»Keramane et Leksaci savaient”

Partager

Le tribunal criminel près la cour de Blida a repris, hier, son audience avec l’audition de Mohamed Khemoudj, inspecteur genéral à la Banque d’Algérie et memebre de la Commission bancaire, dans la cadre du procès de la caisse principale de la banque Khalifa, ouvert depuis le 8 janvier dernier. Khemoudj estime que la mission des membres de la Commission bancaire est de faire le contrôle des pièces et l’évaluation des risques de la banque El Khalifa. La présidente de l’audience veut savoir l’identité de celui qui a donné l’ordre pour cette commission d’entamer son travail. “L’ordre est venu de M. Abdelwahab Keramane”, répond Khenoudj et d’ajouter que le premier contrôle est intervenu entre mars et juin 1999. Mme Brahimi opine en déclarant que celui-ci est intervenu une année après la création d’El Khalifa Bank. Elle tente de savoir s‘il y a des contrôles périodiques permanents. Khenoudj affirme qu’il y a un programme annuel de la charte du travail de la commission, à travers lequel un maximum d’informations et de statistiques sont récoltées. “Est-ce que les chiffres venaient de la banque Khalifa ?”, demande la juge. Le témoin note que ces chiffres arrivaient avec du retard. “Sont-ils admissibles ces retards ?”, enchaîne Mme Brahimi. “De façon théorique, il est inadmissible”, résume-t-il. La présidente lui demande si les ordres ont été émis verbalement ou par écrit. Le membre de la commission bancaire indique que le Gouverneur de la Banque d’Algérie peut émettre un ordre verbal alors que le président de la commission doit le consigner par écrit. Selon Khenoudj, la commission bancaire a fait 10 contrôles au niveau de la banque Khalifa.

Violations et dépassements de la loi

Durant la première opération de contrôle, un constat “d’insuffisances”, rappelle Khenoudj, a été établi et transmis au Gouverneur de la Banque d’Algérie de l’époque, Abdelwahab Keramene. “La Banque d’Algérie a donné du temps pour la banque Khalifa dans l’espoir de prendre en charge les insuffisances”, note Khemoudj. La présidente du tribunal intervient pour changer de sémantique au sujet des insuffisances constatées par la commission d’inspection en citant l’article 139 de la loi sur le crédit relatif au changement des dirigeants de la banque El Khalifa. “Vous dites insuffisances ! Je ne dis pas insuffisances mais une violation de la loi”, clame-t-elle et d’ajouter à l’encontre de Khenoudj : “Vous avez remarqué une violation. Vous devez prendre les dispositions adéquates.”, Mme Brahimi, comme pour appuyer ses dires, cite un autre cas d’entorse envers la loi. “Khalifa n’avait qu’un seul commissaire aux comptes alors que la loi lui en impose deux”, estime-t-elle. Celle-ci veut savoir ce que voulait dire Khemoudj lorsqu’il évoquait devant le magistrat instructeur l’inexpérience et la non-maîtrise de la gestion des risques. “C’est une situation non maîtriséé”, observe-t-il. Khemoudj affirme qu’une seconde opération de contrôle a eu lieu en janvier 2000 dans le but de s’assurer si la banque Khalifa avait regularisé à sa situation litigieuse. “Il y a pas eu d’amélioration, c’est le constat essentiel”, résume l’inspecteur de la commission bancaire Il révèle également que le système d’information de la banque Khalifa n’était pas été fiable. Mme Brahimi prend la parole pour dire que la situation allait de pire en pis. Khemoudj tente de relativiser l’étendue des violations. “Des choses ont été prises en charge alors que d’autres ne l’ont pas été.”, dira-t-il. A la question de savoir ce que devait faire la Banque centrale vis-à-vis de la loi, Khemoudj a fait savoir que des institutions étaient chargés de ce volet comme pour évacuer sa responsabilité, laquelle, selon lui, se résume à l’établissement de constats avant de les communiquer à la hiérarchie. La magistrate lui demande alors de donner son avis concernant les comptes d’ordres. Avant-hier, le liquidateur avait soutenu que 92 % de ces comptes ne respectaient pas la procédure. Khemoudj estime que ces comptes se sont multipliés. La présidente du tribunal veut savoir s’il était légal que Abdelwahab Keramene reçoive Khalifa dans son bureau d’autant plus que ce dernier était l’auteur de plusieurs de violations. Voulant défendre son supérieur, Khemoudj rappelle que le gouverneur de l’époque a interpellé le P-DG de Khalifa Bank pour lui communiquer le constat de la commission bancaire.

