place désormais dans une perspective lointaine et quelque peu divine. Les familles de ces chômeurs, travailleurs à mi-temps, recrutés dans le cadre du filet social ou handicapés bénéficiant de l’allocation forfaitaire de solidarité, 1000 dinars mensuels, ou encore tout simplement touchant le SNMG, souffrent en silence tout en enviant les voisins dont le faste affiché est souvent le fruit de la corruption ou autres malversations douteuses. Aussi, pour permettre aux enfants de s’habiller et de passer la fête » comme les autres « , les parents se rabattent sur les magasins de friperie et se passent du mouton rituel suivi de tout un chapelet de choses à écarter, à commencer par les jouets…
Notre société fonctionne, en ces temps de crise, comme une véritable jungle soumise au règne de la loi du plus fort et où les organismes publics jouent, à la limite de leur territoire, aux méchants prédateurs. En effet, il y a moins de quinze jours depuis que les factures de Sonelgaz sont arrivées dans les foyers. Cette entreprise dont l’efficacité reste toujours à prouver lorsqu’il s’agit d’assurer un service digne de ce nom s’empresse pourtant d’envoyer ses techniciens harceler les pauvres pour payer la facture de plus en plus salée » faute de quoi ils seront privés de cette énergie « . Durant les nuits noires ou les journées sans courant qui fait perdre le travail aux artisans, Sonelgaz ne se sent aucun devoir de solidarité envers ces citoyens qui calculent seuls leurs pertes. Il est fort possible que de pauvres ménages passeront la fête dans le noir.
Mais, tout compte fait, Sonelgaz ne fait que demander son dû. Seulement, est-il humainement pensable que des pauvres ménages seront privés de l’énergie électrique en ce froid rigoureux et à l’approche des fêtes par une entreprise publique dans un pays qui annonce thésauriser plus de 70 milliards de dollars ? Est-il imaginable qu’aucun organisme ni association ne viennent épauler ces malheureux ? Pour ceux qui ont déjà tout perdu, il reste l’aumône des voisins…Bonne fête quand même !
G.M.
