La caisse d’Hussein Dey créée par téléphone

Partager

Le procès de la caisse principale de l’affaire Khalifa a bouclé déjà sa première semaine et l’opinion publique reste sur sa faim après les premières révélations déroutantes, lesquelles mettent en cause des personnalités de tout bord. L’audience d’hier a été consacrée à une confrontation entre les accusés et certains témoins. La présidente du tribunal, Mme Fatiha Brahimi, a fait appel à Said Boumechehour, ancien inspecteur et membre de la commission de l’inspection intérieure de la banque El Khalifa, en sa qualité de témoin. Celui-ci affirmera d’emblée qu’il y avait des agences où il y a beaucoup d’anomalies à l’exemple de crédits sans garanties, en précisant que le registre des comptes et la journée comptable doivent figurer parmi les pièces devant être dans la caisse principale. « Il n’y avait pas de suivi », constate-t-il. Interrogé par la juge concernant son travail avec Youcef Youcefi, inspecteur à la banque Khalifa, Boumechehour a fait savoir que son chef hiérarchique a été muté alors qu’ils étaient en pleine mission dans la wilaya de Sétif. Mme Brahimi veut en savoir plus sur le fonctionnement des agences notamment celle d’Oran. « Ce que j’ai trouvé à Oran était désorganisé », répond-il, en citant quelques anomalies particulièrement en matière de crédit. Il précise qu’il y a eu beaucoup de dépassements sans q’il y ait pour autant des garanties. Après la constatation des irrégularités, la magistrate l’interroge sur sa démarche auprès de ses supérieurs. « J’ai établi un rapport que j’ai envoyé à Mir Ahmed. » Alors, votre travail se limitait-t-il à la constation des anomalies ?, interroge Mme.Brahimi. Affirmatife, répond le témoin. Pour plus d’éclairage, la présidente de l’audience demande à Mohamed Chebli, caissier général de la caisse principale, assis au box des accusés, de s’exprimer sur les 11 EES (écritures entres sièges). « Personne ne me les a demandées. J’étais responsable des journées comptables », rétorque-t-il. Toutefois, Akli Youcef, caissier principal de son état, avoue ne pas avoir remis les 11 EES à la commission d’inspection installée par Mohamed Djellab, administrateur provisoire de la banque Khalifa à l’époque de sa faillite. Il soutient qu’il y avait beaucoup d’écritures qui représentaient environ un milliard de dinars, notamment au niveau des agences d’Oran, El Harrach et les Abattoirs. A la question de savoir quand l’argent transitait de la caisse principale vers l’agence de Hussein Dey, celui-ci dira que ces sommes étaient acheminées durant la journée. La présidente s’autorise un constat : « Vous aviez fait 11 avis bancaires pour camoufler le déficit. » Akli tente vainement de se disculper : « Ce n’était pas un déficit, c’est une régularisation. » Pour enfoncer le clou, la magistrate demande à l’accusé si une fois il s’était posé la question qu’il était en train de délivrer de l’argent sans justificatifs et signatures. Akli s’est montré évasif. « Qui devait justifier ces sommes ? « , interroge encore, Mme Brahimi. « Baichi m’a promis de me ramener les justificatifs », se défend-il. Par ailleurs, Hassan Hammache, interpellé, comme étant formateur à l’agence de Chéraga rappelle que Mohamed Djellab a fait appel à lui pour une inspection de la caisse principale, en précisant par contre qu’il n’est ni inspecteur, ni collaborateur. « On a fait un tour d’horizon dans la caisse. Cela m’a étonné de trouver 1 200 DA de déficit et 400 francs suisse d’excèdent. J’ai félicité Akli puisque la situation est claire. J’e lui avait demandé si on t’a envoyé les EES. Il m’a répondu par la négative », raconte M.Hammache. Concernant ces EES, le témoin estime qu’ils se sont rendus auprès du service informatique pour avoir les suspends de la caisse principale avant de saisir la comptabilité. « Nekkache Hammou m’a dit qu’il avait des EES non justifiés qu’il avait rejeté vers la caisse. Alors nous avons fait notre rapport », explique-t-il. La juge lui demande s’il a vu les montants figurant sur ces écritures bancaires. « Si ma mémoire est bonne, c’est deux milliards de dinars », estime-t-il, soulignant que la loi exige, que les agences transmettent les EES accompagnées de l’argent. Par contre, la magistrate relève que Akli à déjà affirmé que des agences envoient des ESS sans fonds. Intervenant de son côté, le représentant du ministère public lui demande ou etait mis le surplus de liquidité. « En principe, il ne doit pas y avoir de surliquidités. », répond-il. La loi est-elle respectée dans ce cas -là ? Négatif rétorque M.Hammache. Voulant chasser le doute de son esprit, Mme Brahimi tente de savoir si Hammache demande à Akli s’il a les 11 ESS. « Il m’a dit qu’il n’a pas les écritures entre siège », lance le témoin. A la question de savoir s’il imaginait que de l’argent sortait de la caisse sans laisser de trace, Hammache estime impossible une telle opération. « Il faut qu’il y ait des justificatifs. » martele-t-il. Plus loin, ce dernier trouve « inconcevable » que le golden boy algérien, Moumen Khalifa, toujours en cavale en Grande Bretagne, ait eu à recuperer de l’argent dans des sachets. « Il aurait pu passer par des procédées légaux. On aurait pu faire des écrits », note-t-il. Encore interpellé par la magistrate, Akli Youcef révèle que le P-dg de Khalifa Bank lui téléphonait pour lui demander de faire le transfert du surplus d’argent de la caisse principale vers l’agence de Hussein Dey. La magistrate avance que cette opération aurait dû être effectuée sur la base d’écrits. Niet. Déconcertée, Mme Brahimi demande à Akli qu’aurait-t-il fait si Moumen lui demandait de lui ramener l’argent à sa villa. Hésitant, l’accusé répond : « J’aurais pu le faire. » Abordant le sujet du gel des transferts des fonds vers l’étranger par la Banque centrale, la juge affirme qu’il aurait été logique d’informer la clientèle de cette décision. Ce que la banque Khalifa n’a pas fait. Cet état de fait a favorisé l’abondance de liquidités, lesquelles, conclut la magistrate, étaient transférées vers l’agence de Hussein Dey. Pour sa part, Akli souligne que malgré le gel du transfert de fonds vers l’étranger, le 27 février 2003, la Banque Khalifa avait continué à verser de l’argent à la banque d’Algérie quelques jours encore après le gel jusqu’a ce que Khalifa lui demande par téléphone d’arrêter le versements. Mme Brahimi veut savoir si une personne étrangère avait bénéficié de l’argent. « Jamais » rétorque l’inculpé.

Hocine Lamriben

Partager