Mme Brahimi veut savoir si la commission bancaire a été saisie. Khemoudj répond par l’affirmative. D’autres opérations d’inspection de la banque Khalifa ont suivi par la suite. Celles-ci ont relevé, d’après les affirmations de Khemoudj, de nombreuses violations et autres dépassements relatifs à la législation bancaire et à la loi sur la monnaie et le crédits. A cet effet, Mme Brahimi lui rappelle ses déclarations au juge d’instruction concernant le non-respect par la Banque Khalifa du système de déclaration de transferts à la banque d’Algerie et l’organisation du commerce extérieur n’a pas été éffectué sur la base d’un véritable contrôle. Elle évoque aussi, aux chapitres des transgressions, le transfert des avoirs sans l’aval de la Banque d’Algérie. Khemoudj estime que face à tous ces dépassements, c’était au ministre des finances de déposer une plainte. “A-t-il été informé ?”, interroge la magistrate. Le témoin déclare ignorer ce fait. Mme Brahimi rappelle que la loi 90-04 relative aux crédits impose à celui qui constate les violations de la loi de déposer plainte. Sans répondre à cette question, Khemoudj dit ignorer la loi mais reconnaît toutefois que l’on se doit de saisir la justice devant un délit ou une infraction. L’inspecteur général de la Banque d’Algérie révèle que des contrôles ont été effectués et des rapports établies du temps du nouveau Gouverneur Mohammed Leksaci, notamment durant la période du gel des opérations de commerce extérieur. Sur ce, la juge intervient pour l’informer que malgré cette décision de la Banque d’Algérie, l’argent continuait à sortir vers l’étranger. L’audience a repris, dans l’après-midi, avec l’audition de Khemoudj. Maître Berghel, avocat de la défense, l’interroge sur le nombre d’inspections demandées par l’ancien Gouverneur Abdelwahab Keramane. Le témoin les estime à environ sept sans être précis, alors que sous l’ère Leksaci elles étaient cinq ou six résultats d’inspections. Un autre avocat intervient, pour sa part, pour lui demander si son rôle se limite à constater les erreurs où va plus loin à savoir l’inspection. Sans trop convaincre l’avocat, Khemoudj assure que son rôle est d’assurer la solidité financière de la banque et que celle-ci réunissait les conditions du fonctionnement réglementaire. Le même avocat lui demande à savoir quelles ont été ses prérogatives. “Je ne suis pas habilité à sortir de la procédure réglementaire de mes attributions”, répond-t-il. De son côté, maître Chaâbane voulait savoir s’il est possible de confirmer les 75% du capital de la banque Khalifa. Khemoudj note que c’est l’apport des actionnaires. Mme Brahimi intervient pour dire que les actionnaires ont assuré n’avoir pas versé d’argent et que ce capital est celui des déposants algériens. Par ailleurs, le tribunal a fait appel à Maâchou Ben Omar, membre et juge de la commission bancaire. Il s’est appesanti sur le rôle et le mode de fonctionnement de la Commission bancaire. Maâchou souligne que la commission en question était présidée parfois par le Gouverneur, de la Banque d’Algérie et parfois par le vice gouverneur en la personne de Ali Touati. La magistrate veut savoir si l’inspecteur qui a fait le contrôle était présent lors du conseil de la commission. Maâchou répond par l’affirmative. Notons que d’autres membres de la Commission bancaire seront entendus aujourd’hui par le tribunal criminel de Blida.

Hocine Lamriben

Partager